

Et puis, si toi, Ann, tu n'arrives pas à l'expliquer, alors qu'est-ce qu'un latiniste dans mon genre y pourrait ?

Pour ce qui sont pas du métier, Damourette et Pichon sont les Bouvard et Pécuchet de le grammaire française. Leur principe est assez simple, elle dit que la scientificité d'une théorie se mesure à deux éléments : 1. le nombre de termes inventés pour l'occasion, 2. l'incompréhensibilité générale de l'explication. Plus c'est pire et mieux c'est.
Je vais me faire des amis là...

*
Bon, déjà, j'aurais tendance à dire deux choses :
1. J'y réussis ne me paraît pas faux (...zut, Raph l'a déjà dit). Mais il passe beaucoup mieux au passé : "il voulut entrer à l'Académie Française, mais il n'y réussit pas". Donc, ne vous déplaise, je crois que la question est plutôt de l'ordre de la diachronie : pourquoi "j'y réussis" serait-il archaïque ?
2. De toute façon, une bonne partie des exemples présentés comme faux le seraient en français classique : Je demande à partir /J'y demande.
3. Il faut distinguer "y" complément de lieu, et "y" véritable pronom (= qui remplace un nom) - zut vous venez de le dire aussi.
Même si, étymologiquement parlant, y complément de lieu est le plus ancien, et l'autre son extension.
Et j'ajouterais : il faut encore distinguer un troisième cas, celui de "y" figé dans des locutions "s'y connnaître".
Par ailleurs et avant tout, si je puis me permettre :
Bloodbrother wrote: Oui mais échapper est un verbe d'action par rapport à réussir qui pour moi représente plutôt un état selon moi

Mais je crois que je vois ce que tu veux dire : échapper est un mouvement (au moins dans l'esprit), alors que réussir le serait moins... Bof.
Je me méfie toujours de ce genre d'impression. Je connais des thèses qui inventent pour le grec (ou le latin, sais plus) des verbes statifs et non-statifs (ou autre), et qui forcent le trait ensuite pour faire entrer dans une catégorie ou une autre : penser, croire, vouloir, désirer, espérer, attendre, etc. Sauf qu'invariablement, le verbe "manger une choucroute" se comporte comme un verbe non-statif, et donc on te déclare qu'en remontant à Homère et si l'on prend en compte le taux d'hygrométrie ambiant, il y a quand même une idée de mouvement dans la choucroute. J'exagère à peine.
Cela étant, je pense que ce qu'il y a du vrai dans ce que tu dis, j'y reviendrai en dessous.
Ann wrote: je n'aime pas le terme de complément circonstanciel: on estime dans ce cas qu'il n'est pas un complément nécessaire du verbe or dans le cas ci-dessous par exemple il est obligatoire







AH NON, PAS TOI ANN ! TU VAS PAS T'Y METTRE NON PLUS ! UN COMPLEMENT CIRCONSTANCIEL C'EST UN COMPLEMENT CIRCONSTANCIEL ; RAS LE BOL DES CHANGEMENTS PERMANENTS DE TERMINOLOGIE ! UN SUJET C'EST UN SUJET, UN VERBE C'EST UN VERBE ET UN CASTOR C'EST UN CASTOR !
Sans parler des choucroutes

Après, qu'il soit nécessaire ou non-nécessaire, on peut en discuter.
(;) désolé, Ann, mais en ce moment j'ai besoin d'un punching-ball)
Je pense que tu voulais dire "Complément d'Objet Direct" ?Donc manger à nouveau ne marche pas, par exemple. A nouveau étant un COD (complément d'objet circonstanciel dans notre cas -du moins du temps de mon enfance, on l'appelait comme ça. Maintenant...)

Oui on l'appelle encore comme ça... Mais plus pour longtemps. Les damourette-et-pichonniens et autre guillaumiens ont déjà tenté quelques assauts... Hein Ann ?
Cela étant, Ann a raison, ce n'est PAS un COD dans ton exemple. Pour qu'il y ait un COD, il faut :
a) que ce soit un nom
b) que ce ne soit pas le sujet (attention à "sous le pont Mirabeau coule la Seine" = sujet inversé).
c) que l'on puisse dire "quelque chose" : il vient de nouveau -> *il vient quelque chose.
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Revenons maintenant à "y" - ou revenons-y
Voici ce que disent mes bouquins de base et de synchro et de synchro de base :
1. Les pronoms "en" et "y" remplacent n'importe quel groupe pronominal introduit respectivement par "de" et "à", à la condition qu'il figure initialement dans le groupe verbal.
-> Ce qui justifie en fait dans un sens inverse la remarque d'Ann (sauf que "complément circonstanciel" : pas touche

Je manges de la confiture -> j'en mange
je suis content de Paul -> j'en suis content
2. "y" en langue moderne et normée, s'applique toujours à un inanimé :
tu penses à lui ? Je pense à lui / *J'y pense, sauf si on est la marquise de Sévigné.
Je vais mettre le collier antipuce au chien - mets-lui / *mets-y, sauf si l'on prend son chien pour un objet ; ou dans un langage très populaire.
Ce qui inclut la reprise d'un verbe ou d'une proposition entière : as-tu fait les courses ? Non je n'y ai pas pensé.
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Donc, considéré en synchronie et sous l'angle de la norme, rien ne s'oppose à "j'y réussis" au présent. Et je suis à peu près sûr que l'on en trouverait des exemples en cherchant bien (mais il est vrai que j'en ai des tonnes - Littré, Grevisse, etc., mais jamais au présent).
Je propose deux voies d'explication
1. En diachronie, "réussir" transitif indirect est concurrencé par "réussir" transitif direct, et il ne l'est que récemment. En témoigne cette remarque de l'agagadémie en 1878 citée par Grevisse : "il n'est pas probable qu'un tableau "réussi" trouve jamais grâce devant une Académie Française : la faute de français blesse trop la grammaire et l'oreille ; réussir n'a jamais été qu'un verbe neutre".

"Un tableau réussi" est le seul emploi TD (passif) que connaît Littré, et Stendhal écrit encore "elle réussisait à tout ce qu'elle entreprenait".
Or, il y a bien aujourd'hui dans la langue combat entre les deux constructions : réussir à un examen / réussir un examen, cette dernière est critiqués (mais donc tacitement entérinés) par Grevisse. En d'autre terme, il me semble que "réussir" a une tendance aujourd'hui à évoluer vers le transitif direct. Et même, le fait qu'on puisse dire "tu l'as réussi" (ton examen) tendrait à éliminer "t'y as réussi ?", dans la mesure où tout locuteur sait implicitement que "le" et "y" s'excluent mutuellement dans un usage correct.
2. En sychronie, "réussir" est concurrencé par "y arriver", les deux étant sur le même niveau de langue (alors que "parvenir" est légèrement plus soutenu. Un gamin de sixième ne dira pas "j'parviens pas à remonter mon anorak" mais "j'arrive pas..."), sans compter que "j'arrive à faire" est plus facile à articuler que "je (ou même j') réussis à faire".
Du coup, si "réussir" demeure, c'est surtout grâce à son participe passé facilement adjectivable : j'ai réussi / un devoir réussi.
-> En ce sens, il me semble que "réussir" tend à prendre une connotation perfective, ce qu'est effectivement "j'ai réussi" (et je pense que c'est un peu ce que Blood voulait dire en parlant de verbe d'état

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Je voulais faire avancer le schmilblick. Y ai-je réussi ?
