

D'une part, les lois ne naissent pas ex nihilo. Elles sont produites par tout un système législatif ; dans le cas de la France, c'est : proposition par le gouvernement ou le parlement, avis préalable du conseil d'Etat, discussion, amendements et vote indépendant de chaque chambre, navette et commission paritaire s'il y a lieu, repassage au conseil d'Etat et au conseil constitutionnel et enfin promulgation par le président. Notez que c'est d'ailleurs assez simple, comme doit l'être une constitution.Svernoux wrote: ce n'est pas la constitution qui décidera de notre avenir, mais les lois qui seront votées sur la base de cette constitution
Le poids que notre consitution de la Ve république donne à chacune de ces instances, et la manière dont elles sont nommées influe sur la création de la loi.
La constitution de la Ve, par exemple, offre l'avantage par son mode électoral d'éviter de donner trop de poids à des partis marginaux au parlement - l'inconvénient étant automatiquement de réduire l'audience de certaine formation. Suivant les opinions politiques que l'ont a, on apprécie le premier (au PS) ou l'on regrette le second (chez les Verts). Mais cela se traduit dans la loi.
D'autre part, la constitution européenne offre la particularité de fixer non seulement des institutions, mais encore un programme économique officiel. Mais encore des dispositions économiques.
On peut discuter sur le fond de ces orientations économiques. Relèvent-elles du "libéralisme" et qu'est-ce qu'on entend par là, est-ce bon ou mauvais, est-il atténué ou non, etc.
Mais partons d'abord du principe : est-il souhaitable d’inscrire dans une constitution, c’est-à-dire un soc de marbre auquel on doit par nature toucher le moins possible, les orientations économiques d’une entité (État ou fédération) ?
Doit-on dire que le fonctionnement institutionnel d’une entité doit aller de paire avec son fonctionnement économique ? Pour moi, non. L’économie fait partie des options politiques, des choix, modifiables par le suffrage universel et le résultat des élections. Il est de mon droit de préférer un point de vue keynesien et d'envoyer au gouvernement des gens qui partagent cette opinion (l'inverse est d'ailleurs tout aussi vrai : j'ai le droit d'être favorable à une vision monétariste et libérale, et de vouloir la faire appliquer).
Inscrire ses règles économiques dans sa constitution, seuls les pays communistes l'ont fait jusqu'ici !
Didine wrote:Ce qui m'énerve un peu dans tous les débats sur la Constitution, c'est de voir que les Français se rappellent que l'Union Européenne existe uniquement lorsque des référundums relatifs à cette dernière sont organisés. Le reste du temps, on regarde l'UE avec détachement en faisant bien la distinction entre "nous les citoyens" et "eux les bureaucrates auxquels on ne comprend rien".

Quel était l'argumentaire des "ouistes" instutionnels au début de la campagne ?
pour l'UMP : un gamin qui sourit sur un fond bleu
pour les Verts : un joli tournesol avec un oui dessus
pour le PS : une bande de jeunes multicolores (on est multiculturaliste au PS) sur un fond bleu.

... Aparté : il me souvient qu'en première, notre prof, très européanophile, un jour de ces éternelles "journées de l'Europe", nous avait lancé avec la certitude de jeune prêtre s'attendant à une réponse exultante : "l'Europe, qu'est-ce que vous en pensez ?" (a. c'est bien, b. c'est top, c. c'est génial). Grand silence. Enorme silence. Dépit de la prof. "bin vous savez, nous, on voit pas très bien ce que cela change pour nous ".
La camarade qui a prononcé ces paroles n'était pas une imbécile, ni une nationaliste en herbe. Je crois me souvenir qu'elle était germaniste. La jeunesse que nous étions n'avions pas besoin de l'excuse de douze petites étoiles sur fond bleu pour savoir que nous aimions les Allemands et que nous ne ferions pas la guerre aux Anglais. Cette Europe-là (qui doit au moins autant à la foi politique d'Adenauer et de de Gaulle qu'à des arguties économiques) est faite ; pourrait-on avoir d'autres arguments ?.
Autre souvenir de ces "journées de l'Europe" : un petit livret de gentille propagande délivrée au CM2. L'Europe c'est bien, l'Europe c'est jolie "et en plus, disait un personnage, il y a douze étoiles, une chacun" (sic ! En plus c'était faux mais à l'époque on pouvait croire que c'était vrai). Et puis dessiner le drapeau : je n'ai jamais su faire d'étoile à cinq branche, donc j'ai eu une mauvaise note et je suis devenu eurosceptique

Trève de plaisanterie : on parlerait de propagande s'il s'agissait de politique nationale - genre "nos ancêtres les Gaulois". Mais l'Europe, elle, a le droit de se vendre de manière aussi puérile. Et dans les discours et les tracts des jeunes soc', je retrouve le même infantilisme (je parle d'eux, parce que normalement je "devrais" être un de leurs électeurs.

