courriel?

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Moderators: kokoyaya, Beaumont, Sisyphe

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ann
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Post by ann »

:clap: j'applaudis devant ton masochisme!
pour l'ordinateur, c'est ptet un chef chez nous :god:
mais médecin je ne crois pas, il rend plutot malade :marto:
Pile ou face?
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Andrzej
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masochisme?

Post by Andrzej »

Peut-être!
Mais je suis comme ça et puis j'aime les langues. Par contre je n'aime pas être forcé à travailler. La preuve? Quand j'étais à l'école je détestais les cours de russe. Une fois le bac passé, j'ai commencé à lire la littérature russe en original, juste pour moi. Parce qu'il n'y avait personne à me l'ordonner.

Vive le masochisme :baby: si ça mène à quelque chose!
Cordialement
Andrzej
_________
Autant de têtes, autant d'avis (Quitard, 1842)
Syntagme
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Courriel

Post by Syntagme »

Bonjour à tous!

C'est ma première intervention sur le site, alors ne m'en voulez pas trop de passer à un sujet peut-être maintes fois débattu ailleurs dans le forum. D'ailleurs j'aime beaucoup vous lire! J'espère que vous aussi vous apprécierez!

Je suis Québécois, traducteur et linguiste sur les bords. Pour ce qui est de courriel, je peux confirmer que c'est le mot le plus systématiquement utilisé sur les cartes de visite ou cartes professionnelles au Québec. Ann je crois a fait état de 1 600 000 occurrences de ce mot. Pour son emploi, en tous cas ici, c'est un mot très bien implanté. Pour moi, y'a rien à redire sur son usage et son caractère français.

Il est si bien implanté à mon avis qu'il n'y a rien à craindre de la concurrence avec e-mail ou mail. Les langues ont ce qu'on appelle des doublons (liberty et freedom pour l'anglais, parmi les plus connus) et ça n'empêche personne de comprendre l'un et l'autre et de s'exprimer avec l'un et l'autre.

Ce qui m'étonne plutôt, c'est le manque d'ouverture linguistique des Français (peut-être est-ce une habitude parisienne?). Je m'explique. Nous au Québec, on connaît les gosses, les laisse béton, les meuf, les mecs, bref la plupart des mots d'argot parisien et autres usages non conventionnels dans l'hexagone (et apparemment, certains d'entre vous connaissent l'ambiguïté de gosse pour un Québecois). Il faut dire que le cinéma y est pour beaucoup (les mauvais doublages des films américains en argot parisien qui pour nous sont souvent, mais pas toujours, ridicules pour exprimer une réalité que l'on connaît que trop bien, mais bon je ferme la parenthèse car c'est un autre sujet). Bref, depuis une vingtaine d'années, les mots de l'argot français comme bouffer et de nombreuses expressions se sont implantés dans l'usage québécois.

Je me demande simplement si cette méconnaissance du français "international", en Europe même ailleurs qu'en France, de l'Afrique, du Québec aussi, des Antilles, etc., n'est pas toujours bien ancrée dans la culture française. Je constate je dois dire une certaine évolution, et ça on le doit surtout à Internet je crois (la preuve est ici!). Mais qu'en est-il des réflexes linguistiques qui se refusent, de notre point de vue en tous cas, à voir la réalité en face, et notamment et surtout, celle des autres francophones?

Enfin, je ne dis pas ça pour partir une chicane ou une guerre, ni à jouer à qui est le meilleur car j'adore la France et les Français. Je constate simplement un trait caractéristique qui est d'ailleurs assez étonnant compte tenu des efforts des intellectuels français à adopter une approche résolument universaliste tant sur les plans politiques que sociaux et économiques (liberté, fraternité, etc.).

