J’ai composé une salade amérindienne à la manière de la fameuse salade mythologique et dont je te ferai profiter en temps opportun.
À cette occasion, j’ai fait ces découvertes étymologiques tout à fait étonnantes (pour parler comme Jabougne).
Sais-tu que le mot papoose désigne un enfant chez les Amérindiens. Oui ? Mais dans laquelle de leurs langues ? Figure-toi que ce n’est pas un dictionnaire français qui te le dira ! D’abord parce que les nôtres, en dehors de tipi qui est identifié comme un mot sioux dakota, ne connaissent, de manière simpliste, que « l’algonquin », ignorant donc que c’est en réalité une famille de langues. Mais en plus, ce mot-là est absolument inconnu. Je le connais depuis Tintin en Amérique, et il faut donc croire que c’est un hapax d’Hergé, et qui n’a jamais été relevé même par A. Rey. C’est vraiment dommage parce que ce mot-là a été emprunté au narragansett, la langue de la tribu indienne de Rhode Island, le, et l’une et l’autre gagneraient sans doute à être connues. Ce que j’ai pu savoir jusqu’ici, c’est que les Narragansetts sont évoqués dans Le Dernier des Mohicans desquels ils étaient voisins et amis.
Ton message complète, avec ma reconnaissance, ce que j’avais appris de “papoose” , en 1955, lorsque mon hôtesse à Providence R.I. avait pour voisin un Mohawk ( sorte d’ Indien “équilibriste” couramment employé par les constructeurs de gratte-ciel new-yorkais à l’époque , eu égard à leur méconnaissance tribale du vertige) dont l’épouse, curieuse de voir un Français, usait d’un “ papoose” pour porter son bébé quand, sous prétexte d’aller “magasiner”, elle s’arrêtait “chez nous” .
J’ai d’autre part rencontré souvent à Lyons , NY, un Algonquin, ingénieur de haut niveau chez Kodak à Rochester NY, qui tous les week-ends montait son wigwam (que les Français nomment tipi) dans un champ près de la voie ferrée au centre du village, dont toute la famille revêtait la tenue traditionnelle de sa tribu ancestrale, vivait sans électricité du samedi midi au dimanche soir, hiver comme été, et appelait ses enfants “ papoose”.
Je n’ai en revanche jamais entendu ce mot chez les nombreuses tribus indiennes rencontrées dans le Far-West, notamment les mercantiles Jivaros aux abords du Grand Canyon.
[note modératoire : il serait bon de citer la source...]
À la décharge d'Alain Rey, les spécialistes, je ne dis même pas des langues amérindiennes, mais tout simplement des peuples améridiens doivent se compter sur les doigts d'une main en France. Encore y-a-t-il une petite chance de trouver des spécialistes des peuples précolombiens sud- ou mésoaméricains : tradition des relations franco-sudaméricaine, compatibilité des systèmes universitaires jusque-là modelés sur le système hispanique donc assez proches du système français, voire poussées d'antiyankisme de la part des gouvernements locaux, qui favorisent les relations avec la "vieille Europe", etc. Claude Levi-Strauss a commencé au Brésil, entre autres.
Mais qui irait se spécialiser dans le continent nord-américain ? Les richissimes et de plus en plus surpuissantes universités nord-américaines ont tout sur place et des armées de phidistes prêts à tout labourer. Quel doctorant ethnologue ou ethnolinguiste irait choisir une spécialité qui n'offre absolument aucun poste ici ? Ou alors, précisément, il ira se former là-bas. Il reste les dilettantes - qui peuvent être géniaux, d'ailleurs, mais seront méprisés par les universitaires.
Pour trouver une bonne documentation sur le hittite, je dois monter à Paris et fouiller les fonds oubliés des micro-BU les plus ésotériques. Si vous prenez la bibliographie de n'importe quel ouvrage de linguistique étasunien après 1980, vous vous rendrez compte que les publications non-anglophones sont superbement ignorées.
Plus la recherche est mondialisée, et mois les chercheurs communiquent.
Plus il y a de micro-revues, moins il y a de bons manuels.
Plus les universitaires "publient", et moins on édite ("publish or perish, but publishing kills books").
Plus les BU sont archipleines (nos bibliothèque n'ont jamais contenu autant), et plus il leur manque des ouvrages essentiels.
Comment on dit "désespoir d'un jeune chercheur" en navajo ?
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)