Traduction latin-français de la chanson "O Fortuna"

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xaviergym
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Traduction latin-français de la chanson "O Fortuna"

Post by xaviergym »

Salut, je me demandais si un(e) latiniste pouvait me traduire la chanson "O Fortuna" du latin au français.

Merci beaucoup!
___________________

O Fortuna
Carmina Burana
1230


O Fortuna,
velut luna
statu variabilis,
semper crescis
aut descrescis;
vita detestabilis
nunc obdurat
et tunc curat
ludo mentis aciem,
egestatem,
potestatem
dissolvit ut glaciem

Sors inmanis
et inanis,
rota tu volubilis,
status malus,
vana salus
semper dissolubilis,
obrumbratam
et velatam
mihi quoque niteris,
nunc per ludum
dorsum nudum
fero tui sceleris.

Sors salutis
et virtutis
mihi nunc contraria,
est affectus
et defectus
semper in angaria;
hac in hora
sine mora
cordis pulsum tangite,
quod per sortem
sternit fortem
mecum omnes plangite
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kokoyaya
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Post by kokoyaya »

Ce n'est pas du latin :)
Je n'ai pas le temps de retrouver le sujet mais on en parle quelque part.
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arkayn
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Post by arkayn »

Tu confonds avec Era, je pense, Koko. Ça, c'est bien du latin. Une partie de la trad, trouvée sur le net :

O fortuna Ô Fortune
Velut luna Comme la lune
Statu variabilis Tu es variable
Semper crescis Toujours croissante
Aut decrescis, Et décroissante
...

Sors salutis Sors Salutaire
et virtutis et valeureux
mihi nunc contraria, en cet instant contraire
est affectus est affecté
et defectus et défait
semper in angaria; toujours par l'esclavage
hac in hora en cet instant
sine mora sans retard
cordis pulsum tangite, touche la corde vibrante
quod per sortem alors si le sort
sternit fortem détruit ceux qui sont fort
mecum omnes plangite pleurez tous avec moi
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arkayn
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Post by arkayn »

Tiens, d'ailleurs, une info intéressante :
La coccinelle wrote:Les Carmina Burana sont un recueil de poèmes, de chansons et de courtes pieces de théatre, découvert à Benediktbeuern, une abbaye bénédictine à 100 km au sud de Munich, en 1803. Ce manuscrit du 13° siècle d'origine allemande comprenait environ 250 éléments.

Quand Johann Andreas Schmeller a publié ce recueil en 1847, il lui donna le titre de "Carmina Burana". Cela signifie "Chants de Beuren" (une ville Allemande près de Stuttgart), bien qu'on ait découvert par la suite que le manuscrit ne venait pas de là, mais trouverait son origine à Seckau en Autriche.

Bien que le manuscrit date du 13° siecle, une grande partie en a été écrite au 12° siecle. C'etait une periode de paix et de prospérité en comparaison avec les années de guerres qui l'ont précédées. La majeure partie des Carmina Burana est écrite en latin, qui était la langue littéraire de référence à l'époque. Il y a cependant de nombreuses parties rédigées en haut germanique moyen, ce qui montre l'influence florissante des langues vulgaires sur la littérature de cette periode.

Certains des textes étaient accompagnés de la musique pour lesquels ils ont été écrits. De nombreuses oeuvres musicales ont été produites à partir de Carmina Burana, la plus celebre étant celle de Carl Orff, qui toutefois n'a pas toujours respecté la musique donnée dans le manuscrit. Cette oeuvre, jouée pour la première fois en 1937, a été utilisée à de nombreuses occasions pour des pub TV et des films.
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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

C'est du latin, en effet, pas le temps tout de suite.
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Eveline
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Post by Eveline »

Salut Xaviergym! :hello:
J'ai les paroles dans le livret du disque, et elles sont traduites en français. Je peux les recopier ici si tu veux.

Mais dans quelques heures seulement! Je viens malheureusement de passer tout droit, alors ça va un peu vite ce matin.
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xaviergym
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Post by xaviergym »

Ah merci!

