Chrysopale wrote:Mais faut dire que quand czort annonce que le prochain coup va être décisif, et que moi le mieux que je trouve à faire, c'est bouger un pion, ça fait hésiter....

... C'était les années 90, dans l'Education Nationale française, donc technologiquement parlant, c'était dans les années 70. L'ordinateur était bicolore et la mémoire se comptait en hecto-octets ou à peu près, et générait des coups quasi-aléatoires. Cela dit, je vous rassure : je perdais déjà. Mais il fallait bien dix minutes.
Aujourd'hui, même dans le plus pourrave logiciel, en réglant la réflexion de l'ordi à un demi-coup d'avance et 0,01 seconde de réflexion, je perds en trois minutes.
Donc, j'avance mes pièces et je me fais bouffer le pion F2 par un fou que je n'avais pas vu (je ne vois jamais les fous, c'est bizarre mais je suis incapable de gérer la diagonale)... Le prof, qui m'aimait bien (j"étais déjà profondément nul en math mais ça ne se voyait pas encore), passe dernière moi, constate mon coup, prédit ma défaite (c'est le troisième trait, mais bon, même moi je l'aurais prédite en fait), et commence à m'expliquer l'importance stratégique absolue du pion F2
"Tu comprends, c'est la pièce faible du jeu car il n'est défendu que par le roi patati patata mais c'est aussi la pièce pivot car, en cas de défense hongroise de l'adversaire, après une séquence Pc1c2-Fb3c6-Pe4xd5-Cg1f3 Pe7e5 patati patata et d'ailleurs dans la seizième partie Van de Bijdoel - Chtchvatsniejnikov lors des 256e de final du tournoi intersidéral FIDE où le russe a gagné (pléonasme) patati patata et donc, TOUT se joue autour du pion F2 (ou F7 pour les noirs)"
Moi, j'avais toujours considérés les pions comme des pièces à dégager pour pouvoir jouer les grosses.
Ce jour-là, j'ai compris ce que c'était qu'un vrai joueur d'échecs, et aussi pourquoi je perdais tout le temps. Et c'est essentiellement un hasard, mais je n'ai plus jamais joué aux échecs contre quelqu'un de réel depuis cette époque, sauf moi...
... Ce qui constitue d'ailleurs les seules fois où j'aie gagné depuis la mémorable partie contre mon cousin en décembre 1988 (arbitrage mamy) où j'ai fait un admirable pat en 98 coups.
