Beelemache wrote:
Pensez vous que l'apprentissage du francais est en déclin ?
Numériquement, oui, c'est incontestable. J'ai pas les chiffres sous les yeux mais ça se trouve facilement. Il y avait autrefois des pays où l'apprentissage du français était obligatoire dès l'entrée dans le secondaire (Roumanie, Brésil, Uruguay, Grèce etc.), ce n'est plus le cas et l'anglais c'est partout établie comme LV1. De même comme LV2, le français est largement distancé par l'espagnol, ou par des langues d'importance locale (russe...). Il reste limité dans les écoles de commerce, sauf filière spécialisée. La situation du français dans les systèmes scolaires étrangers est en passe de devenir celle de l'allemand chez nous.
Ce qui sauve le français, c'est le réseau des écoles et lycées français de l'étranger, dont la santé est excellente (entre l'Alliance française et le Goethe Institut, y'a pas photo). Mais c'est une victoire en trompe-l'oeil, car ces lycées scolarisent surtout des filles. Donc cela n'a aucun intérêt...
... Ne vous trompez pas sur l'apparente misogynie de mes propos, c'est bel et bien une réalité, que me confirment tous ceux qui sont passés par des lycées de ce type (j'en connais quelques-uns depuis plusieurs années, et du reste n'importe quel article sur le sujet l'explique clairement): les élites locales envoient leurs garçons, porteurs du pouvoir économique futur, héritiers de leur puissance, dans les écoles américaines (ou même anglaises), parce que le monde économique est en anglais. Ces mêmes élites envoient les filles dans les lycées français pour qu'elles y acquièrent la culture, l'élégance, les bonnes manières ; enfin bref, qu'elles fassent de bonnes épouses. Il n'y a aucune retombée de cet apprentissage du point de vue de la puissance de la France et du français, si ce n'est qu'elles feront leurs courses en français sur les Champs-Elysées. Seules les classes intellectuelles font exception et envoient leurs garçons, mais là encore l'intérêt n'est pas grand, sinon pour un
très relatif maintien du français dans les publications universitaires internationales (et encore : disons que dans l'état actuel des choses, les publications françaises
sont lues, contrairement par exemple aux publications en russe. Mais seuls les universitaires francophones publient dans notre langue ; si un russe ou un suédois veut faire un ouvrage qu'il espère lu à l'étranger, il le fera en anglais).
Aux Anglais l'économie, aux Français la culture. Il en a toujours été ainsi, sauf qu'au XVIIIe siècle la culture comptait.
beelemache wrote:
A l'ONU la France bat des ailes et des pattes (ca existe cette expression?) pour défendre le francais dans TOUS les organisations internationales... Abusé à mon avis! Mais si le francais préserve son trone ce n'est que parce que la France est membre permanent.
Dans une certaine mesure, pour l'instant, le Français n'est pas totalement absurde comme langue diplomatique. Certes, l'importance des pays "officiellement" francophones (j'ai quelques doutes quand à la francophonie réelle du Burkina-Faso, autre différence avec les ex-colonies anglaises) est minime : nos ex-colonies soit ont franchement abandonné le français (Indochine), soit, il faut bien le dire, pèsent peu (des Etats anglophones comme le Nigéria ou le Kenya, au sein de l'Afrique, ont malgré leur pauvreté un poids économique local que ne peut lui disputer aucun état francophone, sauf le Sénégal et autrefois -

- la Côte-d'Ivoire).
Mais à l'inverse, l'importance relative du réseau scolaire français à l'étranger, par lequel est passée une partie de l'élite de chaque pays, et la position qu'
avait le français il y a quarante ans (donc quand on été formé les diplomates et chefs d'Etats actuels) font de notre langue un parler encore assez bien possédé dans le monde diplomatique. Des gens aussi différents que Leïla Chaïd, Henrique Cardoso (l'ancien président du Brésil) ou Madeleine Albright et John Kerry sont francophones (en général, les Américains sympathiques sont francophones