Oui oui Eveline, je les prendrais bien tes trads! :D Siouplait!
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Eveline
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Post by Eveline »

Allô! ;)

D'abord, je corrige une partie du texte original en latin dans les deux dernières strophes :

Sors immanis
et inanis,
rota tu volubilis,
status malus,
vana salus
semper dissolubilis,
obumbrata
et velata
michi quoque niteris,
nunc per ludum
dorsum nudum
fero tui sceleris.

Sors salutis
et virtutis
michi nunc contraria,
est affectus
et defectus
semper in angaria;
hac in hora
sine mora
cordum pulsum tangite,
quod per sortem
sternit fortem
mecum omnes plangite!

À propos de mihi et michi : il doit y avoir deux versions. J'ai déjà chanté les carmina burana, et on nous avait dit que le mihi était une erreur et qu'il fallait remplacer par michi. J'ai oublié en quoi c'était une erreur. Sur mon disque, ils chantent aussi michi (le k s'entend bien). J'ai aussi cherché sur Internet, et il n'y a que très peu d'occurences de mihi quoque niteris.

Pour cordis/cordum pulsum tangite, j'ai trouvé autant d'occurences pour les deux! Mais tant qu'à choisir, je prendrais cordum. Cordis, ça doit être du nominatif (même si je n'y connais pas grand chose), donc le sujet, et ça n'aurait pas de sens.

Français :

Ô Fortune!
Comme la lune
Changeante,
Toujours tu croîs
Et décroîs;
La détestable vie
Tantôt assombrit
Tantôt éclaire
L’esprit, par jeu;
Indigence,
Opulence,
Elle les fait fondre comme glace.

Sort monstrueux
Et vide
Toi, roue tournoyante,
Ta nature est perverse
Vain est le bonheur
Toujours dissoluble;
Dans l’ombre
Et voilée,
Tu m’éclaires, moi aussi;
Maintenant, par jeu,
J’apporte mon dos nu
A ta scélératesse.

Sort sain
Et fort
Qui m’est aujourd’hui contraire,
Il est fait
Et défait
Toujours dans l’esclavage.
A cette heure
Sans tarder
Frappe la corde vibrante;
Puisque le sort
Abat le fort,
Pleurez tous avec moi!

Pour obumbrata, il y a dans le livret de mon disque « ombrée » comme traduction, mais j'ai trouvé une autre version, où on a traduit par « dans l'ombre ».
Aussi : C'était écrit « Elle les fond comme glace » pour dissolvit ut glaciem, mais franchement, ça fait bizarre. Je me permets donc de mettre « Elle les fait fondre comme glace ».

Ok bye! :hello:
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kokoyaya
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Post by kokoyaya »

arkayn wrote:Tu confonds avec Era, je pense, Koko.
Ah ouais, faudrait peut-être que je pense à dormir la nuit moi :-?
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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

Eveline wrote:À propos de mihi et michi : il doit y avoir deux versions. J'ai déjà chanté les carmina burana, et on nous avait dit que le mihi était une erreur et qu'il fallait remplacer par michi. J'ai oublié en quoi c'était une erreur. Sur mon disque, ils chantent aussi michi (le k s'entend bien). J'ai aussi cherché sur Internet, et il n'y a que très peu d'occurences de mihi quoque niteris.
:P Non, il n'y a pas deux versions à proprement parler. "michi" est la forme médiévale de "mihi", datif du pronom de première personne "pour moi" - donc vraisemblablement la version originale. "mihi" étant une correction de (trop) bon latiniste en l'occurence. C'est un peu comme corriger "le roy mangeoit" par "le roi mangeait".
:prof: minute linguistique : "michi" est en fait signalé dès les auteurs de l'époque impériale, sans qu'on sache trop d'où il vienne. Il se prononce bien [miki], du moins à l'origine
Pour cordis/cordum pulsum tangite, j'ai trouvé autant d'occurences pour les deux! Mais tant qu'à choisir, je prendrais cordum. Cordis, ça doit être du nominatif (même si je n'y connais pas grand chose), donc le sujet, et ça n'aurait pas de sens.
:o Argh ! Non, "cordis" ne PEUT PAS être du nominatif, même chez des moines nuls en latin du Moyen-âge !