Qu'en pensez-vous, chers amis?
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ann
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Post by ann »

:hello: bienvenue Syntagme!
Les Français du forum semblent très ouverts à la différence linguistique, et aux parlers des différentes régions de France et de la francophonie, et les Québécois sont bien représentés ici, on le voit par exemple ici:
viewtopic.php?t=4071
c'est peut-etre parce que tout le monde s'intéresse ici aux langues.
Pour moi, c'est mon dada donc je ne peux parler au nom de tous. Mais c'est vrai que souvent le commun des Français regarde bizarrement les accents différents (cf sous-titrage de certains films québécois).
Ici en Italie, j'ai été étonné de voir les personnes qui travaillent sur le français parler du manque de bilingues qui contiennent des mots de la francophonie, ce qui les empeche de comprendre la littérature québécoise ou africaine de langue française. C'est bien, et j'espère que de tels outils seront réalisés!
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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

"Syntagme" ! Quel joli pseudo ! :love: Dès que j'ai lu ton nom je me suis dit : celui-là doit-être linguiste :lovers: Je sens que je vais l'aimer.

:moua:

(Ouais, encore que : tu m'as plutôt l'air de la race des synchronistes... :mad: Quelle perversion ! N'est-ce pas Ann ;) )

Bon, je réponds d'abord aux autres :
Andrzej wrote: Je ne suis même pas contre l'orthographe française (le seul en Pologne parmi ceux qui l'apprennent)
Alors là, bravo ! :king: Parce que je connais beaucoup de Français de France qui la haïssent...
... Ca rejoint un peu aussi ce que je pense de ce flot de mots anglais. Je ne sais pas si je vous ai parlé de cet Islandais que j'avais croisé lors de mes cours de sanscrit à Lyon, admirablement francophone, mais qui m'avait dit "j'ai un peu de mal avec votre orthographe du XIIe siècle". Et c'est vrai, elle n'a pas changé ou si peu depuis ce temps-là. C'est d'ailleurs pareil pour l'anglais (nous sommes les deux nations les plus c.... sur ce plan-là).
Or les règles (mal comprises d'ailleurs) de prononciation anglaises sont parfois ingérées par les élèves avant les règles françaises. Je vous avais parlé de "Maïkeul Andje" ? Ou du roi "Djonathann" dans la Bible ?
Andrzej wrote: Sinon apprenons tous l'espéranto
Euh... Mais l'un n'empêche pas l'autre ? L'espéranto n'a jamais prétendu remplacer les langues, mais simplement donner un moyen d'intercompréhension.
Louis-Lazare (ou Ludvik-Lejzer ou Ludoviko-Lazaro) Zamenhoff fait partie de vos compatriotes les plus symathiques à mes yeux, Andrzej (avec Copernic, Chopin, etc. :) )
Andrzej wrote:Il y a 20 ans, au premier contact avec le mot, je croyais que l'ordinateur c'est un médecin-chef (ordynator en polonais)
:rolmdr:

*

Pour répondre à Syntaxe, mon collègue-sur-les-bord, et à Franck en même temps :

Pour ce qui est de la situation du Français au Québec et a fortiori au Canada, je veux bien reconnaître que les excès de la commission ad hoc, et d'une manière général l'hypercorrection de nos cousins répond à un problème autrement plus grave.

Je reste malgré tout un peu étonné devant certains de leurs choix. En fait, moins sur la question des anglicismes que devant d'autres, en particulier la féminisation des noms (que je soutiens par ailleurs). Je ne comprends toujours pas pourquoi avoir imposé chercheure, professeure, etc. Alors que chercheuse existe et que professeuse et dans Littré, et que surtout, il existe une règle parfaitement vivante en synchronie (n'est-ce pas cher Paradigme ?) qui veut que masc. eur -> fém. euse (travailleur/travailleuse, comme dirait une femme politique française :) ). Outre que c'est une solution a minima (puisqu'il n'y a pas de différence phonétique), ce que je leur repproche, à cette commission, c'est de ne voir que la question linguistico-politique (voire le politiquement correcte) et de ne pas respecter les règles naturelles de la langue française...
... Mais j'admets une chose, mon cher Morphème, c'est que si Professeure et Procureure s'imposent en France, c'est aussi que les instances ad hoc y sont d'un conservatisme qui frôle la c....erie (voir à ce sujet la position hypocrite de l'Académie, qui prétend qu'il faut différencier les noms de métiers (travailleur/travailleuse) des noms de fonction qui serait "naturellement" masculins !). Cf. Mme Carrère d'Encausse (excellente historienne par ailleurs - faut-il dire "madame l'historien ?") qui refuse d'être autre chose que "madame le secrétaire perpétuel". Les femmes antiféministes, ça me tue...)

