l'on ...

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vallisoletano
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l'on ...

Post by vallisoletano »

hier qqun m'a mis le doute ...

il arrive fréquemment qu'on écrive: "l'on fait..." au lieu de "on fait" ...
est-ce qu'il y a des cas où le "L'" n'est pas correct? Ou peut-on vraiment le mettre partout, même en début de phrase? j'imagine qu'à l'origine, le l servait à assurer une liaison avec un mot comme "et". non?
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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

Les règles sont assez floues, mais voici ce qu'on (ou que l'on) nous disait en hypokhâgne, et que je complète par Grevisse §725f :

1. " l'on " n'est jamais obligatoire
2. " l'on " ne doit se mettre que s'il y a un hiatus, donc après un mot terminé par une voyelle phonétique : "si l'on veut", "c'est pourquoi l'on dit", etc. (mais pas *"comme l'on veut" car phonétiquement "comme" est terminé par une consonne [kom]).
3. " l'on" doit être évité devant un mot commençant par un l (si on loue" et non pas "* si l'on loue").
4. " l'on" ne se met pas après "dont" ("dont on", avec liaison [dõ t õ]).
5. " l"on" ne se met jamais en début de phrase.

En fait, seule les dernières règles sont vraiment importantes et peuvent vraiment être comptés comme une faute (et encore, liste de contre-exemples chez les meilleurs auteurs dans Grevisse).

Il faut comprendre en fait que "l'on" n'a qu'une vertu euphonique : éviter un hiatus. Donc, en début de phrase, par définition, il est inutile, puisque le point précédent suppose une pause (!) dans le débit de la phrase.

Pour tout le reste, ce n'est qu'une question d'oreille. "Que l'on" est préféré à "qu'on" parce que ce dernier fait entendre "une syllabe déshonnête". Mais il n'est pas faux.

*

Toutefois, historiquement, "l'on" n'a pas qu'une valeur euphonique : c'est tout simplement l'article défini. Car "on" vient du latin "homo" (l'homme), au nominatif :

ille homo > l'on (cas-sujet)
illum hominem > l'homme (cas-régime)

"On" signifie bien "un homme, quelconque, une personne" ; cf. en allemand Man = on, à côté de Mann = l'homme.
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Bébert
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Post by Bébert »

Bonjour,

pouf... pouf... pfff...

J'arrive un peu tard, Sisyphe, (fallait taper tout ça [ce qui suit] d'abord...) mais je le pose tout de même, puisque ça complète...

En plus on n'a pas le même "Grevisse" !

D'après "Le Bon Usage" de Grevisse, § 587 :
"Remarque. […] L'on est, dans la langue écrite, un substitut "élégant" de on; il n'est pas d'usage dans la langue parlée, sauf parfois chez les personnes qui surveillent leur langage et parlent comme elles écrivent. – Selon une règle traditionnelle des grammairiens, l'on est demandé, pour l'euphonie, après et, ou, où, qui, que, quoi, si, parfois aussi après lorsque. En fait, les auteurs en usent, en ceci, assez librement, soit qu'ils mettent le simple on là où la "règle" demanderait l'on, soit qu'ils emploient l'on après d'autres mots que ceux que la "règle" indique. Ce n'est d'ailleurs pas toujours pour éviter un hiatus qu'ils se servent de l'on : ils l'emploient parfois, sans aucune raison d'euphonie, après un mot terminé par une consonne articulée ou par un e muet, ou encore (comme on faisait fréquemment à l'époque classique) en tête d'une phrase ou d'un membre de phrase :
a) Après et, ou, qui, etc : 1° l'on : […] – Le Monde où l'on s'ennuie (titre d'une comédie de Pailleron). […] 2° on : […] C'est à peine si on se rappelle ce nom (F. Gregh, L'Age de fer, p. 270). […]
b) L'on après d'autres mots : C'est pourquoi aussi l'on rit… (H. Bergson, Le Rire, p. 85) […] Et comme l'on parle, […] (Mol., Bourg. gent., II, 4.) […]
c) L'on en tête d'une phrase ou d'un membre de phrase : L'on comprend que lorsqu'il se tait, c'est pour penser (A. Gide, Thésée, pp. 51-52). – Lorsqu'on se laisse aller, l'on se plaît à croire que c'est au génie (id., Attendu que…, p. 62). […]
N.B. – Pour l'euphonie, on évite l'on : 1° après dont : Les livres dont on parle (et non : dont l'on parle); -- 2° devant un mot commençant par l : Si on lit (plutôt que : si l'on lit). – Pour l'euphonie aussi, généralement on préfère que l'on à qu'on devant un mot commençant par une syllabe prononcée kon : Ce que l'on conçoit (plutôt que : ce qu'on conçoit) 1.
-----
1 : Mais les écrivains, en ceci également, en usent librement : Ce que je vous dis là, l'on le dit à bien d'autres (La F., F., III, 17). […] Qu'on comprenne bien ma pensée ! (G. Bernanos, La Liberté, pour quoi faire ? p. 84). […]

