Les universitaires et leurs recherches...

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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

Je partage partiellement le nationalisme chauvin outrancier guerre-de-quatorze d'Elie. Il y a une tradition universitaire (donc purement culturel, hein, rien de génétique) de l'organisation rhétorique, de la rigueur et de la densité à apporter aux travaux rendus, qu'il s'agisse des exercice d'étudiants, des thèses ou des conférences. Art dont l'assomption, le nirvana et l'orgasme est la dissertation

Que voulez-vous, notre système scolaire a été inventé successivement par des jésuites et par des militaires ! Des obsédés de l'ordre. :sun:

L'avantage, c'est en science humaine une rigueur dans l'explication qui est totalement salutaire, car les sciences humaines ne font essentiellement que manier des concepts - il n'y a pas de "matière" à laquelle se raccrocher.
Là encore, je serai nationaliste : les PhD anglo-américains, en terme d'exigence, ne valent même pas nos DEA (masteur). Je sais, j'ai travaillé un an durant avec une biblio pratiquement totalement étrangère. Les ouvrages anglophones ont une fichue manie de fonctionner "en cercle", je parle d'un truc, puis je parle d'un autre, puis etc. La notion même de "problématique" leur est inconnue.
... Je me souviens d'une amie de khâgne qui erasmait en Angleterre, et qui rentrée pour Noël se disait désolée et atterrée du peu de solidité des dissertations de géo qu'on leur demandait ; en gros tout ce qu'on nous interdisait de faire (absence de problématique, plan "à tiroir" 1. Géographie physique 2. Géographie humaine 3. Géographie économique) était la règle et inversement.

L'inconvénient, c'est que l'exigence d'une parfaite rhétorique freine parfois un peu l'originalité. Et surtout, que l'acquisition de cette rhétorique est difficile : en témoigne la Bérézina perpétuelle de nos premiers cycles toutes matières confondues - car quoi qu'on dise, il y a une selection à l'université, dont la dissertation est le Koutouzov.

Néanmoins cette exigence a fondé une puissante tradition française (cocorico) des sciences humaines. Classiquement, ces soixantes dernières années, tous les grands mouvements de pensée ont connu le chemin suivant :
- Premières étincelles à l'étranger. Souvent en Allemagne.
- Explosion en France
- Livré sur un plateau aux Etats-Unis. Qui vulgarisent.

Je range là-dedans : la linguistique générale à partir de Saussure, le structuralisme sous toutes ses formes, la nouvelle Histoire (école des Annales etc.), les nouvellees géographies, la psychanalyse deuxième période (Lacan et F. Dolto), Foucauld et les études de genre ("the french theory" disent les Américains qui s'en baffrent désormais et qui ne font PLUS que ça :-o ), la sociologie (à partir du Collège de Sociologie de 1938), etc.

... Et oui, quand on tente de défendre tout cela, on passe pour arrogant et l'accent-de-Chirac-quand-il-parle-anglais ( :-? au passage : J. Chirac est titulaire d'un PhD américain soutenu à la summer school d'Harvard (sur le port de la Nouvelle-Orléans !). C'est dire si, d'une part, il parle pas si mal l'anglais que ça (pour un français), d'autre part.... :D Nan, je dirai rien.

Et même, quand on tente de défendre cela dans les milieux qui "pensent" l'éducation (les "think tank" - ça me fait penser aux chars Patton), on vous répond "vos gueules, de toutes façons les Français ne sont bons qu'à branler des concepts de sciences humaines qui ne sont pas utiles à l'économie, pour les sciences et surtout les sciences appliquées y'a personnes".

Peut-être. Peut-être aussi parce que les sciences dures réclament beaucoup plus de moyens (un chercheur de sciences humaines a besoin de livres, un physicien d'accélérateurs de particules) et que les universités américaines ont du fric.

:c-com-ca: Il y a deux puissantes traditions universitaires en Europe : la France, son âge d'or de 1930 à 1975, et sa rigueur rhétorique "englobante", l'Allemagne, son magnifique 19e siècle et sa puissance philologique du détail ; malheureusement ça n'intéresse plus personne, et l'opinio communis, c'est qu'il faudrait virer notre cuti et devenir tous plus anglo-saxons que les anglo-saxons. Mais sans les qualités des anglo-saxons (qui sont de très bons vulgarisateurs, alors que l'Universitaire français se sent déshonoré si on le comprend).

