Latinus wrote:
Fin 2014, le très patriote Vladimir Zhirinovsky s'exprime, entre autres, à propos du russe qu'il faut protéger de l'emploi trop fréquent de mots étrangers à la place des termes russes qui existent pourtant.

Pst : "Jirinovski", ou " Žirinovkij" (Жирино́вский) pour les amateurs de précision, mais "zh" c'est une mauvaise transcription anglophone !
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Alors, certes, on a affaire à un homme qui est connu pour ses discours habités et pour son attachement à la mère patrie (je n'en jugerai point, tellement j'en connais peu sur la Russie) mais je trouve que ces dix minutes donnent un angle de vue intéressant (la réaction des membres présents indiquent bien qu'il y a des divergences :p) sur un phénomène linguistique et culturel en Russie.... et rappelle "étrangement" certains débats qui surviennent régulièrement en France.
Pour donner un peu de profondeur au discours de cette punaise de lit nationaliste, il est vrai toutefois que le titre de президент (
president) est très récent en Russie : c'est Gorbatchev qui se l'est attribué en mars 1990 en inventant quasiment le mot (encore qu'ils eussent déjà le mot
praesidium :
prezidnum), au moment où le parti dont il était jusque-là le secrétaire général commençait à lui échapper (et ça n'a pas suffit). Jusque-là, le chef de l'Etat nominal était le председа́тель (
predsedatl'') du praesidium du Soviet Suprême, ce que les anglophones traduisent plus correctement que nous par "chairman" (le président
unus inter pares d'un groupe collectif - je découvre d'ailleurs en cherchant dans le wiki russe qu'ils ont gardé le mot pour "PDG"). Il y avait des tas de
predsedatl" (c'est quoi le pluriel ?) en union soviétique comme il y a des tas de présidents de commissions en France... C'est le calque exact du latin
praesidens (comme
Vorsitzer en allemand), mais non un emprunt.
Apparemment, les deux autocrates et demi qui ont suivi n'ont pas vraiment cherché à revenir sur cette bourde de Gorbatchev...
Pour l'histoire du titre de chef exécutif de la ville de Moscou, je serais curieux d'avoir plus de renseignements... Z'ont pas pensé à réinventer les voïévodes ?
Quant à l'armée, notre taureau nationaliste à la cravate mal ficelée est vraiment de mauvaise foi, parce qu'il devrait savoir que de toute façon, quand Pierre le Grand a modernisé à la cravache son armée, il a carrément emprunté à trois ou quatre langues européennes en même temps des titres des grades :
vitse-admiral au français,
mičman à l'anglais (
midshipman),
šautbenaxt au néerlandais (
schout-bij-nacht,("veilleur de nuit" !)... Même le nom du matelot (
matros), c'est de l'allemand...
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Oui, la prononciation des "o" dans Про того, которого любила est une question d'accentuation. Sous l'accent, le "o" reste [o], le dernier dans того et le deuxième dans которого. Les autres subissent tous l'apophonie. Le premier de которого devient [ɐ], et les autres [ǝ], y compris le troisième de которого

Je connaissais le principe mais je pensais bêtement que les flexions restaient intouchées. Mais j'ai tendance à tout voir par le prisme du latin, où l'accent est toujours avant les terminaisons...
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)