Un peu dur à avaler… mais faut c'qu'i' faut !! [foskifo]

Amicalement,

Bébert

... mmphhh... et pour couronner le tout, il faut remettre les italiques !!!
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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

Grillé, le Bébert.

[quote=Bébert] En plus on n'a pas le même "Grevisse" ! [/quote]

:-o :-o :-o

Vérification faite, j'ai bien §725f (le §587 n'a rien à voir chez moi).

Perso, j'ai la 13e édition du Bon Usage (1997, 5e tirage 2000). C'est curieux qu'il ait changé ses §. Le tien doit être très vieux, non ?

Cela étant, Dieu merci, il dit toujours la même chose, et tes exemples sont complémentaires de mes règles.
vallisoletano
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Post by vallisoletano »

je vous remercie pour ces importantes précisions.

en tant qu'abruti non linguiste et éthylico-rougeâtre, je me plais à interpréter de tout cela que je peux utiliser "l'on" à peu près où bon me semble lorsque j'écris des textes que je soupçonne d'élégance, hormis à la suite de certains mots comme "dont".

je suis également heureux de faire la connaissance du terme "euphonique", je dirais même que j'en suis euphorique, dans une douloureuse tentative d'humour stupide et "intellectuel".

bon + sérieusement, merci beaucoup :drink:
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Bébert
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Post by Bébert »

Sisyphe wrote:Grillé, le Bébert.
Eh ouais... j'en fume encore...
Sisyphe wrote:Perso, j'ai la 13e édition du Bon Usage (1997, 5e tirage 2000). C'est curieux qu'il ait changé ses §. Le tien doit être très vieux, non ?
...euhhh... 9ème édition... revue... (tout de même !) de 1969...

(... oui, oui... Jeanne d'Arc a toujours été assez sympa avec moi... héhé)

Chez moi le § 725 correspond au passé antérieur...

En 4 éditions ils ont pu revoir l'ordre des chapitres, je suppose.

En tout cas, j'ai compris pourquoi tu cours plus vite que moi, Sisyphe !

"Amicalmement"

Bébert
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Bébert
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Post by Bébert »

Miguel wrote: je me plais à interpréter de tout cela que je peux utiliser "l'on" à peu près où bon me semble
C'est ce que j'ai cru comprendre, moi aussi, pendant que je copiais...

Sauf qu'en France, il me semble, on pardonne plus facilement à l'auteur connu, qu'on cite et qui sert de modèle, ce que, chez lui, on qualifie d'effet de style, et que chez un élève on taxera d'erreur. Comme toujours : on ne prête qu'aux riches !!
Miguel wrote: je suis également heureux de faire la connaissance du terme "euphonique", je dirais même que j'en suis euphorique, dans une douloureuse tentative d'humour stupide et "intellectuel".
Sorry, que l'expérience ait été douloureuse... (Y a pas encore de péridurale littéraire...) Moi ça m'a fait éclater de rire, d'autant que je me souvenais de ton début un peu teinté de rouge...

C'est un verre de tisane de houblon en main que je te dis "Gsundheit ! S'gielt !", "Cheers !", "Skol !", "Zum Wohl !" "Slauntcha ! (je ne sais pas l'écrire en Irlandais...)" "Santé ! A la tienne !"