*

S'agissant des scandinaves, dans mon esprit, ils relevaient plutôt de l'école allemande : "tans leu manuscrit B363898-A612 du De muscibus sodomisandis d'Agélibard de Turin à la pache touze, il y a écrit "ab" au lieu de "a" est z'est très intéressant et cheu vais faire une Habilitationschrift de 6.000 pages à ce sujet". Mais il est vrai que les seuls ouvrages écrits par des scandinaves que j'utilise sont des thèses qui ont plus de cinquante ans. Ils ont peut-être déjà viré leur cuti.

D'ailleurs les Allemands viennent de supprimer leurs Habilitationschrift

*

Bon, cela étant, on s'est tous fait ch*** un jour à une conférence, même française.
- Parce que le sujet ne nous intéressait pas (ce qui ne veut pas dire qu'il ne soit pas intéressant : la forme du datif pluriel en lesbien du 3e siècle ça me passionne !).
- Parce que l'orateur était nul.
- Parce qu'on y comprenait rien.

Mais une conférence est une "rencontre", comme on les nomme parfois ( :mad: on dit de plus en plus un symposium, à l'anglaise), donc il y a au moins deux niveaux : il faut différencier ce qui relève de nous et ce qui relève de l'orateur.

:P D'ailleurs, curieusement, c'est parfois les conférences qu'on attend le plus qui sont les plus nulles. Et d'autres où l'on ne penser rester que par politesse - parce qu'on voulait aller à la précédente et à la suivante - qui peuvent être passionnante. Récemment, dans un cycle sur Mycènes, j'ai entendu un italien (ils sont bien les Italiens en général) parler de calcul de l'impôt dans les cités mycéniennes d'après les données archéologiques. L'archéologie m'ennuie profondément, je suis nul en math, mais le type réussisait à rendre ça passionnant et, au moins d'un point de vue épistémologique, j'ai trouvé ça génial, j'irai photocipier l'article.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
gfa
Guest

Post by gfa »

Sisyphe wrote:Je partage partiellement le nationalisme chauvin outrancier guerre-de-quatorze d'Elie. Il y a une tradition universitaire (donc purement culturel, hein, rien de génétique) de l'organisation rhétorique, de la rigueur et de la densité à apporter aux travaux rendus, qu'il s'agisse des exercice d'étudiants, des thèses ou des conférences. Art dont l'assomption, le nirvana et l'orgasme est la dissertation
Moi aussi, je pense qu'il peut y avoir une culture "de l'art de penser" propre à chaque pays, et donc (encore une fois mais c'est plutôt bon signe car cela montre qu'il n'y a pas encore de culture unique) les propos d'Elie ne me choque pas. Le connaissant un peu (si peu, mais bon), je ne le crois pas sujet à tomber dans la caricature.
D'un autre côté, il est très difficile de parler de son expérience sans tomber dans le piège de la généralisation: il suffit de remettre les mots dans leur contexte.

Pour le reste, je suis "obligé" de suivre chaque année 30 heures de formation permanente pour mon job sous la forme de conférences de 3 heures (fiscalité, droit, comptabilité,etc...).
Même lorsque j'ai trouvé la conférence d'un très mauvais niveau (orateur, sujet,...) cela a toujours contribué à renforcer mon raisonnement sur le moyen terme. J'ai toujours trouvé un petit détail qui donnait du sens à l'ensemble de mes compétences.
Last edited by gfa on 08 Apr 2006 12:28, edited 1 time in total.
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Dada
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Re: Les universitaires et leurs recherches...

Post by Dada »

flamenco wrote: est-ce que tout les chercheurs (au moins en langues) sont des gens tordus qui se regardent le nombril en s'écoutant parler ou alors est-ce que je tombe toujours sur les mauvais numéros?
Non pas du tout! Du moins en sciences (pour les langues je n'ai aucun avis).

