Je viens consulter les spécialistes en étymologie en tout genre du forum, et aussi les historiens, au passage .
Je traduis un texte (qui, pour le reste, n'a absolument rien avoir avec ma question ) dans lequel se trouve une partie "géographie" où on retrace l'évolution des divers noms donnés à l'Angleterre/Grande-Bretagne/Royaume-Uni.
Je reste très perplexe face à une phrase qui explique d'où viendrait le nom qu'on lui donnait au début, à savoir "Albion".
La phrase en anglais est la suivante :
The island was known as the land of Albinos and hence its name was Albion.
Dans mon texte, on est en 200 av. JC.
Je voudrais savoir d'où vient cette expression "land of Albinos", que je ne trouve nulle part, à part quand je retombe sur la même phrase mot pour mot sur le Web
Est-ce que ce mot peut avoir un autre sens qu'albinos (la maladie) ?
Serait-ce le nom d'un peuple de l'Antiquité ? (je dis ça à tout hasard, hein, j'y connais rien !)
Ou bien mon texte se trompe-t-il (je dis ça car il comporte des erreurs à d'autres endroits) et en fait ça voudrait dire un truc genre "terre blanche" (du latin "alba") ?
Ça me gêne de dire "terre des Albinos" en français, ça doit forcément renvoyer à quelque chose d'autre qui m'échappe, mais quoi ?
Un grand merci d'avance à tous ceux qui pourront m'aider d'une manière ou d'une autre .
Maman disait toujours : La vie, c'est comme une boîte de chocolats ; on sait jamais sur quoi on va tomber...
D'après ce que je lis sur ce lien, il s'agirait bien d'une erreur de mon texte, puisque le peuple auquel cela pourrait faire référence serait celui des Albiones, même si apparemment tout cela est à prendre avec des pincettes.
Bon, ça ressemble déjà plus à quelque chose .
Je vais fouiller encore...
Merci !
Maman disait toujours : La vie, c'est comme une boîte de chocolats ; on sait jamais sur quoi on va tomber...
Je confirme qu'on ne trouve en latin que albiones pour le nom du peuple, "albinos" semble de toute évidence une erreur grossière.
Ce genre d'énormité me rappelle cet article de géographie urbano-historique sur les foires dans l'urbanisme médiéval, que m'avait signalé Miguel, et qui s'offrait une savantissme entame par l'étymologie et expliquant que "foire" venait de "fores", "au-dehors", et que donc la foire ouvre l'espace de la ville sur l'extérieur et bla bla bla.
C'est juste, à un détail. La foire, dans le sens de "marché" vient de feria. Il y a bien un mot "foire" qui vient de "fores" en français, mais c'est celui, vieilli, qui désigne une variété de pet plus ou moins diarrhéique, et que l'on retrouve dans l'adjectif "foireux".'Faut faire attention quand on consulte les dictionnaires étymologiques...
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Pour revenir à "Albiones", je ne vais pas redire ce qu'explique très bien le wiki anglophone, notamment sur le fait que les Latins eux-mêmes ont été influencés par la faussse étymologie avec "albus", tant il est tentant de penser aux falaises crayeuses du sud de l'Angleterre. J'ajouterai quand même que le terme n'est pas très courant, en réalité, et que son extension exacte n'est pas claire. Il n'apparaît guère que chez des auteurs qui n'ont de la (grande-)Bretagne qu'une connaissance indirecte et livresque. Nuls "Albiones" n'apparaissent chez César par exemple. Ni l'épigraphie à ma connaissance, ni la Cosmographie dite de Ravenne et attribuée à Ptolémée (IIe siècle AD), nous livrant pourtant des dizaines de noms de peuple, ne semblent en parler, et surtout pas dans le Sud. Alors que, très paradoxalement, le nom "d'Alba" réapparaît dans les "siècles troublés" de la Bretagne (Ve / Xe siècle : invasions) pour désigne l'Ecosse.
Ce n'est pas le seul cas d'ethnonyme "baladeur" dans les îles britanniques. On trouve des "Cornavii" ou "Cornovii" à peu près partout sauf dans ce qui est l'actuel Cornouaille, où l'on mentionne des "Dumnonii" que l'on retouve aussi au sud de l'Ecosse... Selon un phénomène très courant, les Romains ont souvent pu prendre des noms communs ("le peuple") pour un nom propre ; c'est dit-on le cas pour les "cumbrenses" dont le nom dérive sans doute de "cumry" dans le sens de "compatriote", terme par lequel un peuple peut très bien en désigner un autre s'il existe un lien politique, même s'il s'agit de deux cultures différentes... Les rêveurs du XIXe siècle sont souvent tombés dans ce genre de panneau linguistique, reliant un seul coup de feutre les Gallois modernes (Cymr) et le Cumberland dans une mythique "Cumbria" qui n'a jamais existé... Pour comparaison, nous parlons très souvent de nos "cousins québécois" pour signifier l'attachement sentimental que nous avons pour eux, mais le rapport génétique entre la population française et la population québécoise est sans doute de proportion homéopathique. Imaginez un historien du XXXVe siècle qui découvrirait l'expression dans un écrit du début du XXie et qui déduirait immédiatement l'existence d'une migration de masse de la France vers le Québec une trentaine d'année avant la date du document considéré.
Sans parler des représentations géographiques des Anciens. N'oubliez pas qu'au début de la Guerre des Gaules, César présente la Gaule comme un triangle et que la côte Atlantique est pour lui au Nord.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
Merci Sisyphe, pour la confirmation, ainsi que pour tes explications, toujours aussi détaillées et intéressantes !
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Ça ne m'étonne pas que ça soit une erreur (d'ailleurs, j'ai vraiment tiqué en lisant Albinos, et c'est pour ça que j'ai entamé des recherches...), car le texte confond allègrement Grande-Bretagne et Royaume-Uni tout au long de ce passage, et le chiffre donné pour la superficie est totalement fantaisiste, car il ne correspond ni à l'une ni à l'autre entité géographique
J'ai signalé tout ça au client...
Maman disait toujours : La vie, c'est comme une boîte de chocolats ; on sait jamais sur quoi on va tomber...