Interférence entre romanche et schwyzertüütsch...

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Sisyphe
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Interférence entre romanche et schwyzertüütsch...

Post by Sisyphe »

:D Je ne sais absolument pas qui va bien pouvoir répondre à cette question... :loljump:

Je lis dans un de mes articles l'affirmation suivante :
Vogt [1954.252] defined as the characteristic situation 'the disappearance of morphological distinctions under the influence of system where these are unknown'. A good example is the loss of concord between predicative adjective and noun in Romansh under the influence of Swiss-German, as detailed in Weinreich [1953.38-9]
Je pourrais lire évidemment Weinreich, dont le livre m'est parfaitement accesssible à moins de huit cents kilomètres de chez moi et avec moins de douze papiers officiels et six tampons, mais comme je suis d'une incommensurable fainéantise, je me dis qu'il traîne peut-être sur le forum, je sais pas, un prof de français, résidant bernois, compétent en tüütsch et en romanche et quelques autres et par ailleurs amateurs de canaux, qui pourrait répondre aux deux questions suivantes :

A) C'est vrai ? Peut-on avoir un exemple.
B) Existe-t-il d'autres marques d'interférence morphologique entre romanche et germanique ?

Grazia fitg et merssi...
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ElieDeLeuze
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Re: Interférence entre romanche et schwyzertüütsch...

Post by ElieDeLeuze »

C'est pas un résident bernois qui pourra répondre ! Un résident bâlois, peut-être...

Bref, le romanche donc: L'adjectif attribut s'accorde dans les langues latines, il ne s'accorde pas dans les langues germaniques. Le romanche a peut-être perdu quelque chose, mais pas cet accord-là, en tout cas pas dit comme ça. Il est toujours possible que le sursilvan ait perdu un truc que les autres ont gardé.... les Romanches de l'Engadine ne les appellent pas Rhäto-germanisch pour rien. En romanche ladin et donc grammaticalement en romanche grischun, les attributs s'accordent.

Les enfants sont grands - ils uffants sun gronds
Les enfants sont partis contents - ils uffants partivan cuntaints
La proposition a été acceptée - la proposta es gnüda acceptada (avec double accord féminin)


Un truc germanoïde en romanche, ça existe, mais je pense plutôt à l'emploi et la répartition des auxiliaires être et avoir au passé composé qui suit la même règle qu'en allemand mais avec plus de verbes (les exceptions allemandes suivent la règle du changement d'auxiliaire en romanche).
Eu sun chaminà fin a Scuol - Je me suis promené jusqu'à Scuol. (être pour le changement de lieu)
Eu n'ha chaminà di e not - Je me suis promené jour et nuit. (avoir pour l'action en elle-même)

La vraie saloperie due au dialecte, c'est la disparition du passé simple en sursilvan et sutsilvan (les autres l'ont gardé intact) et cette suppression a été entérinée par les grandes instances en rumantsch grischun. C'est une germanisation, car la valeur de l'Imparfait est celle du français, pas celle de l'allemand. Du coup, on se retrouve avec de la littérature racontée avec alternance imparfait/passé composé, comme cet idiot de Camus. C'est une horreur. Surtout que le passé simple romanche, c'est pas compliqué à former.

EDIT: il y a aussi le passé composé avec avoir, le participe passé ne s'accorde jamais, même avec un COD préposé, rien de rien. Mais avec être, l'accord avec le sujet est obligatoire. Les verbes pronominaux ont aussi un passé composé avec avoir, pas être, mais il faudra regardé en italien, des fois, les Italiens ne sont pas d'accords avec la grammaire française non plus.
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Sisyphe
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Re: Interférence entre romanche et schwyzertüütsch...

Post by Sisyphe »

Je me disais bien que ça devait être plus compliqué que ça...

Ou bien Weinreich parle du sursylvain "sub- ou non-normé" et c'est la source B qui mélange tout, ou bien c'est Weinreich lui-même... Vraiment la flemme d'aller vérifier.

Il traîne beaucoup de mythes et d'approximation dans les ouvrages de linguistique dès qu'ils s'écartent de leur spécialité respective. Je me souviens d'un manuel de vulgarisation, destiné aux élèves latinistes (de 1950...) qui expliquaient que socer, la belle-fille, la bru, était apparenté à l'allemand Schnurr, ce qui permettait de le retenir. Je vous défie de trouver un Allemand qui connaisse encore ce mot-là dans ce sens-là (je crois qu'on le trouve encore chez Luther...).

Reste une question : foin de de toute illusion nationaliste, que reste-t-il réellement du romanche ? Ou plutôt, au risque de raviver les débats homériques d'autrefois sur le "breton chimique" : quelle est la réalité du grison "interdialectal" comme "langue-toît" que promeut la Confédération ? Est-elle réellement comprise / utilisée / repsectée ? Ce que décrivait Weinreich en 1954, c'était peut-être une langue réelle mais en cours "d'aspiration" par le tüütsch...

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C'est pas un résident bernois qui pourra répondre ! Un résident bâlois, peut-être...
:D Oh, tu sais, au-delà de la Sarine, je confonds tout...

Faute de frappe, je viens de revoir Marie-Thérèse à Berne
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ElieDeLeuze
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Re: Interférence entre romanche et schwyzertüütsch...

Post by ElieDeLeuze »

Dans les années 50, il n'y avait pas de langue normée supradialectale, il y avait les cinq idiomes, langues écrites normée. Mais ils ne devaient pas écrire grand chose dans ces idiomes. Ce brave homme aura trouvé une subtilité quelque part et la généralisation aura été une imprudence de plus dans la littérature linguistique.

La religion, protestante, a fait le plus gros du boulot pour les textes imprimés. Pour la vie sociale, le romanche Grischun est très utilisé mais chaque commune des Grisons décide de sa propre politique linguistique et éducative. Cela donne une mosaïque délirante. On peut aller à l'école et n'apprendre à écrire qu'en idiome local ou qu'en grischun, et tous les frères et sœurs ne seront pas forcément logés à la même enseigne au fil des votations et autres suivis de réforme plus ou moins politisés.

Le Rumantsch grischun est la seule version imprimée aux frais du contribuables cantonaux, mais on trouve des récits et fables ou chants dans les idiomes principaux encore maintenant. Même quelques romans. C'est très subventionné. En fait, le grischun est la langue du canton, les communes font ce qu'elle veulent et les gens ne font pas grand chose. Le bilinguisme généralisé est nettement au profit de l'allemand, donc la génération suivante n'aura que des notions plus ou moins actives ou passives de ces langues. L'école primaire est le dernier rempart, mais dans les communes bilingues, une famille historiquement romanche peut rapidement devenir suisse-allemande.
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