Je suis d'accord avec ce que dit Ann sur le niveau du public vise. On fait pas la meme presentation a des specialistes et a des neophytes. Et entre specialistes de disciplines differentes l'intercomprehension n'est souvent pas possible. Un geophysicien qui assiste a une conference d'astrophysique ne va rien comprendre, et vice versa. J'ai aussi un exemple qui date de la semaine derniere: un geophysicien est venu presenter sa recherche (conference d'a peu pres une heure) a des pures geologues (etudiants de 3e cycle et chercheurs). Je n'ai absolument rien appris sur le fond en l'ecoutant, tout ce qu'il disait et montrait je l'avais appris en cours a la fac, mais les geologues ont trouve ca passionant! Ce qui m'a sauve de l'ennui c'est d'observer comment il introduisait en une petite heure tous les concepts de base de son domaine a des gens qui n'y connaissent rien. Et justement ca force etait de bien definir les problematiques etudiees par son labo, ce qui n'est pas le point fort des anglo-saxons en genral.
Etant en PhD au Canada, j'ai experimente ce qu'a dit Sisyphe a propos de la culture universitaire. Il est atterant de voir des etudiants de 4 ou 5e annee ne pas savoir rediger un rapport correctement. Dans une UV (ou module ou je sais pas comment on appelle ca maintenant) en guise d'examen final on devait ecrire un article scientifique en se basant sur une demi-douzaine ou un dizaine d'articles parus dans la presse scientifique. Je n'etais pas tres content de mon travail car etant piege par le temps (mauvaise estimation de ma part du temps necessaire pour tout lire en anglais puis tout rediger dans un bon anglais) j'ai ecrit la derniere partie et la conclusion "a l'arrache" comme on dit. J'ai pourtant eu la meilleure note! Et pourtant je suis sure que ma conclusion ne serait pas du tout passee avec un prof francais, elle etait completement destructuree, j'ai tout balance pele-mele!
Inversement dans une autre UV on avait un petit projet de recherche a faire, par soi-meme donc, et ce coup-ci j'etais plutot content de moi. J'avais pas fait des miliers de models et des centaines de lignes de programme, mais j'avais des "beaux" resultats, qui amenaient des commentaires tres interessants, et j'avais fignoler ma presentation powermachin. La plupart des canadiens aux contraires avaient des tonnes de resultats, mais ca partait dans tous les sens, parfois il n'y avait aucun lien entre les diapos et les courbes presentees, voir meme aucun commentaires, juste les resultats bruts (la courbe monte, la elle decend,...). Et bien j'ai eu la plus mauvaise note cette fois. La ou un francais attend une presentation structuree avec une intro, la definition des problematiques, la facon dont j'essaie d'etudier et de resoudre ces problematiques, les resutats, puis conclusion(s), l'"anglo-saxon" n'en a rien a faire, il va juste retenir LA diapo qui l'a interessee au milieu de tout le fouilli et dire "hum, vous avez des resultats tres interessants sur la diapo numero 12...", et il fait abstraction de tout le reste! Et plus le fouilli est fourni, meilleur c'est! (ca doit donner l'impression qu'on a plus travailler je suppose) :lol:

Pour en revenir a la question de Flam', il faut savoir que beaucoup de labos dans les facs anglo-saxonnes sont finances par des entreprises (surtout vrai pour les sciences et technologies). Donc il faut savoir mettre en valeur et presenter de facon claire son travail a des possibles sponsors, et ceux qui decident souvent ne sont pas des scientifiques eux-memes. Bref le mec qui sait pas vulgariser et simplifier dans ces cas la, il aura pas beaucoup d'argent pour son labo. Souvent les directeurs de labos sont des "monstres" a l'oral. Ils presentent des choses hyper pointues de facon a ce que tout le monde comprenne et trouve ca passionant.
«C'est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain ne l'écoute pas.» Victor Hugo
flamenco
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Post by flamenco »

Bon... Donc si je comprends bien...

Je suis peut-être tombé sur de mauvais numéro ou alors j'étais "trop" néophyte pour bien apprécier mais si ça se trouve, c'est eux qui n'ont pas réussi à se mettre à notre niveau... Faut dire que j'ai du mal à savoir si la conférence était ouverte au commun des mortels ou alors si c'était un truc de spécialistes... Et puis il reste aussi la possibilité que ce n'était pas un truc qui pouvait m'intéresser...

Soit. J'ai l'impression qu'il n'y a pas vraiment de réponses à ma question finalement...
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