
Pwyll écrit à 3:09 et je réponds à 3:27. eh Pwyll, On fait concours d'insomnie ?!
Bon, pour l'analyse de l'origne de "c'est qu'est-ce que je dis madame !", on est d'accord. C'est un phénomène d'analogie syntaxique entre interrogative directe et indirecte. De même qu'on passe en latin de "quaero an venit" à "*demando si venit" (je demande s'il vient), etc.
Mais j'aimerais revenir sur le fond. Tes propos sont toujours les mêmes (mais toujours intéressants, puisqu'on peut se chamailler

) : tu sembles défendre une conception "libérale" de la langue : laissez faire, laissez passer, et la main invisible réglera tout...
... Que ce soit pour le breton où tu pestes (avec talent) contre les néologistes, ou quand tu me reproches de vouloir imposer
courriel contre
e-mail, ou ici quand tu dis qu'il faut tolérer "qu'est-ce que" subordonnant.
Eh bien moi je maintiens mon point de vue "interventioniste" (je sais plus combien de n, fatigué) dans ce domaine. "Qu'est-ce que"
est faux, et si je dois le sanctionner chez un élève, ce n'est pas par sadisme ou parce que je posséderais je ne sais quel pouvoir linguistique, c'est parce que si cet élève se retrouve dans une situation où il sera jugé socialement (et ça commence à l'ANPE...), il sera sanctionné socialement par ce trait linguistique, marquant justement ou injustement une compétence qu'il n'a pas.
Vois-tu, Pwyll, je m'autorise sur ce forum à écrire "y'a" ou à faire sauter la négation inutile en français, parce que je sais très bien que je sais ces règles, que je sais que vous savez que je les sais (!) et qu'enfin vous ne me jugez pas. Notre relation entre tous ici est égalitaire, d'ailleurs je te tutoie sans te connaître. Mais sitôt que la relation devient verticale, le langage est pouvoir, et tout pouvoir a ses règles, et trop souvent implicites ("l'habitus" chez Bourdieu, etc.)
Si tant est que, prof (ce que je ne suis pas vraiment encore) j'ai un pouvoir sur mes élèves (si seulement...), je me
dois de leur donner au maximum les règles (en l'occurence linguistique) de notre société, pour qu'ils puissent l'affronter - fussé-je totalement en désaccord avec elles. Et pour que je puisse leur donner, il faut qu'elles existent. Les bouquins de grammaires sont nécessaires. Tous comme il est du devoir des parents d'inculquer des règles à leurs enfants (bonjour à la dame, ou sur le forum... ce qui manque trop souvent). Je ne pense pas être particulièrement réactionnaire en écrivant cela.
Alors pour autant, si, linguistes, grammairiens, profs arrondissant ces fins de mois en faisant des manuels, nous avons un pouvoir sur ces règles, alors usons-en pour simplifier et limiter les interdictions absurdes... OK, je ne suis pas un puriste. Au contraire : c'est rendre service aux enfants.
Mais ce pouvoir, l'avons-nous vraiment ? "Non", réponds-tu, justement, il faut nous soumettre à l'usage".
"L'usage" n'existe pas, il n'existe que "le bon usage", celui de la cours du temps de Vaugelas, celui des médias désormais...
80% des journalistes disent "après que + subjonctif" ; je ne le dis pas mais tant pis. Le fait n'a pas de conséquence, d'un certain point de vue, il est plus logique. OK, même si c'est contraire à ce que j'ai appris et utilise encore, jamais je ne l'interdirai à un élève...
... Mais si ce "bonne usage", cad l'usage des dominants sociaux vient à imposer des règles qui nuisent justement à l'apprentissage des règles elles-mêmes (double-bind), alors, là, oui il faut réagir. Comment tenter d'enseigner les graphèmes absurdes du français quand celui-ci est en plus pollué par les graphèmes de l'anglais ?
Car les institutions ont un pouvoir sur la langue - un pouvoir qu'elles partagent avec "l'usage", cette sublime main invisible adamsienne (la liberté des plus libres, comme disait Jaurès, ou un autre je sais plus...) ou plutôt qu'elles lui disputent. Faut-il que je fasse la liste de toutes les innovations décrétées (ai pour oi, souhaité par Voltaire et appliqué par la Révolution Française) en Français ? De toutes les langues réformées (Norvégien (nynorsk), finnois (je crois), etc.) ou inventées avec succès (Hébreux moderne, espéranto) ?
... Vas-tu me répondre en me citant, en contre-exemple, toutes les ratées, toutes les réformes voulues qui n'ont jamais eu d'effet (genre "ambigüe" plutôt que "ambiguë", 1991). Est-ce que ça diminue l'efficace des autres ? L'hypercritique est une tendance intellectuelle du libéralisme : ça ne marche pas très bien, donc ça ne marche pas du tout, donc mon système virtuellement parfait marche mieux que votre système effectivement imparfait.
C'est un débat de principes, Pwyll, sans rien de personnel (t'en fait pas, je t'aime encore !

). Mais c'est facile de contester la norme quand on la possède totalement, ça revient à dire "je méprise l'argent" quand on est plein aux as...
... Bourdieu disait très bien qu'une des caractéristiques des dominants sociaux était la désinvolture
apparente à l'égard de la règle qui pourtant fait son état : le grand bourgeois bourrant ses propos d'anglicismes, et disant qu'ils méprisent la culture classique (qu'il possède complètement et qu'il enseignera à ses enfants) - et à l'inverse, l'hypercorrectisme du nouveau riche qui se trahit parce qu'il parle
trop bien la langue.
Encore une fois, ça n'a rien de personnel, mon Pwyllou. Je ne traite pas de dominant social et de toute façon je suis flagellable aussi. Mais comme j'avais plus ou moins dit un jour à une prof d'IUFM "prêtée" à la fac : vous avez le droit de dire que l'orthographe française est absurde et qu'elle est passéiste et que les règles sont une pauvre brimade qu'on fait souffrir aux enfants, seulement vous avez aussi le droit de me retirer des points pour mes fautes dans le travail que je vais vous rendre. Vous critiquez votre propre pouvoir, mais vous ne l'abolissez pas.
PS : mais à part ça, je t'aime bien...
PPS : comme il est tard et que vous ne me dominez pas, je ne relis pas, zut pour les fautes d'orthofrappe.