Quelques éléments de réponse aux questions posées (car effectivement, mieux vaut répondre avec précision et arguments aux questions posées, même si elles surprennent. Et puis je connais trop bien maintenant notre petit loir (COHKA

* ) pour savoir qu'il n'y avait aucune agressivité dans ses propos, donc "keep cool"

, pardons "ni restadu kvietaj").
*
Message privé au petit loir : je donne les photos ce soir à Enzo ; rassure-toi, tu es la moins ratée de nous trois !!
Pour ce qui est de
la conjugaison, c'est très simple.
1. Principes généraux
- Il n'y a pas de désinence personnelles (donc le pronom sujet est toujours obligatoire) : mi estas, ci estas, li estas, etc. = je suis, tu es, il est.
- il existe deux formes de conjugaison, l'une simple et l'autre composée
- Dans la conjugaison simple, la désinence n'indique que le temps ou le mode. En fait, il n'y pas vraiment de distinction entre temps et mode car les modes excluent les temps.
2. La conjugaison simple
radical + désinence
les désinences sont :
is pour le passe (mi estis : j'étais, je fus)
as pour le présent (mi estas : je suis)
os pour le futur (mi estos : je serai)
us pour le conditionnel (mi estus : je serais)
u pour le volitif, sorte d'impératif (estu : sois, mi estu : que je sois)
Ces temps sont absolus.
Autant que je sache, il n'y pas de concordance de temps en espéranto. On est plus proche du grec ancien ou (je crois) du russe que du latin ou du français.
3.
les temps composés
Fonctionnent selon un principe simple
l'auxilliaire "être" lui-même à un temps simple + le participe actif à un des trois temps.
les participes sont formées de la manière suivante :
radical + voyelle de temps + nt + a [marque adjective]
la voyelle de temps étant la même que dans les conjugaion : i = passé, a = présent, o = futur.
On a donc 5 x 3 possibilités = 15 temps composés
mi estis leginta (passé+passé) = j'étais ayant lu = j'avais lu
mi estis leganta (passé+présent) = j'étais lisant = je lisais, j'étais en train de lire
mi estis legonta (passé+futur) = j'étais sur le point de lire = j'allais lire
mi estas leginta (présent+passé) = je suis ayant lu = j'ai lu
mi estas leganta (présent+présent) = je suis lisant = je suis en train de lire
mi etas legonta (présent+futur) = je suis sur le point de lire = je vais lire
etc.
[Zut, Bovido vient de poster sa réponse. Bon, tant pis, on est complémentaire]
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Je reviens à présent sur la question de
la précision de l'espéranto face à l'anglais (Didine, Svernoux).
Certes, je ne suis pas traducteur et je n'ai pas un anglais courant, mais malgré cela (ou peut-être à plus forte raison : je suis dans la position des 90 % de chercheurs obligés de lire des publications en anglais quand ils ne sont pas anglophones) je trouve aussi, et j'ai souvent fait l'expérience, que l'anglais n'est ni une langue facile ni une langue précise. Je donnerai deux exemples :
Les néologismes : les anglais ne feront bientôt plus la différence entre leur verbes et leurs noms. Avec un certain naturel, ils prennent un verbe, pire un "phrasal verb", et ils l'utilisent comme un nom : mais à toi de deviner si "the blow up" est
- un changement d'état (allemand -ung)
- un concept (allemand -heit)
- un nom d'agent (-er)
- une oeuvre (-werk)
etc.
De même dans l'anglais de la linguistique dont j'essaie de faire un dico en ce moment, "utterance" signifie aussi bien "énoncé" que "énonciation". Ca n'a l'air de rien, mais quand tu en as douze dans une même phrase, ça complique la compréhension.
Deuxième exemple : les syntagmes nominaux. La encore l'anglais juxtapose cinq ou six substantifs, et à toi de te dém....der ; je me souviens de "individual split ergative case marking system". Est-ce :
- un système individuel de marquage casuel de l'ergatif divisé
- un système de marque [c'est pas pareil] casuelles d'un ergatif individuel divisé
- un systeme de marque/marquage individuel
de type ergatif divisé
- etc.
La différence est de l'ordre du poil de rat, mais par jeux de domino, sur un article de dix pages employant des concepts hyper-précis et vachement "prise de tête", ça peut largement compliquer l'ensemble.
*
Autre point soulevé par Svernoux :
l'aspect européo-centré de la grammaire espéranta et notamment des déclinaisons.
Comme l'a dit Bovido, il n'y a que deux cas, et Zamenhoff lui-même parlait de "nominatif" et "d'accusatif". Mais dans sa réalité, on est assez loin parfois du sytème flexionnel à l'européenne, car "l'accusatif" sert en fait
surtout de marque de démarquage par rapport au nominatif, qui est un cas-zéro.
Par exemple, tous les complément circonstantiels restent au nom. SAUF s'il faut lever une ambiguité. Aisni, on dit "iri al urbo" = aller en ville (N), parce que "al" désigne toujours un mouvement, par contre "en" peut prendre l'accusatif s'il faut préciser qu'il ya mouvement, par opposition au lieu statique. Sans entrer dans les détail, "l'accusatif" permet surtout d'isoler l'objet dans une phrase. L'espéranto est donc moins une langue à déclinaison qu'une langue de type sujet/objet, comme le français. Sur ce point, l'espéranto rejoint les 2/3 des langues du monde. Et c'est justement parce qu'il y a la "marque n" (= l'accusatif de Zamenhoff) que les chinois peuvent utiliser naturellement la langue en conservant leur ordre des mots, sans altération de sens : mi vin amas, vin mi amas, amas mi vin, vin amas mi, etc. = je vous aime

