Beaumont wrote: Pour ma part j'ai quand même l'impression que la candidature Ségolène est une opération marketing fabriquée de toutes pièces, ça repose sur du vent et ça sonne un peu creux.
Elie wrote: Chirac est le plus éclatant des produits markéting de la cinquième république. Et ça a marché. Aucune garantie que Royal y arrivera, mais c'est déjà arrivé.
Je nuancerais un peu : qu'elle soit une créature médiatique est incontestable. Mais à l'origine, et contrairement à Chirac, ce n'est pas elle qui s'est construite : les médias et l'opinion l'ont "rêvée" avant même qu'elle n'existe réellement. C'est ce qu'il y a de plus étonnant dans cette histoire : Chirac s'est construit sur trente ans, il a occupé le devant de la scène (deux fois premier ministre, et déjà plusieurs fois ministre avant cela) ; alors qu'elle, elle est sortie du néant : tout d'un coup, elle a commencé à être la chouchoute alors qu'elle était pour ainsi dire inconnue (elle n'a jamais dépassé le grade de ministre-déléguée !). Elle s'est plu dans ce rôle, mais je ne crois pas qu'elle l'ait vraiment provoqué au départ...
... C'est peut-être ce qu'il y a de plus agaçant dans toute l'affaire : Ségolène Royale est un pur fantasme et un pur fantôme. Les sympathisants socialistes et même au-delà ont projeté sur elle tout leurs désirs et surtout leurs frustrations. Elle a pris le train en marche.
Les sondages l'ont donnée gagnante dès le début, ce qui n'est évidemment pas sans influence (qui va aller voter pour un candidat désigné perdant d'avance ?)
"Voter, c'est choisir entre deux déceptions". On attribue cette citation à beaucoup de monde mais en tout cas elle est vraie.
Il y a le vote de conviction, il y a vote de stratégie, il y a le vote d'influence (en général un jeu de con mais nous y tombons tous un jour ou l'autre : "je soutiens Buffet mais je vais voter Chevènement pour adresser un message à Taubira en espérant que Jospin soit élu"), et il y a le vote de protestation. Et tout cela peut se méler dans un isoloir. Les électeurs du PS (que je ne suis pas) sont comme les autres, on ne saurait leur reprocher...
... Cela étant, tous ceux qui l'ont vue en meeting (ce n'est pas mon cas, ça aurait pu, mais j'ai perdu mes compagnons de gauchisterie sur Lyon et j'aime pas aller tout seul aux meeting) assure qu'elle est quand même une bête de scène. Il y a quand même une part de vote de conviction : je suis d'ailleurs le premier à le déplorer.
mais à la lecture de nombreux forums j'ai eu l'impression que les gens ne l'aimaient pas et que beaucoup lui préféraient DSK, et même Fabius (c'est dire).
Peut-être aussi ceux qui votent Ségo fréquentent-ils moins les forums. Ou s'expriment moins facilement (vous savez bien que les gauchistes indécrottables démarrent au quart de tour

). Ou ne savent peut-être pas très bien pourquoi ils l'aiment.
Il faut aussi se souvenir qu'une bonne partie des encartés du PS sont des élus. Pas des gros élus, non : simplement des petits conseillers municipaux ou cantonnaux (36.000 communes en France, le conseil municipal ayant minimum quatre élus et un maire - même si beaucoup de conseils municipaux ruraux sont sans étiquette). Ou des gens qui gravitent autours (familles, amis, soutien, etc.). On peut voir la chose d'une façon cynique : comme le dit Beaumont, ils ont voté pour le cheval qu'ils savaient gagnant. Ou d'une façon plus noble : ils lui sont reconnaissants de l'incontestable dynamique qu'elle a su créer dans le parti... Et autour ! On ne s'est jamais tant intéressé au PS (vous en aviez discuté souvent sur LokaNova !?), et on parle d'une
élection interne à u parti français dans la presse internationale.
J'ai toujours dit que je voyais mieux Anne Sinclair en première dame de France plutôt que François Hollande, donc je ne suis pas impartial non plus ! Ceci dit je ne suis pas de gauche (ni spécialement de droite non plus) et je ne compte pas voter (pas en France depuis plusieurs années et aucun projet de retour), donc je regarderai ça de loin.

J'aime bien François Hollande, bien qu'il ait été ouiste (mais de qualité). Bon, vous me direz qu'il n'a pas plus d'opinions que sa compagne, c'est vrai. Il n'a pas eu non plus (contrairement à elle) l'occasion de les manifester : sous prétexte qu'il est un bon gestionnaire de parti (le 21 avril + la constitution + la primaire qui s'est techniquement remarquablement bien passée, alors que sa propre compagne était candidate - c'est le meilleur président de parti depuis au moins Jaurès)...
... Son avenir politique est désormais sacrifié, et il y a consenti, par amour. C'est beau comme la
Princesse de Clève non ? En tout cas, ça lui donne, sans mauvais jeu de mot, une certaine épaisseur. Les journalistes semblent bien plus obsédés que lui-même par la question de ce qu'il fera s'il devient "premier monsieur de France".
Svernoux wrote:Je suis un peu dans le même ordre d'idées que toi parce que je me fiche de savoir si c'est bon pour la gauche ou pas. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si c'est bon pour la France ou bon pour moi !
Pourrait-elle être une bonne présidente ? Je ne sais pas. Sur le plan personnel, ça ne peut materiellement pas être pire que Chirac.
Sur le plan international, il faut reconnaître qu'elle a su, habilement, se faire connaître internationalement à travers cette campagne (j'ai entendu dire que NBC lui a consacré
une minute de reportage ! C'est énorme ! De la part de gens qui ne savent pas placer Lyon sur une carte (cf. les banlieux)

.
Elle joue sur le thème de la "France encroûtée" ("qui tombe, arriérée, mongolienne, âge de pierre, etc.") qui plaît tant à la presse internationale (et au journal
Le Monde). Et son statut de femme élégante et battante fascine, évidemment ; puisqu'il est bien entendu que la France est un pays où les femmes sont séduisantes voire aguicheuses et s'habillent toutes en Christian Dior (ce qui prouve que les femmes des classes inférieures non seulement ont très mauvais goût, mais en plus sont de mauvaises françaises, puisqu'elles refusent de s'habiller chez Dior !). A-t-elle pour autant la moindre crédibilité en matière diplomatique et macro-économique ? Euh...
Sur le plan intérieur, vous savez ce que je pense de ses rares idées...
Quant au moindre mal, je ne suis pas d'accord avec cette idée. Enfin, je trouverais désolant qu'on ait des dirigeants médiocres juste pour éviter des dirigeants encore pires. Ce qu'il faut viser, ce sont de bons dirigeants, compétents !

Comme je disais dans le fil sur les profs et les 35 heures : si le monde était beau...
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)