Pour ce qui est du manque d'ouverture linguistique des Français face à leur cousin de la belle province, mon cher Lexème, c'est sans doute un peu vrai. Je crois même qu'il y a un fond de racisme mou derrière...
... M'enfin c'est vous qui nous avez imposé Céline Dion, aussi ! C'est donner des verges pour se faire battre, ça :) (OK, Linda Lemay aussi, ça équilibre). ;)

Plus sérieusement : le problème est que l'argot, par définition, reste cantonné à un groupe linguistique. Voire un sous-groupe. Ce que tu cite comme argotique (mec, meuf, laisse béton), c'est l'argot "des banlieues". Qui a remplacé l'argot de Paris des films dialogué par M. Audiard. Que la France et le Québec aient chacun son argot et ne les comprennent pas mutuellement, au premier degré, c'est normal. Ce qui est anormal, c'est que le nôtre s'impose chez vous ; mais tu l'as dit : les films y sont sans doute pour beaucoup...
... Mais j'avais eu l'occasion de me plaindre, sur un autre post, de ce que les films américains sortent avec un titre français chez vous alors qu'il conserve un titre anglais chez nous.

C'est vrai aussi que les Français ignorent d'ordinaire (ou quand ils savent c'est pour s'en moquer) les variations du français hors de France, ayant sur la langue de Molière un sentiment de "légitimité". Ce dont tu parles pour le Québec, je l'ai souvent entendu dire de la part d'ami suisses pusique j'habite à la frontière ("octante" recule devant "quatre-vingt"). Les francophones non français, eux, subissent cette domination, puisque les médias francophones et les traduction en français ont pour "idéal-type" de Français le français de France. Donc, les Québécois, les Antillais, les Suisses, les Belges sont "obligés" de connaître les normes métropolitaines, c'est un fait d'ordre sociolinguistique...
... Mais honnêtement, est-ce que les Québécois auraient naturellement la curiosité de s'enquérir des variations linguistiques du Français dans la situation inverse ?

Je ne crois pas beaucoup que les peuples aient des tendances naturelles bonnes ou mauvaises : les Français n'ont pas vraiment décidé de leur orgueil linguistique, ils se glissent dans un état de faits. Inversement, même si c'est très flatteur, je ne crois pas beaucoup à l'universalisme naturel de la pensée française, du moins dans les actes :-? ...

Je suis toujours étonné des étrangers qui nous disent que pour eux la France c'est le pays de LA culture et que c'est LA langue du coeur et de l'esprit - je l'entends souvent de francophones étrangers.

C'est encore une forme de domination culturelle de la part de la France que d'avoir réussi à imposé cette idée.

Voilà, cher Sémème. Au plaisir de vous relire...
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ann
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Post by ann »

Ben oui pauv' Sisyphe les synchroniques vont-ils s'imposer sur le forum? la lutte est dure!
pour ce qui est du féminisme, je peux t'envoyer quelque chose (cf mp). Ce dont tu parles a déjà été souvent reproché aux féministes nord-américaines (en anglais aussi, il y a eu des absurdités étymologiques, des mots où on a voulu changer des "man" qui ne venaient absolument pas du mot "homme" parce qu'on les jugeait non politiquement corrects... par exemple)
Rappelons nous que l'Amérique est le continent "synchronique" par excellence!
L'idée de base est totalement juste, au départ je disais que ce n'était pas vrai, que professeur masculin par exemple pouvait etre vu comme épycène mais en fait ce n'est pas vrai. Un professeur ne sera jamais une dame...
Mais il y a eu de vrais abus...
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Rónán
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Post by Rónán »

Les Français du forum semblent très ouverts à la différence linguistique, et aux parlers des différentes régions de France et de la francophonie,
Je crois pas que ca soit vrai, c'est vrai pour les gens qui fréquentent le forum mais pas pour la majorité de la population française, et en particulier pour les citadins et surtout pour les membres du gouvernement et de l' "élite".


