
Bon, alors déjà, je te félicite de ton sérieux et de ton zèle, car je connais beaucoup d'étudiants d'allemand qui n'ont jamais pris le temps d'apprendre sérieusement leurs particules en deuxième année, ni n'ont essayé de se poser les bonnes questions à partir d'un ouvrage unilingue.

Moi, par exemple. Ca fait des années que je promets de m'y mettre à fond, et ça m'a toujours beaucoup manqué, et ça remplit à peu près 40% de mon incapacité à parler allemand flüssig à l'oral (les 40 autres % étant mon manque de sérieux concernant les rections prépositionnelles des verbes...).
Cela dit, je connais le problème sur un plan linguistique.
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On va commencer par un peu de diachronie : les verbes "à particule séparable" ne sont, dans 80% des cas, qu'une illusion ! Une vue de l'esprit, ou plutôt, une vue des lexicographes allemands du 17e au 19e siècle, qui ont de façon assez folle accolé un adverbe et un verbe qui avaient juste tendance à se trouver fréquemment ensemble. Donc, dans un verbe à PS, il faut surtout considérer qu'il y a
deux unités sémantiques autonomes, c'est pas pour rien qu'elle est accentuée ! L'action principale, c'est le verbe, et cette action est secondairement précisé par la particule.
Ce qui a pour conséquence que l'adverbe a tendance à garder son sens premier qui est toujours spatial,
ce qui a pour conséquence que le sens a tendance à être "plus concret", mais ce n'est effectivement qu'une tendance.
Alors que dans un verbe réellement préverbé (dit à particule inséparable), il se passe se qui se passe dans toutes les langues : le préverbe devient sémantiquement
plus fort que son verbe support. Surtout si ce dernier est un "verbe à tout fait" du genre lassen, stehen, setzen, nehmen... On a la même chose en français ou en latin :
1. "je viens avant" (latin venio prae): j'exprime deux unités sémantique : un mouvement, et sa position relative dans l'espace/temps.
2. "Madame, vos refus ont prévenu vos larmes" (Racine) = vos refus sont venus avant vos larmes et donc en son la cause. Sens archaïque en français (latin praevenio), on voit encore le système précédent, mais déjà, on est passé de la stricte position sur l'espace/temps à une idée de cause.
3. Je l'ai prévenu d'un danger : le sens du verbe "venir" disparaît complètement, le sens dépend essentiellement du préverbe).
Bon, je sais pas si c'est très clair ni si ça t'aide...
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Maintenant, tes exemples. Là, je crois que pour bien comprendre, il faut aller jusqu'au bout de la méthode qui t'avait fait, à juste titre, partir du Duden plutôt que d'un bilingue : laisser tomber la traduction un instant pour se représenter,
à l'intérieur de la langue allemande, ce qui se passe.
gleichmässig bis zum Anschlag ziehen" beispiele: ein Sägeblatt, ein Ruder (gut) durchziehen.
Là, il faut se mettre à la place d'un
avironnier, avironniste, avironneur d'un type qui fait de l'aviron : pour faire avancer le bateau, il faut pousser l'aviron jusqu'au bout en avant ("chlouff"), puis tirer-tirer-tirer-tirer à fond sans aucun à-coup (sinon le bateau fait des sauts) ("han !"), jusqu'à être quasiment couché, la tête sur les
couil cuisses du rameur précédent ("aïe") ! "gleichmässig" ne veut pas dire "régulièrement" dans le sens chronologique ("souvent") mais "avec une intensité égale d'un bout à l'autre de l'action". Même chose quand on scie : si l'on veut avoir une tranche nette, le coup de scie doit être net aussi. Si si !
Or, si je me contente de faire de la barque le dimanche, je peux me contenter de "das Ruder ziehen", mon bateau ira cahin-caha, plus ou moins droit. Mais si je veux en faire sportivement et remporter le tournoi, je dois "das Ruder durch|ziehen". On a bien deux idées qui s'ajoutent.
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Le net semble confirmer les "durchziehende Vogel", opposés au "überwinternde", donc eux qui passent l'hiver sur place. Moi j'avais appris "Zugvögel" et "Wandervögel" qui doivent être synonymes.
Ein Gewitter zieht durch : là encore, il faut se représenter la scène, si possible avec beaucoup de romantisme allemand et si possible Schubert en fond sonore. Je suis, disons, un joyeux meunier qui wandert, vu que
das Wander ist des Müllers Lust (ou pour ceux qui ont un peu plus de goût :
ici. Le ciel est blau, les Schmetterlinge volent et les Vögel chantent. Et tout à coup, un gros nuage noir se glisse au milieu des quelques petits nuages blancs, il
fend littéralement le ciel ("durch") et s'étale sur les deux bords, et broum badaboum la pluie et le tonnerre éclatent, je me réfugie sous un Lindenbaum, et là je vois ma Müllerin se faire embrasser par un Jäger quelconque et je suis vachement traurig.
Pour la traduction, on sera obligé soit de garder la syntaxe mais en privilégiant les formules de la langue-cible : un orage survient, un orage éclate. Soit de rendre l'image de la langue-source en trahissant la phrase : un orage fend le ciel.
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durchziehen (séparable): die Flüchtlinge sind durchgezogen
durchziehen (inséparable): Karawanen durchziehen die Sahara
Assez bonne illustration de ce que je disais plus haut :
A) Les fuyards ont changé de résidence (c'est un des sens de "ziehen" tout court : in die Stadt ziehen, s'établir en ville). Sauf qu'en l'occurence, ils n'ont pas fait succéder une adresse légale à une autre, um|ziehen (la succession est un des sens de "um" : eine Katastrophe kam um die Andere) ; pour pouvoir changer de lieu, ils ont dû passer à travers le mur, les barbelés, le champ de mine et les tirs de AK-47 (durch !).
Donc, il y a bien une action principale qui est celle de "ziehen", dont je précise les modalités spatiales, en l'occurence "durch". Mais la preuve que j'ai bien deux "idées", c'est que je peux supprimer la particule ou la faire varier.
Impossible à rendre en français dans une trad' !
B) Le but de la caravane, ce n'est pas de se promener au milieu du désert, c'est
d'aller de l'autre côté vendre ses produits. Ici, comme je le disais, c'est le préverbe (particule insép)qui a le sens le plus important : je fais un truc où le plus important, c'est de traverser (durch) quelque chose, et en l'occurence, le verbe proprement dit a un sens quasi-nul (ce serait déjà plus précis avec durchgehen, durchfahren ou durchfliegen). À la rigueur (à vérifier auprès d'un germanophone), on pourrait dire que
Die Fenneke ziehen im Sahara durch, ils se déplacent à l'intérieur du Sahara qu'ils traversent de long en large.
Cf. aussi : über|gehen = aller de l'autre côté (ich gehe quelque part, et il faut que je franchisse quelque chose pour le faire, deux idées), alors que übergehen = se fatiguer en marchand, c'est-à-dire faire quelque chose qui va "über" ce qui est normal (qui dépasse mes forces), et accessoirement, je précise que c'est en marchant.
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Bon, tout ceci est un mélange de philologie pure et de bricolage qui marche dans 70% des cas, mais j'espère que ça t'aide.

La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)