Amicalement

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svernoux
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Post by svernoux »

Miguel wrote:en tant qu'abruti non linguiste et éthylico-rougeâtre, je me plais à interpréter de tout cela que je peux utiliser "l'on" à peu près où bon me semble lorsque j'écris des textes que je soupçonne d'élégance, hormis à la suite de certains mots comme "dont".
Au fait, j'ai entendu dire que le Grévisse était de toute façon très consensuel dans la mesure où sur presque tous les sujets sur lesquels on l'interroge, il ne tranche pas et affirme toujours que toutes les solutions sont possibles, selon l'usage, etc... Suite à quoi j'ai renoncé à acquérir un Grévisse, me disant que si on n'y trouvait rien de plus que ça, ma petite cervelle suffirait bien sans me coûter un sou... Mais, à vous qui pratiquez le Grévisse quotidiennement, je souhaite demander : ces accusations sont-elles fondées ?
:drink:
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Post by Bébert »

svernoux wrote:Au fait, j'ai entendu dire que le Grévisse était de toute façon très consensuel dans la mesure où sur presque tous les sujets sur lesquels on l'interroge, il ne tranche pas et affirme toujours que toutes les solutions sont possibles, selon l'usage, etc...
Je dirais que, dans un premier temps, il donne la/les règle(s), l'historique, le point de vue de l'Académie;
puis il cherche ce que les auteurs attestés
(ceux qui ont le droit d'enfreindre les règles, qu'ils ne connaissent pas forcément toutes, mais qui ne vont pas vérifier dans le Grevisse parce qu'ils sont assez connus pour avoir le droit d'enfreindre... [Trois p'tits cha-peau d'paillassomnanbulletintamarabout...])
ont écrit et qui va (peut-être et petit à petit) faire évoluer la règle par l'usage.
Il reste le plus souvent des limites que personne ne franchit.
Dans notre sujet et pour des questions de sons qui écorchent les oreilles, personne ne dira "c'est ce dont l'on l'a prévenu"... enfin... j'espère...

Amicalement

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Post by Latinus »

Bébert wrote: Sauf qu'en France, il me semble, on pardonne plus facilement à l'auteur connu, qu'on cite et qui sert de modèle, ce que, chez lui, on qualifie d'effet de style, et que chez un élève on taxera d'erreur. Comme toujours : on ne prête qu'aux riches !!
C'est surtout que l'étudiant ou le profane est automatiquement considéré comme incapable.
Vision des choses qui commence à changer dès que la personne possède quelques diplômes dignes de considération. (et ça ça m'énerve !)

Au fait, préférez-vous "quoi qu'on en pense" ou "quoi que nous puissions en pensions en penser" (qui tend à disparaître).
Les courses hippiques, lorsqu'elles s'y frottent.
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kyliane
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Post by kyliane »

Latinus wrote: Au fait, préférez-vous "quoi qu'on en pense" ou "quoi que nous puissions en pensions en penser" (qui tend à disparaître).
Quoi que l'on en pense :loljump:

Kyl
Last edited by kyliane on 19 Aug 2004 13:48, edited 1 time in total.
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Bébert
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Post by Bébert »

kyliane wrote:Quoi que l'on en pense :loljump:
... mort de rire !!

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Post by Bébert »

Latinus wrote:Au fait, préférez-vous "quoi qu'on en pense" ou "quoi que nous puissions en pensions en penser" (qui tend à disparaître).
A mon avis (mais ce n'est vraiment qu'un avis) il s'agit là de niveaux de langue.
"on" est un peu plus "langue parlée" que "nous" et entre "que nous en pensions" et "que nous puissions en penser" il n'y a qu'une lègère nuance...
Peut-être un peu de préciosité dans la deuxième expression ?

Tout à fait d'accord avec ta remarque sur l'étudiant et le profane.