S'il s'agit de la corde, "chorda, ae" (sans h si on veut), c'est un datif-ablatif. S'il s'agit comme je le pense du coeur, c'est "cor, cordis", donc un génitif singulier, et "cordum" est le génitif pluriel. Donc les deux variantes sont possibles.


Le texte est obscur même en latin. La traduction est potable pour les deux premiers couplets, mais carrément erronée pour le troisième ! Ca sent le type qui a fait du latin jusqu'en quatrième-troisième !

Je reprends le mot à mot, ça sera mieux (en gras, mes corrections sur le texte) :
O Fortuna,
velut luna
statu variabilis,
semper crescis
aut descrescis;
O fortune
comme la lune
variable dans ta forme
toujours tu crois
ou tu décrois

vita detestabilis
nunc obdurat [obscurat ?)
et tunc curat
ludo mentis aciem,
vie détestable
tantôt tu rends insensible [OU tu obscurcis]
et tantôt tu prends soin,
par jeu, de faculté de comprendre...

-> A MON AVIS, on a là une variation sur le thème théologique qu'on retrouvera chez Pascal "l'imagination... maîtresse d'erreur
et de fausseté, et d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours".

"acies" fait partie de ces mots intraduisibles du latin : c'est tout ce qui sert à pénétrer, à entrer dans, etc. A l'armée, c'est la ligne de bataille qui défonce les rangs ennemis. On parle "d'acies oculorum", c'est la "pénétrance" des yeux. Ici c'est la "pénétrance" de l'esprit, le fait que l'esprit soit capable de comprendre.

Notre vite terrestre, "détestable" dans une perspective chrétienne, nous rend tantôt intelligents (elle "curat", prend soin de, donne des forces à) notre esprit, et tantôt l'obscurcit et/ou le rend insensible (les deux versions sont donc acceptables).

egestatem,
potestatem
dissolvit ut glaciem
pauvreté
pouvoir
tu les fais fondre comme la glace
Sors inmanis
et inanis,
rota tu volubilis,
status malus,
vana salus
semper dissolubilis,
Sors immense
et vide
et toi, roue tournoyante (OU bavarde)
état mauvais
vain salut
toujours destructible


-> il n'y a aucun verbe. On peut comprendre "status malus" par "ta nature est perverse", mais on interprète. Il peut être sur le même plan que "rota volubilis".

obumbratam
et velatam
mihi quoque niteris,
<moi qui suis> recouverte d'ombre
et couverte d'un voile
éclaire-moi moi aussi.

nunc per ludum
dorsum nudum
fero tui sceleris.
A présent par mépris (?)
<mon> dos exempt de crime
je te l'offre

-> "j'offre mon dos nom à ta scélératesse", ce serait "sceleri" (datif "à ton crime"). Je veux bien corriger ainsi, mais on tombe dans le satanisme là !!! :evil:
N'oubliez pas que c'est chanté par des bénédictines ! C'est le récit métaphorique d'une prise de voile :
- "obumbratam et velatam" est au sens propre l'ombre du couvent et le voile de la religieuse qu'elle vient de prendre, et métaphorique, c'est l'absence de "lumière céleste" (la grâce) dans laquelle vit l'être humain sur cette terre.
- elle offre son dos (c'est à dire son corps) "nudus", non pas "à poil" ('ttention les fantasmes :D ), mais dépourvu d'habits riches (quand St Martin a donné son manteau au pauvre, il s'est retrouvé "nudus" dit le texte. Ca en veut pas dire qu'il avait les vous-savez-quoi à l'air !), et au niveau métaphorique, dépourvu de tout péché (elle est vierge quoi).
- Quant à "ludus", je tique un peu sur le sens, mais il est évident que ça ne veut pas dire "jeu". "ludare" quelqu'un étant "se moquer de", je me demande si le mot ne dérive pas vers le sens de mépris.

