Bonjour,
Je suis tombé aujourd'hui sur la phrase suivante :
(...)et il appert que le tissu adipeux viscéral soit celui qui est associé de façon plus importante au risque de développer les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2.
J'avoue que c'est la première fois de ma vie que je rencontre ce mot, si bien que j'ai d'abord cru à une faute de frappe, avant de repérer le subjonctif qui n'irait pas avec "il apparaît que".
C'est quoi ? un canadianisme ? Le TLFI le donne comme juridique (mais avec l'indicatif) sans donner de précisions, alors qu'il s'agit là d'un article médical...
il appert que + subj
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Re: il appert que + subj
Une partie de l'histoire est effectivement canadienne mais sans subjonctif, qui serait alors ici une variante personnelle hors norme:
http://66.46.185.79/bdl/gabarit_bdl.asp?id=3856
... mais l'expression est française et bien française. Les usages varient, la mode passe... et revient.
http://66.46.185.79/bdl/gabarit_bdl.asp?id=3856
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- Sisyphe
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Re: il appert que + subj
La question du subjonctif en français dans les conjonctives tient un peu de la savonnette : ça finit toujours pas vous glisser entre les mains. On peut dire que :
- D'un côté il y a un aspect mécanique : verbe introduction affirmatif = subordonnée à l'indicatif (je pense qu'il est intelligent), verbe introducteur négatif ou interrogatif = subordonnée au subjonctif (je ne pense pas qu'il soit intelligent, pense-tu qu'il soit intelligent ?).
- De l'autre, des hésitations possibles qui trahissent malgré tout un sémantisme sous-jacent : Paul nie que Pierre est/soit malhonnête, et inversement je doute qu'il soit intelligent plutôt que qu'il est intelligent.
Dans ce dernier cas, on estime que l'explication est d'ordre énonciatif : l'indicatif marque le fait que le locuteur réel admet le fait exprimé par le protagoniste, et inversement (Paul nie que Pierre soit malhonnête - mais moi je pense qu'en réalité il l'est, je ne suis pas d'accord avec Paul).
Ces hésitations sont un peu plus nombreuses en français classique, et de ce fait le sens du subjonctif beaucoup plus fort : Phèdre se plaint que je suis outragré (Racine, effectivement, elle l'est) vs Quelques-uns ont pris l'intérêt de Narcisse, et se sont plaints que j'en eusse fait un méchant homme (Racine toujours, dans son examen de Britannicus : en réalité, je n'en ai pas vraiment fait un méchant homme).
Pour apparoir, je n'ai pas trouvé de référence, puisque le verbe est déjà archaïque au XVIIe, on peut considérer que :
- D'un côté, les impersonnels sont déjà suivis de l'indicatif dès le XVIIe siècle, ce qui suffirait à en faire une faute.
- De l'autre, il y a hésitation pour il semble que.
Cela étant, nous ne sommes pas en français classique, et plus on avance dans le temps, et dans les variantes non-littéraires (le français familier, lui, est en train d'évincer le subjonctif purement et simplement), et plus on retombe sur des constructions purement mécaniques.
Donc, mon diagnostic est le suivant : le médecin qui a écrit ces lignes veut se la péter. Il utilise, ce que permet la pédanterie au Québec, le verbe apparoir et il se prend les pieds dans la construction, ou plutôt : il prend pour un verbe marquant un doute (du type il semble que) un verbe qui en réalité marque l'assurance[/i] : il appert = il apparaît indubitablement que, c'est un fait établi (par un tribunal normalement) que.
[Cf. N. Fournier, Grammaire du français classique, p.351sqq ; je l'aime bien].
- D'un côté il y a un aspect mécanique : verbe introduction affirmatif = subordonnée à l'indicatif (je pense qu'il est intelligent), verbe introducteur négatif ou interrogatif = subordonnée au subjonctif (je ne pense pas qu'il soit intelligent, pense-tu qu'il soit intelligent ?).
- De l'autre, des hésitations possibles qui trahissent malgré tout un sémantisme sous-jacent : Paul nie que Pierre est/soit malhonnête, et inversement je doute qu'il soit intelligent plutôt que qu'il est intelligent.
Dans ce dernier cas, on estime que l'explication est d'ordre énonciatif : l'indicatif marque le fait que le locuteur réel admet le fait exprimé par le protagoniste, et inversement (Paul nie que Pierre soit malhonnête - mais moi je pense qu'en réalité il l'est, je ne suis pas d'accord avec Paul).
Ces hésitations sont un peu plus nombreuses en français classique, et de ce fait le sens du subjonctif beaucoup plus fort : Phèdre se plaint que je suis outragré (Racine, effectivement, elle l'est) vs Quelques-uns ont pris l'intérêt de Narcisse, et se sont plaints que j'en eusse fait un méchant homme (Racine toujours, dans son examen de Britannicus : en réalité, je n'en ai pas vraiment fait un méchant homme).
Pour apparoir, je n'ai pas trouvé de référence, puisque le verbe est déjà archaïque au XVIIe, on peut considérer que :
- D'un côté, les impersonnels sont déjà suivis de l'indicatif dès le XVIIe siècle, ce qui suffirait à en faire une faute.
- De l'autre, il y a hésitation pour il semble que.
Cela étant, nous ne sommes pas en français classique, et plus on avance dans le temps, et dans les variantes non-littéraires (le français familier, lui, est en train d'évincer le subjonctif purement et simplement), et plus on retombe sur des constructions purement mécaniques.
Donc, mon diagnostic est le suivant : le médecin qui a écrit ces lignes veut se la péter. Il utilise, ce que permet la pédanterie au Québec, le verbe apparoir et il se prend les pieds dans la construction, ou plutôt : il prend pour un verbe marquant un doute (du type il semble que) un verbe qui en réalité marque l'assurance[/i] : il appert = il apparaît indubitablement que, c'est un fait établi (par un tribunal normalement) que.
[Cf. N. Fournier, Grammaire du français classique, p.351sqq ; je l'aime bien].
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
Re: il appert que + subj
Merci à vous deux !
Re: il appert que + subj
Juste par curiosité: qu'est-ce que signifie ce "sqq"?Sisyphe wrote:[Cf. N. Fournier, Grammaire du français classique, p.351sqq ; je l'aime bien].
Édition: nous avons trouvé ici que ce "sqq" signifie "et les pages suivantes".
Merci de corriger notre français si nécessaire.
Paulo Marcos -- & -- Claudio Marcos
Brasil/Brazil/Brésil
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Re: il appert que + subj
aymeric wrote:Bonjour,
Je suis tombé aujourd'hui sur la phrase suivante :
(...)et il appert que .....
Ca a été très utilisé chez certains prof de mathématiques, en tous cas, un des miens.
Ca veut dire : il est évident que ...
verbe apparoir, fortement défectif car c'est la seule forme existante de ce verbe.
- Sisyphe
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Re: il appert que + subj
Maurice wrote:aymeric wrote:Bonjour,
Je suis tombé aujourd'hui sur la phrase suivante :
(...)et il appert que .....
Ca a été très utilisé chez certains prof de mathématiques, en tous cas, un des miens.
Ca veut dire : il est évident que ...
verbe apparoir, fortement défectif car c'est la seule forme existante de ce verbe.

Mais je témoigne que mes collègues de mathématique ne l'utilisent plus, du moins dans les conditions de "survie dans la jungle" où nous sommes. En maths-spé à Henri-IV, peut-être...
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