Salut à tous,
Je suis votre débat avec intérêt, d'autant plus que, contrairement aux espoirs émis par Sisyphe dans un mail qu'il vient de m'envoyer, je n'y connais rien au sujet que vous labourez: moi, après la fin du Moyen Âge russe (donc après le XVIIIe siècle

), je suis assez largement ignare sur cette aire géographique.
J'interviens donc seulement à propos des origines de Nicolas/Mycola, pour rappeler qu'il existe une autre explication possible, même si elle peu probable. Pour les langues d'Europe centrale en effet, et singulièrement pour les noms propres plus favorables à la créativité, il arrive assez souvent qu'une variation échappe complètement aux règles de linguistique parce que l'évolution s'est faite non pas par oral, mais uniquement par écrit. J'ai ainsi le cas, dans mes textes du XIIe siècle, de noms de peuples (lointains et mal connus) pour lesquels une nouvelle variante est apparue (et s'est diffusée) uniquement parce qu'un copiste a mal compris une abréviation. À mon avis, d'ailleurs, ce genre de malentendus explique en partie la naissance de plusieurs peuples, mais je ne vais pas resservir ici une nouvelle fois le modèle de l'ethnogénèse médiévale.
En l'occurrence, on pourrait donc imaginer qu'un moine ukrainien ait eu besoin, le jour de son entrée au monastère, d'un nouveau nom pour sa nouvelle fonction monastique. Il se renseigne, cherche un saint patron qui lui convienne, demande conseil au bibliothécaire de l'établissement qui, ayant perdu ses lunettes ou forcé sur la bière de betterave, lit mal son texte ('faut dire qu'avec ces caractères grecs, slaves et latins, on s'y perd un peu, ma bonne dame) et lui colle donc un nom déformé où Nicolas est devenu Mykola. Par la suite, le dit moine devient lui-même un saint réputé, et vlan: son nom devient le hit absolu pour tous les Ukrainiens. Un peu le même phénomène que celui qui, au XXe siècle, a donné naissance au prénom "Jean-Bédel" là où le calendrier indiquait "Jean B.d.L.". Depuis Bokassa, le prénom est toujours distribué, j'en a vu des exemples.
Rapporté à Nicolas, ça semble anecdotique et improbable, mais encore une fois, 'y a des malentendus équivalents qui sont bien attestés pour d'autres types de noms propres de la même période, c'est donc théoriquement possible. Cela dit, pour en avoir le cœur net, 'y a pas: il faudrait éplucher une bonne somme anthroponymique (ou au moins une dossier hagiographique, ça devrait suffire) pour savoir au moins à quelle époque et à quel contexte remontent les deux versions du nom dans l'aire russo-ukrainienne.
Autre explication possible, qui relève également de l'ignorance d'un demi-lettré: l'étymologie fantaisiste. Il se peut très bien que les deux noms n'aient absolument rien à voir à l'origine, mais qu'on ait décidé un jour, sur la base de nombreuses lettres communes, qu'ils étaient sas doute liés au départ. Pour faire les choses proprement, il faudrait donc refaire non seulement l'histoire de ces deux variantes anthroponymiques, mais aussi l'histoire de cette idée selon laquelle elles ne font qu'une.
Svernoux, j'ai adoré ton concept de discussions h
ystorico-étymologiques!