Je veux qu'on cesse de nous demander de croire en l'Europe comme en la sainte vierge. Et qu'on nous l'explique.
Tu dis une chose très juste : "les bureaucrates auxquels on ne comprend rien". Admettrait-on qu'un gouvernement national soit élu par trois instances en même temps et concurrement ? Admettrait-on qu'une chambre ait un pouvoir "à la majorité qualifiée" calculé en pourcentages ? Admettrait-on qu'un ministre de premier plan, quelque compétent qu'il soit, soit un parfait inconnu ? (M. Bolkestein a eu sur ce point une chance que MM. Lamy et Barnier n'ont jamais eu - ce dernier n'était rien du tout avant d'être commissaire).
Ce n'est pas entièrement la faute des traités et de la possible constitution. C'est vrai : les élites politiques qui ont délaissé l'Europe (en nommant des inconnus à la commission et des has-been au Parlement, en adoptant dernièrement le plus absurde découpage électoral depuis la IVe République pour une élection européenne, afin de limiter leurs pertes, etc. ). Mais qu'on arrête de s'en prendre "aux Français" ! Je ne connais pas les Français. Je connais des Français, qui ont des opinions et des problèmes. On s'intéresse à ce qui est utile ; si "les Français" étaient des imbéciles tous poujadistes, ils s'abstiendraient à toutes les élections. Or ils votent en masse aux municipales, parce qu'ils comprennent le pouvoir municipal, quel que soit le maire et son étiquette. Et je vous parie qu'il voteront beaucoup dimanche.
Je vais m'énerver...Iubito wrote: Perso j'ai pas tout lu, loin de là, mais comme Maï je pense que l'Europe est un signe de paix. N'oublions pas que la guerre en ex-Yougoslavie ne remonte pas à si longtemps...
Pourquoi encore et toujours ces arguments affectifs ? On vote sur 400 articles, pas sur la paix. Je suis pour la paix.
La feue Yougoslavie n'était pas membre de l'Union ! L'Union (et en particulier la France et en particulier Mitterrand) est coupable de ne pas être intervenu à temps, oui. Mais les causes profondes de la guerre en Yougoslavie étaient strictement yougoslaves et n'avaient rien à voir avec l'Union.
Que l'Union empêche aujourd'hui ce genre de conflit entre les pays qui en sont membres, c'est un fait et c'est tout à sa gloire. Mais avec ou sans la constitution, ça ne changera rien à la situation diplomatiquement bonne des pays de l'Union. Un oui n'apportera ni la démocratie en Biélorussie, ni la réconciliation à Chypre, ni l'eau au Sahara. En tout cas pas par la seule magie du oui et de la constitution.
Après, on peut discuter du possible intérêt de la nomination d'un ministre des affaires étrangères de l'Union. Certes. Mais arrêtons avec les arguments a priori !
Parlons-en donc. C'est sans doute une avancée. Mais si celui-ci n'est que le porte-voix de décisions ministérielles, ça ne change pas grand-chose !
Il me semble même que ce texte empire les choses : en exigeant l'unanimité au sein du conseil, elle donne de fait un pouvoir de veto aux alliés traditionnels (UK) ou conjoncturels (pour l'instant, il faut bien le reconnaître : l'Est*) des Etats-Unis
*Cela n'a évidemment rien de personnel. Comme beaucoup, j'ai du mal à comprendre l'atlantisme du gouvernement polonais - entre autres, mais je prends un malin plaisir à ne parler que de lui, selon le "principe du plombier"