Au sujet de courriel etc, j'avais dit que e-mail avait l'avantage d'être utilisé presque partout. On m'a répondu qu'à ce moment-là, autant parler anglais.
Mais entre faire un emprunt à l'anglais pour un mot technique de temps en temps et parler anglais, y a une marge (surtout chez les français, si nuls en langues en général). L'emprunt n'a jamais tué personne et n'a jamais fait de mal à une langue. Si on enlevait les emprunts que l'anglais a fait au français ou au latin, les anglophones pourraient même plus parler. Si on enlevait les mots arabes au persan courant, idem. Le purisme linguistique m'a toujours paru louche: les langues évoluent comme ca, l'emprunt est naturel, vouloir éviter à tout prix les emprunts et les influences que les langues ont sur les autres me paraît pas naturel du tout au contraire.
Last edited by Rónán on 16 Nov 2004 04:56, edited 1 time in total.
Teangaí eile a dh’fhoghlaim, saol úr a thoiseacht.
Apprendre une autre langue, c'est comme le commencement d'une autre vie.
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ann
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Post by ann »

là je suis d'accord avec toi Pwyll.
Seulement le problème de courriel n'est pas le meme que celui de hot dog: un hot dog c'est de la nourriture plutot étrangère à notre gastronomie et on a déjà tout notre vocabulaire français dans ce domaine etc donc peu importe. L'informatique nous arrive chaque jour de l'Amérique, et il faut qu'on crée des mots!
:hello:
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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

Le problème, Pwyll, ce ne sont pas les emprunts. De l'italien à l'anglais en passant par l'espagnol et l'arabe, nous savons tous ce que le français doit aux langues étrangères.

Le problème, c'est l'intégration de ces mots. Il n'a pas fallu dix ans pour qu'un "paquet-boat" devienne un "paquebot". Et nous disons [tynel], pas [tju:nel]...

Qu'est-ce qui arriverait si ces mots arrivaient aujourd'hui dans notre langue ?

... Une sorte de snobisme infecte fait qu'aujourd'hui les mots sont non pas intégrés mais imposés dans la langue française (et surtout au Québec) avec une orthographe inopérante en français et une prononciation qui tente de rester anglaise (d'ailleurs au Québéc, c'est pire : ils prononcent vraiment à l'anglaise, pour autant que je puisse en juger).

Je redis ce que j'ai déjà dit trois fois (je sais, je deviens gâteux :D) : l'orthographe française est déjà suffisemment absurde pour nos chers têtes blondes, et nous devons encore lutter contre la tendance SMS et les graphies anglophones... Les élèves de sixième, ceux que j'ai connus, ne savent pas reconnaître une 3e du pluriel en -ent ; ils lisent "ils président" comme "le président" - comment leur en vouloir ? Sauf qu'après il faut leur expliquer que "weed-end" se prononce "-ainnde" mais "révérend" -an ?! Et "business" est déjà absurde pour un anglais (le i muet...), alors en français...

J'admettais "mail" prononcé [mel], en lui préférant "mél" d'ailleurs. Mais "e-mail", c'est de la gnognotte de pseudo-marketing [anglicisme], comme "e-learning" et "e-business" et autres "e-school" qui fleurissent.

OK [<- anglicisme !], je t'accorde que le français n'est pas réellement en situation de glottophagie. Du moins en France. Au Canada, c'est autre chose...

Ce qui est amusant c'est que sûr un autre post c'est moi qui te traitait de puriste ! ;) Un point partout la balle au centre.

:sun:
Olivier
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Post by Olivier »

Sisyphe wrote:J'admettais "mail" prononcé [mel], en lui préférant "mél" d'ailleurs. Mais "e-mail", c'est de la gnognotte de pseudo-marketing [anglicisme], comme "e-learning" et "e-business" et autres "e-school" qui fleurissent.
ou alors: "maile"
comme ça on respecte l'étymologie et aussi la logique orthographique française
(une idée qui m'est venue là tout d'un coup :))
-- Olivier
Se nem kicsi, se nem nagy: Ni trop petit(e), ni trop grand(e):
Éppen hozzám való vagy! Tu es juste fait(e) pour moi!
Syntagme
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Courriel

Post by Syntagme »

Bonjour Sisyphe!

En passant Olivier, c'est justement à cause de cette difficulté d'écriture et de prononciation (la nécessaire "intégration" dont parle Sisyphe) que courriel a été créé. D'un part il offre l'avantage d'être analogique avec ce qui existe déjà tant sur le plan du contenu que sur le plan phonétique : le courrier et les deux dérivés en -iel bien connus en informatique (logiciel, matériel).

