
Tout d'abord, désolé pour le retard : j'ai perdu la moitié du message en le copiant-collant dans le bloc-note et en enregistrant au mauvais format. Windows a encore du mal avec le grec polytonique...
Bonjour,
Je reviens avec cette fois un peu de thème

Je suis partagé entre une réaction pédagogique digne du professeur éthique et responsable que je suis : "c'est une très bonne idée, c'est le meilleur moyen pour vraiment progresser en grec" - et une réaction moins constructive mais plus spontanée : "'faut vraiment être masochiste..."
Autant le signaler tout de suite je ne suis pas du tout sûr de ce que je vais avancer !
Normal, c'est du grec.
La première phrase est : "il faut que les femmes ornent avec soin la maison"
J'hésite entre deux formes soit :
Ταῖς γυναιξὶ προσήκει μετὰ ἐπιμελείας τὴν οἰκίαν κοσμοῦσι.
ou alors avec proposition infinitive :
Τὰς γυναῖκας πορσήκει μετὰ ἐπιμέλείας τὴν οἰκίαν κοσμεῖν.
La première est tout simplement fausse : après προσήκει, il faut impérativement mettre l'infinitif et rien d'autre. Comprenez bien que c'est un verbe, banalement conjugué à la troisième personne.

En fait, le sens premier du verbe προσήκω c'est "venir vers" (comme on dit en français "il me revient de faire ceci") ; donc, ce n'est même pas réellement juste de dire que προσήκει est un "verbe impersonnel" (disons que c'est une simplification pédagogique), mais en fait, techniquement, l'infinitif est le sujet de προσήκει, comme en français :
ἄρχειν μοι προσήκει
commander me revient
Un petit détail : les prépositions qui se terminent en alpha s'élident devant une voyelle (comme en français : le+oiseau = l'oiseau). Donc il faut écrire μετ΄ἐπιμελείας (pour cette dernière expression, je vous fais confiance, je n'ai pas de dico sur moi ; moi j'aurais dit ἐπιμελῶς (adverbe) parce que je me méfie des tournures prépositionnelles trop proches du français, mais rien ne dit que ce soit faux)
La seconde est : " le médecin dit que les maladies qui ne sont pas bien soignées ne guérissent pas facilement"
Ce qui pourrait donner quelque chose comme : " Ὀ ιἀτρός φησι μὴ τὰς νόσους τὰς θεραπευομένας οὐκ ἰᾶσθται ῥᾁδιως "

D'abord, un conseil bête : utilisez plutôt λέγει que φησι, ça nous évitera dans un premier temps des nervous breakdowns dues aux règles d'accentuation des enclitiques (vous en avez déjà entendu parler ou vous êtes encore vierge là-dessus ?).

Ensuite, bravo de n'avoir pas oublié que νόσος est féminin !

Enfin, j'ai un petit doute sur le sens de θεραπεύω : je sais qu'il est correct pour dire "soigner un malade", mais je ne suis pas sûr que ce soit le bon verbe pour "soigner une maladie"... Mais encore une fois, je n'ai pas de dico sur moi, donc on va faire comme si (aucun autre verbe ne me revient, donc si c'est celui qui est dans votre leçon, ça doit être le bon).
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Venons-en aux "maladies qui n'ont pas été soignées". Il y a un problème dans la place de la négation, ce qui me permettra de répondre à une partie de votre question suivante.
La seule règle véritablement impérative concernant l'ordre des mots (en théorie du moins), c'est ce qu'on appelle l'enclavement.
Voyons d'abord la structure fondamentale. On peut l'énoncer scientifiquement ainsi : le grec tend à enclaver de façon concentrique toutes les extensions possibles d'un groupe nominal.
Soit le noyau de base : les maladies - τὰς νὀσους
-> Tout ce que je vais dire
à propos de ces maladies, je vais l'intercaler [/i]entre
l'article et le nom.
Ca peut être :
- Un adjectif : τὰς εὐτύχας νὀσους "les bénignes maladies"
- Un génitif complément du nom : τὰς τῶν Αθηναίων νόσους "les des Athéniens maladies"
- Un groupe prépositionnel : οἱ ἀπὸ τοῦ Κηραμικοῦ Αυήναιοι "les du Céramique Athéniens" (i.e. : les Athéniens qui viennent du quartier du Céramique)
- Un participe actif ou passif : τὰς θεραπευομένας νόσους "les soignées maladies"
- Etc.
Et ces structures peuvent à leurs tours se combiner en enclaves successives, dont l'éventuel article forme toujours la borne gauche, et le centre de l'extension (le nom, ou le participe, etc.) la borne droite - un peu comme des parenthèses successives dans une opération mathématique : 4-(3-(2-4)). Je dirais donc :
(les [des {venus du Céramiques} Athéniens] maladies)
αἱ τῶν έκ τοῦ Κηραμικοῦ Αθηναἰων νὀσοι
(les {[par le |du Céramique| docteur] soignées} maladies)
αἱ ὑπὸ τοῦ ἑκ τοῦ Κηραμικοῦ ἰάτρου θεραπευόμεναι νὀσοι
Revenons à votre groupe : "les maladies qui ne sont pas bien soignées". Le grec va penser de la façon suivante :
Noyau ; les maladies
+> extensions : ayant bien correctement soignées (participe passif + un adverbe)
......+> négation de l'adverbe => c'est donc juste devant l'adverbe qu'il va falloir mettre la négation.
Cela nous donne le "prototype mental" suivant :
"les NON-soigneusement ayant-été-soignées maladies" [à l'accusatif]
Ο ἰάτρος λέγει τὰς μἠ ἐπιμελῶς θεραπευομήνας νὀσους οὐκ ἰᾶσθαι ῥᾁδιως
Les deux négations étant simples, elles se renforcent sans s'annuler, selon la célèbre "règle des petits chiens"... Vous connaissez déjà
Négation en μή ou en οὐ, j'ai choisi μή dans le premier cas parce qu'il me semble que nous sommes plus dans le domaine de l'idée, de la condition, si les maladies ne sont pas bien soignées, et οὐ dans le second qui est plus dans le réel, elles ne guériront pas facilement, mais cela demande confirmation!
Votre choix était juste... La règle dont vous parlez est à la fois totalement évidente pour les Grecs anciens et très difficile à formaliser en français
. Moi j'aurais plutôt dit que les "pas-correctement soignées maladies", c'est une catégorie générale, et non pas un fait qui se réalise ici et maintenant, donc μὴ.
Pour le second, en revanche, pas d'hésitation possible : dans une proposition infinitive après verbe déclaratif (il dit que...), la négation est toujours οὐκ, tandis qu'elle est toujours μἠ après un verbe de volonté (il veut que, il ordonne que).
L'ordre des mots en grec est assez libre mais l'est il tout à fait ou y a-t-il une façon de construire la phrase qui soit plus idiomatique qu'une autre ?
Un des rares points sympathiques du grec par rapport au latin, c'est qu'à l'exception des règles d'enclave sus-mentionnées (avec leurs variantes et leurs exceptions...), et bien sûr des connecteurs (μέν, δὲ, γὲ, etc.) l'ordre des mots est vraiment particulièrement libre, et même assez souvent étonnamment proche du français. Ne vous en préoccupez pas pour l'instant.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)