Sors salutis
et virtutis
mihi nunc contraria,
Destin du salut
et de la vertu
qui m'est à présent contraire

-> Et non pas "sort salutaire", "salutis" est un génitif (salutaire c'est salutaris, même au Moyen-Âge). On est toujours dans des paroles chrétiennes : il s'agit du devenir de son salut et de sa vertu (les deux vont ensemble).
est affectus
et defectus
semper in angaria;
tu as été affligé
et défait
,
tu as toujours été dans l'esclavage

-> On trouve parfois la faute au moyen-âge, mais à mon avis pas ici : "est affectus" est parfait passif, et non un présent passif ("amatus sum = j'ai été aimé" en latin classique, faute traditionnellle des élèves de seconde).
Dans sa vie passée, sa vertu (et donc l'espoir de salut) ont été mise à mal et elle a même subi un échec. Mais elle va entrer en religion, ce qui va laver tout ça.
hac in hora
sine mora
cordis pulsum tangite,
A cette heure
sans retard
sentez le battement de mon coeur

-> OU : cordum : de nos coeurs. Plutôt que "chordam" ou "chordis" qui serait compliqué. "tangite" (touchez) est un peu bizarre, mais il faut se souvenir de l'image chrétienne du sacré-coeur, qui est "touché" par Dieu, etc.
quod per sortem
sternit fortem
mecum omnes plangite
puisque par son pouvoir (?)
il abat le fort
pleurez toutes avec moi

-> fortis signifie plutôt courageux, mais OK. Je ne comprends pas très bien "per sortem". Le sujet de "sternit" doit être, logiquement, Dieu... A moins que "quod" soit un relatif pour "cordis" (mon coeur qui .. abat le fort). Mais je penche pour la première solution, car je pense qu'il y a un écho au magnificiat : "et deposuit potentes" (il a déposé les puissants).
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Eveline
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Post by Eveline »

C'est fabuleux, Sisyphe, tout ce qu'on peut apprendre avec toi!
Sisyphe wrote: :o Argh ! Non, "cordis" ne PEUT PAS être du nominatif, même chez des moines nuls en latin du Moyen-âge !
Et là, je me donne trois coups de fouet.
...Hum, pas de fouet dans les petits émoticônes. Tant pis, je vais me faire une tisane plutôt. :cup:
Ben oui, je le sais, il y a aussi le petit bonhomme qui se cogne la tête sur le mur. :gniii: Voilà! :lol: Ah, ça va mieux.

Bref, je suis bien contente d'apprendre tout ça parce que j'aime les carmina burana. Je suis également estomaquée (et contente?) d'apprendre que la trad était mal faite parce que j'avais confiance dans mon livret, qui vient quand même de la Deutsche Grammophon! Je pensais qu'ils se seraient payé un bon traducteur.
N'oubliez pas que c'est chanté par des bénédictines ! C'est le récit métaphorique d'une prise de voile
Très intéressant! En fait, quand on a eu à chanter ça, le cycle nous était toujours présenté sous ses aspects rigolos ou grivois, mais pas tellement sous l'aspect religieux.
Les titres d'autres chansons du cycle :
- Veris leta facies (qui finit par chorus promit virginum iam gaudia millena... le choeur des jeunes filles annonce mille délices)
- Chramer, gip die varwe mir (en mittelhochdeutsch) (marchand, donne-moi du fard, pour rougir mes joues, afin que les jeunes hommes ne puissent me résister)
- In taberna quando sumus (quand nous sommes à la taverne)

Et ça y est, je les ai toutes dans la tête!
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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

Bref, je suis bien contente d'apprendre tout ça parce que j'aime les carmina burana. Je suis également estomaquée (et contente?) d'apprendre que la trad était mal faite parce que j'avais confiance dans mon livret, qui vient quand même de la Deutsche Grammophon! Je pensais qu'ils se seraient payé un bon traducteur.
:-o sp !

