Sisyphe wrote:
J'ai l'impression que le pétrole est toujours une malédiction... Il amène toujours les gouvernements qui ont cette manne à des choix catastrophiques à court terme, et à une économie de rente, qui produit plus de riches que de richesses, et aucune forme de progrès humain. Les improductives folies du Qatar en sont un triste exemple, que les Qataris pleureront un jour... Quand il n'y aura plus de pétrole.
Oui souvent la rente des ressources naturelles fait privilégier le très court terme au long terme par les gouvernements, mais il y a aussi un mécanisme économique nommé 'Dutch disease' (mal des hollandais) par rapport à ce qui s'est passé dans les années 60-70 aux Pays-Bas : la rente pétrolière rend le pays plus riche, donc rend sa monnaie plus forte, et donc impacte négativement la capacité à exporter des biens et marchandises... Et ce mécanisme est indépendant de la volonté des États. Le secteur marchand hollandais, pourtant fort réputé, à été très affecté par ce phénomène à l'époque.
Concernant le Qatar, je serai beaucoup moins négatif que toi : de tous les pays pétroliers du Moyen-Orient, c'est sûrement le moins idiot. Que fait l'Arabie Saoudite avec ses pétrodollars ? Le Koweit ? Les Émirats ? Pas grand chose... Le Qatar investit dans le sport non pas en espérant que cela soit rentable (posséder un club de foot par exemple n'a jamais été rentable sur le plan comptable) mais dans le but de placer son argent, plutôt que d'acheter de l'immobilier ou autre chose. Les JO et la CDM de football par sont les événements les plus médiatisés du monde, et ils sont plus toujours plus gigantesques chaque année. Investir dans le sport actuellement est plutôt un bon calcul à terme à mon avis. De plus ce qui peut sembler des folies de notre point de vue ne l'est pas du point de vue qatari. Le budget sport du Qatar n'est qu'un pouillème de ce que le pétrole leur rapport. Pour plagier JP Gaillard je dirais donc qu'ils diversifient leur portefeuille.
@ Sisyphe, puisque tu as été jusqu'au graphe suivant, plus que la couleur politique des Pays-Bas, c'est le 'small fields policy' , fait unique au monde, qui illustre ici le bon résultat des Pays-Bas (en gros le gouvernment encourage et incite par divers moyens les compagnies pétrolières à exploiter des petits gisements qui ne seraient pas rentables d'après les prix du marché, ce qui permet de 1) préserver les gros gisements stratégiques pour le futur 2) éviter un épuisement rapide des ressources et une chute en flèche de la production le moment venu (c'est ce qui est en train d'arriver au RU). Ce graphe compare donc les deux extrêmes, le cas hollandais étant encore une fois et en l’occurrence unique au monde. La politique du RU n'étant elle pas très différente de celle en vigueur aux États-Unis ou Canada par exemple. Sauf que ces deux derniers peuvent tabler sur des ressources beaucoup plus vastes, et même sur des territoires encore inexplorés...
Ce qui est sûr c'est qu'aujourd'hui le RU est en train de couler. Leurs stats économiques globales étaient au même niveau que la France et l'Allemagne. Sauf que les deux continentaux n'ont jamais eu une économie sous perfusion d'une manne pétrolière. Le secteur industriel britannique est encore plus ravagé que chez nous, en fait c'est bien simple il est aujourd'hui inexistant. Les films de Ken Loach ou Full Monty par exemple, où l'on voit ces immenses banlieues ouvrières décrépites, ces usines abandonnées, c'est la Lorraine puissance 10 (pardon aux lorrains!). Ce qu'on vit aujourd'hui avec Florange, les anglais l'on vécu il y a 20 ans, mais de façon beaucoup plus massive et plus rapidement. L'économie du RU se base sur deux choses : la City (la finance), et le pétrole de la Mer du Nord. Ce qui est notoirement insuffisant pour une population de 60M de personnes. Et le sera de plus en plus étant donné que ce deuxième est en train de se péter la gueule...
«C'est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain ne l'écoute pas.» Victor Hugo