Ceci dit, on peut toujours se creuser la tête pour savoir comment prononcer et écrire e-mail (emalle, emaille, emèle, etc.)!!! Mais avouez que courriel offre une solution élégante qui n'a pas son pareil à ce chapitre.

Merci Sisyphe de ta réponse honnête et je pense tout à fait juste. L'écart entre les idéaux et la réalité se vérifie donc dans la langue comme dans tout projet humain!

Pour ce qui est de l'inégalité des régions par rapport au centre, je pense que l'histoire du français (à laquelle tu sembles profondément attaché vu que tu me ranges du côté des synchronistes, ce à quoi je ne m'oppose pas tant que ça, bien que j'aie aussi des réserves sur cette dichotomie ) ;) , est assez riche d'expérience.

Je suis d'accord avec toi sur l'inégalité de la connaissance des usages régionaux entre la France et le Québec. À la limite, je comprends aussi que le français est une langue disons "culturelle" et "élitiste" à sa façon. Donc par définition, les usages régionaux, il est normal qu'on ne s'y intéresse pas en France. En tout cas en théorie.

Pour ce qui est du snobisme dont tu parles dans la non-intégration phonétique des emprunts, c'est vrai qu'ici on a tendance à coller plus à l'anglais. Mais, c'est normal, nous sommes aussi une petite mouche collée si je puis dire à l'éléphant anglophone du continent nord-américain!

En passant, il y a au moins un contre-exemple à cela (c'est ce que j'aime dans les langues, il y a toujours des contre-exemples). Je suis toujours étonné d'entendre les français prononcer Boston comme s'ils disaient Bostonne. Nous au Québec, on a justement intégré et francisé la prononciation Boston (comme dans thon). Curieux n'est-ce pas comme renversement de tendance! Ce qui est curieux c'est que pour Washington, là on prononce tonne (encore que phonétiquement notre "tonne" et votre "tonne" est très très différent).

À plusse! :drink:
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Sisyphe
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Re: Courriel

Post by Sisyphe »

Syntagme wrote: Pour ce qui est de l'inégalité des régions par rapport au centre, je pense que l'histoire du français (à laquelle tu sembles profondément attaché vu que tu me ranges du côté des synchronistes, ce à quoi je ne m'oppose pas tant que ça, bien que j'aie aussi des réserves sur cette dichotomie ) ;) , est assez riche d'expérience.
:) La dichotomie synchronistes/diachronistiques c'est une petite querelle entre Ann et moi ! Mais ça reste entre gentlemen - ciel, ce n'est pas politiquement correct, dois-je dire gentleperson ? :loljump:

Simplement, en France (je ne sais pas ce qu'il en est au Québec) il y a comme une vague d'obession synchroniste en ce moment dans les études de lettre. Qui n'est que la conséquence de l'excès inverse...
... Mais dans mon domaine propre, le latin-grec, c'est un peu le contraire. On est encore prisonnier des obsédés du sanscrit-qui-dit-que-et-en-vieux-lituanien etc. A croire que les Romains et les Grecs n'ont jamais parlé leur langue, jamais développé de système de dérivation propre, jamais connu de structure autonome, jamais neutralisé les oppositions héritées, jamais crée de nouvelles etc.
Je suis d'accord avec toi sur l'inégalité de la connaissance des usages régionaux entre la France et le Québec. À la limite, je comprends aussi que le français est une langue disons "culturelle" et "élitiste" à sa façon. Donc par définition, les usages régionaux, il est normal qu'on ne s'y intéresse pas en France. En tout cas en théorie.
Le Québec ne serait-il qu'une "région" de la France ? Ciel, on a refait l'histoire pendant que je dormais. Alors finalement cet imbécile de Louis XV n'a pas perdu la guerre de sept ans parce qu'il préférait lutiner la Pompadour ? :rolmdr:

Si le français est une langue "culturelle", ce n'est pas parce que le Ciel lui aurait donné cette fonction immanente sur terre comme certains semblent le croire. C'est parce que la question de la langue est foncièrement politique - tout comme du reste la France est fondamentalement une nation politique (c'est pas moi qui l'a dit, c'est Marx). L'Angleterre a choisi l'anglais, langue de ses serfs, par dépit, après la guerre de cent ans. Le Français lui s'est en partie construit sur la volonté de ses rois - et parfois contre elle : la Révolution est une période linguistiquement passionnante. Le rapport est sommes toutes assez dialectique : la politique impose à la langue, mais la langue aussi impose à la politique : le "bonnet rouge au vieux dictionnaire" de Hugo. On se soumet à elle tout en voulant la soumettre.