Précisions : je me refuse pour ma part à entrer dans une critique systématique des Américains. Contrairement à Au Chaos, j'affirme que les EU n'ont pas eu tort d'intervenir en Yougoslavie - ils ont fait ce que nous n'avions pas su faire. Du reste, même s'il est de fait passé par-dessus nos têtes, Clinton n'a pas méprisé la diplomatie européenne dans ce cas. Moins encore au Kososvo.
Ce n'est ni au peuple américain qu'il faut s'attaquer, ni même au gouvernement américain en tant que telle. C'est à certaines tendances, conjoncturelles, de la diplomatie américaine.
Je réponds une fois pour toute à ce genre d'arguments : il y a certainement des gens qui votent pour le candidat machin parce qu'il a une bonne tête ou qu'il est originaire du même bled, ou parce qu'ils l'ont lu dans les astres.Une collègue m'a dit pourquoi elle votera "non", c'était tout lié aux c*nneries du gouvernement actuel.
Est-ce que cela doit m'interdire de voter pour Machin si j'estime qu'il est le plus capable de remplir son mandat ?
Je ne suis pas responsable de la bêtise des autres.
Même remarque : je ne sais pas ce que signifie "très français". Je n'ai pas l'honneur de connaître tous les Français.Beaumont wrote: C'est un peu l'impression que j'ai aussi, que beaucoup de gens vont voter NON simplement en réaction contre le gouvernement, ou contre la politique en général, ou en réaction tout court, parce qu'ils sentent que le OUI va dans le sens qu'on attend, alors que le NON a quelque chose de subversif. C'est très français de réagir comme ça !
Si c'est l'argument du "les Français sont des excités" : peut-être. Mais nous étions des excités en 89, et l'on nous aurait dit qu'il n'y avait pas d'alternative à la monarchie absolue. Nous l'étions encore en 93 et l'on nous aurait dit qu'il n'y avait pas d'alternative à la monarchie tout court. Et pour parler un peu des autres Européens : on a dit en 1848 aux Hongrois, Polonais et autres Tchèques qu'ils étaient des excités, et qu'il n'y avait pas d'alternative aux empires.
Un des nombreux points communs de la pensée anti-révolutionnaire du XIXe siècle (Joseph de Maistre) et le pseudo-marxisme des pays communistes, c'était de parler du "sens de l'histoire". Les excités ont parfois fait avancer l'histoire, en sens inverse du sens unique - c'est pas bien ! c'est puni par le code de la route !
Tout dépend de ce que tu appelles l'extrême-gauche. Si le fait d'être en rupture avec l'élite gouvernante des partis socio-démocrates actuels est d'être d'extrême-gauche, tu as raison. Mais c'est un problème qui n'a rien de strictement français : si j'étais allemand, je ne voterais plus pour Schröder. Dira-t-on pour autant qu'un Oskar Lafontaine est d'extrême-gauche ?Je respecte les gens qui voteront NON par conviction réelle, mais je ne pense pas qu'ils soient en majorité dans leur camp. D'ailleurs à la base j'avais cru comprendre que le NON venait surtout de l'extrême gauche et de l'extrême droite, donc s'il est devenu majoritaire (au moins dans les sondages), c'est qu'il y a eu un contre-coup au matraquage du OUI. En tout cas en ce moment c'est plutôt le matraquage du NON, donc bientôt le OUI devrait devenir subversif à son tour...
Et soit dit en passant : quid du Verts, pourtant souvent classés à l'extrême-gauche ? Peut-on vraiment dire que "l'opinion socialiste" soit majoritairement pour le oui, quant un référendum interne donne 45 % au non (minorité mathématique, incontestablement. Mais pas minorité au sens "poignée d'agités" ; c'est pas 9%). J'ai eu plus de surprise dans le sens "gens je pensais ouistes et qui votent non" que l'inverse.
Que la première réaction, épidermique, et parfois peu argumentée je te l'accorde soit venue de l'extrême-gauche "anti-institutionnelle" (trotskoïde), oui.
Mais crois-moi : j'ai fait des meetings du non de gauche. Les salles étaient pleines, et j'y ai vu bien plus que les habituels barbus-LCR et bobos-verts. Y compris des gens qu'on ne voit plus dans les meetings : des ouvriers, des quadras, des étudiants "non-politisés", etc.
Et si les "guest-stars" politiques (LCR-PC-PS de gauche - Verts en rupture etc.) de la tribune ont été applaudis, ils l'ont été beaucoup moins que des "leaders d'opinions" locaux et sans envergure nationale : associatifs, syndicalistes, féministes, élus municipaux pour une fois convaincus, etc.
Autre exemple : en janvier, alors que le non n'était pas encore majoritaire, alors que personne n'avait rien à dire sur ce sujet (croyaient les médias), une chaine (F2 je crois) a fait un sujet "nouillard" sur la constitution au journal de 13h : les livres sont la constitution. Détail que personne n'a sans doute noté : un responsable FNAC disant "c'est curieux, mais les livres d'analyse partent beaucoup mieux que les livres des hommes politiques !".
Tout cela ne serait pas s'il ne s'agissait que d'un vote de protestation.