Amicalement

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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

Pour ce qui est de "quoi que", tant que l'on écrit "quoi que" en deux mots et qu'on le fait suivre du subjonctif, toutes les formules sont justes. Pour la différence entre "on" et "nous", nous en avions longuement discuté sur francopinailleurs. Cela étant je ne pense même pas que "on" soit ici du langage parlé (on = nous) : quoi qu'on en pense = quoi que le premier homme venu puisse en penser ; c'est bien un "on" impersonnel...
... En revanche, je préfèrerais au minimum "quoi que l'on" parce que [kwakõ], ça fait couac et ça fait c**.

:loljump:

Pour ce qui est du Grevisse, c'est justement parce qu'il s'en remet in fine à l'usage littéraire et qu'il évite toute affirmation péremptoire qu'il est vraiment utile. Je ne dirais pas qu'il est consensuel : je dirais plutôt qu'il est honnête, car il donne tous les avis (l'Académie, Littré, le Haut-Commissariat à la Langue Française) et cherche des exemples, littéraires ou non. Bref, quand il donne une opinion, c'est de manière argumentée. Il a une approche linguistique tout en gardant la clarté d'une grammaire. Et puis il traite vraiment en détail des questions... de détail, qu'on ne trouvera jamais ailleurs (genre "on/l'on").

Franchement, j'ai trois ou quatre ouvrages de ce type chez moi, et je peux te garantir que c'est le seul de qualité. Tous les autres sont soit de pâles copies, soit tout simplement des grammaires idiotes qui se contentent d'ânnoner quelques règles théoriques nées des oukases et des objurgation de l'Agagadémie*.

*c'est pas de moi mais de F. Dard ;)

En plus de cela, il est très bien organisé, il a un index très complet et on trouve vite ce que l'on cherche. Et puis, c'est un bel objet, écrit sur papier bible et d'une belle couleur verte. :)

*

Car effectivement, il ne suffit pas de répéter telle règle que pour qu'elle soit vraie. Je continue d'utiliser "après que + indicatif" (après qu'il est venu), parce que j'ai été éduqué comme ça ; mais prétendre que "après que + subj" est faux alors qu'on le trouve même chez Sartre et que de toute façon 84,56 % de la population l'utilise, c'est idiot. Grevisse est à mes yeux un vrai sage chinois (les sages sont toujours chinois), superbement placé à l'exact milieu entre les normatistes obsédés (c'est comme ça parce que c'est comme ça) et les adeptes du libéralisme linguistique (laissez faire, laissez passer, seul compte l'usage).

Quant au fait que les auteurs font parfois des fautes... Que voulez-vous, ils sont hommes :-? ; mais en tant que théoriquement futur prof de français, je ne crois pas qu'il soit très bon que nos chères têtes blondes (ou brunes ou rousses) découvrent trop tôt l'imperfection de ce monde et la peccabilité de leur aînés. Ils doivent croire que le plus longtemps possible que César n'écrivait que pour fournir des versions latines, que la Fontaine voulait élever la moralité des petits enfants et Racine l'esprit des grands de ce monde...

;)
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Bébert
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Post by Bébert »

Une brillante démonstration ! Chapeau bas, Sisyphe !
Sisyphe wrote: Et puis, c'est un bel objet, écrit sur papier bible et d'une belle couleur verte. :)
eh... je comprends encore mieux la différence... le mien est sur papier... papier (style dico, sans plus) (il coûtait 66 F [10 € à peu de choses près] en 1974, je viens de découvrir ça à l'instant).
Sisyphe wrote:Quant au fait que les auteurs font parfois des fautes... Que voulez-vous, ils sont hommes :-? ;
Je me suis mal exprimé, I suppose. Je n'en veux pas aux auteurs de négliger les règles ni même de ne pas toutes les connaître; ce ne sont effectivement que des humains. Ce que je relevais, c'est que leurs fautes, leur manque de rigueur (qu'on appellera "créativité" parce que c'est eux), seront assez automatiquement appelés à devenir un jour une certaine norme, alors que nos incartades et même nos effets de style (c'est-à-dire ceux du commun des mortels) risquent fort de n'être jamais que des fautes, des manquements... (Is that better ?)

Amicalement

Bébert
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