Chez vous, j'ai l'impression qu'il est surtout anglo-saxon : pragmatique. On tord la langue si la politique (et le politiquement correct) l'exige.
Pour ce qui est du snobisme dont tu parles dans la non-intégration phonétique des emprunts, c'est vrai qu'ici on a tendance à coller plus à l'anglais. Mais, c'est normal, nous sommes aussi une petite mouche collée si je puis dire à l'éléphant anglophone du continent nord-américain!
Chez nous, c'est du snobisme pur, parce que strictement rien ne l'impose. Les médias anglophones, par exemple, n'ont aucune prise sur le territoire - pas même dans l'économie, nous avons nos propres journaux boursiers, et quoi qu'en disent certains, on peut travailler en français dans une grande boite, même étrangère (on répondra en anglais au téléphone, oui, mais les "breefing" ( :insane: ) se font en français. Il n'y a qu'un snobisme (le même que celui qui consistait à parler français dans la noblesse russe autrefois) qui fait dire "breefing" plutôt que "réunion").

Chez vous, je pense que ça n'est pas pareil. Vous êtez effectivement soumis à une pression.
En passant, il y a au moins un contre-exemple à cela (c'est ce que j'aime dans les langues, il y a toujours des contre-exemples). Je suis toujours étonné d'entendre les français prononcer Boston comme s'ils disaient Bostonne. Nous au Québec, on a justement intégré et francisé la prononciation Boston (comme dans thon). Curieux n'est-ce pas comme renversement de tendance! Ce qui est curieux c'est que pour Washington, là on prononce tonne (encore que phonétiquement notre "tonne" et votre "tonne" est très très différent).
C'est assez récent ! Dans les feuilletons des américains des années soixantes ("ma sorcière bien aimé" par ex.), les doubleurs français faisaient dire "Boston" [bostõ]. C'est un mélange de snobisme et d'habitude qui a fait dire [boston] par la suite. De votre part, [bostõ] est peut-être un "feed-back" sociolinguistique ! [rétroaction, c'est mieux !]

J'ai souvent signalé que de plus en plus j'entends des journalistes prononcer des noms de villes étrangères avec ce qu'ils croient être l'accent local. Ca fait chic - et en même temps ça doit m'arriver aussi ! M'enfin le jour où l'un a parlé du SRAS à "Guan-Dong", je trouve que bon, faut pas exagérer quand même.

De même, lors de la guerre au Kosovo. Au début, on nous parlait de "l'u-sé-ka", qui petit à petit est devenu "u-tché-ka" puis "ioutchéka" et à la fin faut croire qu'ils parlaient tous albanais !

Pour ce qui est du Québec, je pense que la question qui se pose aux Québécois, c'est : acceptent-ils de se considérer comme une nation en propre, linguistiquement différente des Français ? Si j'osais un parallèle avec mon domaine d'étude cette année (la dialectologie grecque), je dirais qu'on est à une periode charnière : soit on crée une koinè, comme dans la Grèce hellenistique, fondamentalement basée sur le Français (comme autrefois sur le grec d'Athènes) et avec une certaine porosité sur les "dialectes" néanmoins, soit le québécois se regarde comme indépendant, fait ses propres dictionnaires, ses propres grammaires, et ses propres régimes d'intégration des termes étrangers.

Le problème, c'est que le Français de France, comme je l'ai dit, a une certaine prétention au contrôle (anglicisme !) de ses variétés (le Commonwealth se moque de l'anglais, la Francophonie ne pense qu'au français). Inversement, j'ai l'impression d'un certain sentiment ambigu, un peu père-fils du québécois face au français de France (on le dénigre, mais on se réfère a lui et on lui demande sa protection face à la menace anglophone). Tout cela n'est pas simple. :sun:
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