Ah oui alors là, c'est sidérant ! Pourtant l'Allemagne, c'est bourré de gens qui parlent latins courremment, ils auraient pu faire un effort. Et pis quand même, la Deutsche Grammophon, c'est l'élite en principe...
Très intéressant! En fait, quand on a eu à chanter ça, le cycle nous était toujours présenté sous ses aspects rigolos ou grivois, mais pas tellement sous l'aspect très très séculaire. quote]

séculaire ? religieux, plutôt, parce que justement séculierc'est le contraire : ce qui est séculier, c'est ce qui est dans le siècle, c'est à dire dans la vie normale d'ici bas. Le clergé séculier, ce sont les curés et les évèques, qui vivent au grand jour presque comme tout le monde, par opposition au clergé régulier, qui vit selon une "règle".
Quant à "séculaire", rarissime, il veut dire "qui revient une fois par siècle" : il y a des crues séculaires, comme il y des crues annuelles ou décénales


Si j'en crois Wikipedia :
«Les Carmina Burana» ou «les poèmes du peuple» est un manuscrit trouvé en 1300 dans l'abbaye de Benediktbeuern. Partiellement noté en neumes. Écrit vers 1230, en allemand et en latin par les goliards, des ecclésiastiques et des moines défroqués, il comporte des chansons d'amour, des chansons à boire et à danser ainsi que des pièces religieuses.
Qui ajoute :

Les mille différentes pièces sont séparées en :

Carmina ecclesiastica ;
Carmina moralia et satirica ;
Carmina amatoria ;
Carmina potoria ;
Ludi ;
Supplementum.
Gn'est à dire dans l'ordre :
poèmes ecclésiastiques
poèmes moraux et satiriques
poèmes d'amour
poèmes à boire
jeux
supplément

En clair, il y a de tout : du trait saint comme ce que je viens de traduire (assez joli, d'ailleurs, et complexe), ou les grivoiseries que tu as chantées... Un des paradoxes énormes du Moyen-Âge
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pak
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Post by pak »

C'est pour ce genre de choses (notamment^^) que je suis accroc à Freelang!!

Merci pour tout ceci... :hello:
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Eveline
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Post by Eveline »

:D Et l'enquête se poursuit...
pour le bonheur de Pak, sans aucun doute! :)

Bon, Sisyphe, si tout ce que tu dis est vrai, alors ces erreurs dans la trad sont scandaleuses! :-o
Entre autres, pour le sort sain/sort salutaire/destin du salut, la question du jeu/mépris, etc., il y a de bonnes différences entre ta traduction et celle que j'ai avec mon disque. Un chef d'orchestre qui pense monter ce cycle serait sans doute très intéressé par ce que tu as relevé.
Sisyphe wrote:
nunc per ludum
dorsum nudum
fero tui sceleris.

A présent par mépris (?)
<mon> dos exempt de crime
je te l'offre
Je rappelle la traduction du livret, qui dit :
Maintenant, par jeu, j'apporte mon dos nu à ta scélératesse.
Alors, les deux traductions sont complètement différentes!
Est-ce que pour le ludum, on pourrait parler de défiance? Ce serait une sorte de « jeu de mépris »!

Est-ce que tu es absolument certain que cette partie est le récit métaphorique de la prise de voile? D'ailleurs, voulais-tu parler de quelques lignes seulement ou bien de tout le texte du O Fortuna?
Je soulève un doute même si je suis portée à te croire, mais il me semble que tout le texte ne colle pas à une prise de voile.

Dans mon livret, le texte allemand et le texte anglais du O Fortuna disent à peu près la même chose qu'en français, mais il y a des variantes intéressantes. J'ai trouvé ça plus clair en allemand.

Pour cordum pulsum tangite, il est aussi question de corde dans les versions anglaise et allemande.

L'affaire du dos nu est pas mal différente en allemand, et différente de ta nouvelle traduction aussi.

Pour sors salutis et virtutis michi nunc contraria :
Français : Sort sain et fort qui m'est aujourd'hui contraire
Allemand : Das Los des Heiles und der Tugend jetzt gegen mich gewandt (le sort de ce qui est sain - sain et sauf - et de la vertu à présent retourné contre moi)
Anglais : Fate is against me in health in virtue (le sort est contre moi dans la santé - dans ce qui est sain? - et dans la vertu) (là, je ne suis pas sûre de bien comprendre le texte anglais)
Français corrigé par Sisyphe : Destin du salut et de la vertu qui m'est à présent contraire