.
J'ai parlé de la composition nominale qui est plus proche du style allemand que du style anglais. En effet, en anglais les composés sont plutôt de type appositionel, ce qu'on nomme en sanscrit des karamadhâraya : si je dis "software", "soft = ware", "the ware is soft", tandis qu'en allemand les composés sont plutôt du type "tatpuruça", ou déterminatif casuel : Verkhersablauf = Ablauf des Verkehrs.
Les composés les plus "simples" en espéranto sont plutôt de ce style-là : dompordo = pordo de domo (porte de la maison = Haustür)
Cela étant, il y a des possibilités de composition et de dérivation absolument inhabituels dans les langues européennes. Du type "samopinii = havi la saman opinion" = "avoir la même opinion", littéralement "mêmopinionier". Ou encore "la surltabla kato" = le chat "supertabulaire" (qui est sur la table), etc.
Je n'ai pas trop le temps de revenir sur la question de la
supra-nationalité de l'espéranto. C'est vrai que c'est le point le plus idéologique : on préfère l'espéranto parce qu'on n'apprécie pas la suprématie de l'anglais en tant que telle, même sans prendre en considérations les "faiblesses" de l'anglais que je précisais plus haut.
Je crois personnellement que ce n'est pas aimer l'anglais, les Anglais et l'Angleterre que de célébrer l'anglais international. Il se fait au dépend de l'anglais lui-même comme langue de culture. Quand on sait que les Anglais font de moins en moins la différence entre who et which, ou qu'ils écrivent de plus en plus "labor" et non "labour", etc. Ce n'est pas au nom de ses qualités intrinsèques que l'anglais (en fait l'américain) s'est imposé, mais parce qu'il est la langue d'un pays aujourd'hui surpuissant.
On peut regretter cette hégémonie linguistique-là, et surtout ses conséquences : trop de chercheurs ou de penseurs des anciens pays de l'Est demeurent presque ostracisés parce qu'en leur temps l'anglais n'était pas enseigné - et que dire de tous les profs de russe des anciens pays de l'Est qui se retrouvent au chômage, parce qu'on ne veut plus que des profs d'anglais ? Mais cela sans tomber dans un antiaméricanisme niais, ou dans un "yakaïsme" simpliste (y compris "y'a qu'à parler espéranto").
PS : merci à Bernard pour son lien sur les linguistes espérantistes (je n'en connaissais qu'un). Cela étant, ce que je disais reste vrai : les neuf dixième de leurs biblio sont en anglais ou en allemand, et les articles en espéranto, même s'ils sont d'une haute "scientificité", ne concernent
que l'espéranto. C'est dommage mais c'est comme ça.