).
Ronan wrote:
Je crois que pour relancer l'importance du français ds le monde, il faudrait déjà que la France ait une bonne image dans le monde, ce qui est pas le cas (le pays attire les touristes d'accord, mais je crois que les francais eux-mêmes sont plutôt mal considérés à l'étranger: ils sont souvent vus comme hautains et arrogants).
Sans doute, et il peut y avoir quelque chose de vrai... Mais ce genre de choses est assez subjectif : les Américains vont trouver durant les dix prochaines années n'importe quel français hyper-arrogant qu'il le soit ou non, parce que le gouvernement français a ouvert sa g*** sur l'Iraq. Et de fait, notre pays ayant une tradition de "grande g***" diplomatique depuis longtemps (cf. de Gaulle) - et pas forcément à tort, des fois - je crains que les deux images (l'action diplomatique de la France et chaque français individuellement) ne se confondent.
Du reste, Ann nous a raconté sur
cet autre topic que son mari s'était fait insulter parce qu'il ne parlait pas anglais aux Etats-Unis, et ce n'est pas la première fois qu'on me raconte ce genre d'histoires. Alors que je n'en ai jamais entendu la pareille en France.
J'ai aussi souvent entendu dire (m'a-t-on poliment menti ?) que les Grecs préféraient les touristes français aux anglais, allemands et américains, plus "respectueux", même s'ils "payaient" moins que ces derniers (c'est un fait qui je pense joue beaucoup : les Américains laissent systématiquement 30% de pourboire, puisque chez eux le service n'est pas compris, alors que les Français n'en laisse systématiquement aucun. Il y a des arrogances qui se mesurent au centime... ou au cent).
Ronan wrote:
je voudrais pas dire, mais ces temps-ci, la musique qu'on nous sert, quel que soit le pays, c'est la même soupe et c'est presque toujours en anglais, je trouve ca regrettable (heureust, à présent y a qd mm qq chansons en espagnol, en italien, en arabe, qui ont du succès, ca change un peu !)

Entièrement d'accord.
Ronan wrote:
De plus en plus les jeunes ne veulent plus faire de français parce que c'est trop dur, tout comme les jeunes français ne veulent plus faire d'allemand parce que c'est trop dur... (pê aussi qu'ils sont plus paresseux qu'il y a qq années!).

Propos un peu dangeureux, même si je sens bien toute l'ironie qu'il y a derrière

... Disons que nos jeunes sont incontestablement moins enclins à un travail de longue haleine que nous ne le fûmes, et nous le fûmes moins que nos ancêtres, mais c'est un fait plus général : le monde est un peu zappeur aujourd'hui

.
Mais surtout, le jeu des options et même du travail scolaire en général dans le secondaire est largement ressenti comme un système de stratégie et d'investissement, et non plus pour lui-même. On prend le latin parce qu'on sera dans une bonne classe, sans l'intention de l'étudier. On travaille son anglais ou ses maths ou même sont français pour avoir la bonne note et pour entrer dans telle classe secondaire ou supérieure, l'idée se répandant que les études commencent après le bac et pas avant (les exceptions, les élèves passionnés comme Sub ou Y a qdalah sont heureusement très nombreux !)...
... Il ne s'agit pas de parler du "bon vieux temps", car de toute façon cela a toujours été ainsi. Sauf qu'autrefois la culture allait de pair avec l'ascension sociale de manière assez évidente. Bouffer du latin au lycée en sixième était la garantie de finir cadre privé ou haut-fonctionnaire, avec ou sans anglais, il importait peu.
Et puis de toute façon, tous les systèmes scolaires du monde, de quelque type qu'ils soient (sélectifs/non sélectifs, unitaires comme en France ou divisés comme en Allemagne, à tronc obligatoire ou "à la carte" etc, "culturalistes" ou "développement personnel", etc.) se sont massifiés d'une manière ou d'une autre. Ceux qui commençaient l'allemand en sixième il y a soixante ans étaient assurés de finir à peu près vaguement germanophones (j'ai pas dit bilingue) au moment du "bachot", mais ils étaient triés et l'on ne gardait que les gosses de riches (donc largement pourvus en "culture générale", ce qui ne veut pas dire intelligents) et les génies.
Ronan wrote:
Et je voulais dire que si les Français avaient aussi une meilleure image à l'étranger, plus de gens voudraient apprendre le français, Victor Hugo ou non, car généralement on ne choisit pas d'apprendre l'espagnol pour lire Cervantès dans le texte, ou l'anglais pour lire Shakespeare...
Echo à mes propos précédents. Et cela pourrait faire une bonne conclusion : le français est toujours puissant comme langue culturelle, mais la culture aujourd'hui, tout le monde s'en fout.