Si ça éveille ta curiosité, je peux recopier ici les traductions allemande et anglaise de mon livret pour comparer (il me semble avoir lu quelque part que tu comprends les deux?). À la fin de la trad allemande, on donne le nom du traducteur, suivi de The Decca Record Company Ltd., London. (DG est une propriété de Decca? C'est mélangeant, je ne suis pas renseignée sur qui possède qui depuis quand, mais c'est un autre sujet.)
Et à la suite des traductions française et anglaise, on n'a pas de nom de traducteur, juste Decca Record Company.
Eveline wrote: [...]le cycle nous était toujours présenté sous ses aspects rigolos ou grivois, mais pas tellement sous l'aspect très très séculaire.
Sisyphe wrote:
séculaire ? religieux, plutôt, parce que justement séculierc'est le contraire : ce qui est séculier, c'est ce qui est dans le siècle, c'est à dire dans la vie normale d'ici bas. Le clergé séculier, ce sont les curés et les évèques, qui vivent au grand jour presque comme tout le monde, par opposition au clergé régulier, qui vit selon une "règle".
:lol: Tu as été trop rapide pour mes manoeuvres de modification!! Car voici ce qui s'est produit en l'espace de 28 secondes :
1. Au départ, mon message disait plutôt « aspects rigolos ou grivois [par opposition à] très religieux ».
2. J'ai voulu remplacer « grivois » par « séculaire » (ne sachant pas que j'aurais dû dire séculier!).
3. Par erreur, j'ai mis « séculaire » à la place de « religieux ».
4. J'ai retourné mon message avec « aspects rigolos ou grivois [par opposition à] très séculaire », ce qui n'avait pas de sens.
5. C'est là que tu as lu mon message.
6. J'ai réalisé que j'avais fait une erreur parce que mon « séculaire » n'était pas à l'endroit où je le voulais.
7. J'ai donc rétabli « aspects rigolos ou grivois [opposé à] très religieux. » Tant pis pour le séculaire au lieu de grivois, je n'avais plus le temps, fallait que je parte à ma répétition de choeur, justement...

:sun: Tu remarqueras que j'ai réussi à faire cette double manoeuvre de modifications dans mon message tellement vite que j'ai pu éviter la note disant que mon message avait été modifié. Héhé! C'est mon sport favori, et je commence à avoir de la pratique.

En tout cas, merci pour la définition de séculier/séculaire! Je vais la mémoriser.
En clair, il y a de tout : du trait saint comme ce que je viens de traduire (assez joli, d'ailleurs, et complexe), ou les grivoiseries que tu as chantées... Un des paradoxes énormes du Moyen-Âge
Ce qui me laisse perplexe, c'est que la sélection de chansons et de poèmes faite par Carl Orff est désignée sous le titre Carmina burana, Chants profanes (pour solistes et choeur, etc.). Donc, la chanson O Fortuna serait elle aussi profane, si on en juge par le titre. Le sous-titre de cette section est Fortuna imperatrix mundi, traduit par Fortune impératrice du monde.

Finalement, je ne sais plus quoi penser par rapport à la prise de voile et aux bénédictines qui chantent ce texte. Il y a ce que tu as dit qui était pas mal convaincant, et certains indices en même temps qui ont l'air de nous amener vers autre chose.

Bon, et avec des sujets fascinants comme celui-là, on finit par se coucher tard, encore! C'est toujours pareil.

Bonne nuit, bonne journée!
:drink:
Olivier
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Post by Olivier »

Sisyphe wrote:-> "j'offre mon dos nom à ta scélératesse", ce serait "sceleri" (datif "à ton crime"). Je veux bien corriger ainsi, mais on tombe dans le satanisme là !!! :evil:
peut-être pas si c'est "par jeu": on se moque des méchancetés du destin et on lui apporte son dos à frapper "nu", sans protection
Sisyphe wrote:Le sujet de "sternit" doit être, logiquement, Dieu...
ou alors la fortune/le sort (per sortem serait juste un rappel)
-- Olivier
Se nem kicsi, se nem nagy: Ni trop petit(e), ni trop grand(e):
Éppen hozzám való vagy! Tu es juste fait(e) pour moi!
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