Linguistique Générale

Bienvenue sur le forum Freelang.com !

Moderators: kokoyaya, Beaumont, Sisyphe

Post Reply
User avatar
damiro
Membre / Member
Posts: 1442
Joined: 10 Aug 2004 23:50
Location: Liège/Belgium

Linguistique Générale

Post by damiro »

Bonsoir tout le monde,

J'ouvre ici un topic concernant la linguistique générale qui ne cesse de m'intéresser mais me pose aussi quelques difficultés.

Voici ma première question:

Le professeur nous a demandé de caractériser des classes naturelles à l'aide du tableau ci-dessous. Pour l'examen, il faut être capable de donner les caractéristiques d'un groupe de lettre ou d'une classe naturelle à une caractéristique sans avoir de copie du tableau. Mais comment l'étudier intelligement (ne pas bêtement redesiner et savoir revérifier le tableau sur base de logique ex: les nasales sont m, n, "ng" => seules elles seront "+ nas").

Merci pour votre aide, bonne soirée. :hello:

Image
Η γνώση σας δίνει πίσω την ελευθερία
User avatar
Sisyphe
Freelang co-moderator
Posts: 10955
Joined: 08 Jan 2004 19:14
Location: Au premier paquet de copies à gauche après le gros dico

Post by Sisyphe »

Si tu veux mon avis, ce tableau est mal fichu et inutilement compliqué. C'est un classement "ouvert" de caractéristiques complémentaires (comme on en fait en sémantique par exemple), alors que les 9/10 des caractéristiques mentionnées s'excluent mutuellement (on ne peut pas être en même temps approximante et nasale) ou s'incluent mutuellement (toute nasale est forcément sonore).

Grosso modo, on peut décrire tous les sons d'une langue (savoir si les deux phonèmes les plus à droite, ie "tch" et "dj" sont un ou deux sons mériterait débat) avec trois critères : point d'articulation, mode d'articulation, voisement. C'est le tableau "classique" des sons, tel qu'on le trouve partout (par exemple dans le Dictionnaire de linguistique de Dubois et alii chez Larousse que je te conseille d'acheter - ou sur wikipédia). C'est à mon avis, avant toute chose, celui-là qu'il faut connaître, si vraiment on veut étudier la phonétique pour elle-même (parce que les implosives uvulaires sonores des dialectes mongoles, moi, hein, je m'en tape)

Ensuite, le plus simple est encore de bien comprendre ce que signifie chacun des noms (ton prof aurait pu trouver un tableau en français, ou du moins sans abréviation, quand même...) et ensuite de tout simplement réfléchir : quand je dis [n], est-ce que je voise ou pas ? Quand je dis [d], où se forme le son ? Sur les lèvres, les dents, le palatum ou le vélum ? (accessoirement : bien connaître la morphologie des organes phonateurs. :) C'est très rigolo ensuite de pouvoir discuter d'égal à égal, sur ce seul thème au moins, avec les étudiants de médecine : "j'ai mal au sinus piriforme !"). D'autant qu'aucun des sons ici présents n'est exotique.

Ensuite, on peut quasiment refaire le tableau tout seul sans l'avoir appris.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
User avatar
Utnapishtim
Membre / Member
Posts: 81
Joined: 15 Nov 2006 20:19
Location: Toulouse, France

Post by Utnapishtim »

Bonjour,

Pour ajouter ma voix à celle de Sisyphe, il me semble en effet qu'il faut être capable de retrouver ce genre de tableau à partir des point et mode d'articulation.

De plus, il me semble tout aussi important (au moins en phonologie historique) d'être capable de faire la recherche inverse, c'est à dire de retrouver l'ensemble des phonèmes de la langue étudiée correspondant à des traits donnés. Si on étudie par exemple la loi phonétique suivante (Thurneysen) :

Code: Select all

┌  C      ┐
│ +cont.  │ --> [+voiced] / ┌  V        ┐ ┌  C      ┐ ┌  C        ┐  ┌  V        ┐ ____
└ -voiced ┘                 └ +stressed ┘ └ -voiced ┘ └ +sonorant ┘0 └ -stressed ┘
il est préférable de savoir quelles sont les consonnes continuantes sourdes et sonores plutôt que d'avoir à les chercher à chaque fois dans un tableau...
User avatar
damiro
Membre / Member
Posts: 1442
Joined: 10 Aug 2004 23:50
Location: Liège/Belgium

Post by damiro »

Merci beaucoup pour vos réponses! :)

Mais concernant la réponse de Utnapishtim, je n'y comprend pas grand chose, puisque la seule formule que nous ayons vue est:

[p; t; k] [0 aspiré] ----> [- aspiré] / s________

Je vais en effet étudier le tableau de manière à le refaire avec réflection plutôt que le recopier.

Mais que sont donc strid, lat et ant?
ohh j'oubliais: les consonnes ne sont pas dans l'ordre alphabétique. Comment retenir leur ordre. J'ai constaté que v et f sont l'un à côté de l'autre de même que k et g. Et je sais qu'en néerlandais, ik ben se prononce [ig ben].

Autre petite question importante, quelle est la différence entre la notation [ ] et / / [ ] = phonétique et / / = phonème donc [ig ben] = /ik ben/
ou en allemand, [ra:t] = /ra:d/ ??

:hello:
Η γνώση σας δίνει πίσω την ελευθερία
aymeric
Membre / Member
Posts: 1146
Joined: 03 Dec 2006 21:07

Post by aymeric »

C'est quoi toutes ces incantations ? C'est de la phonétique ? :-o Branche de la linguistique ?
User avatar
Sisyphe
Freelang co-moderator
Posts: 10955
Joined: 08 Jan 2004 19:14
Location: Au premier paquet de copies à gauche après le gros dico

Post by Sisyphe »

Claudine wrote: l'IUFM (pour une fois que je les cite en bien!!!)...
:) Mais si, mais si, ça arrive ! et même régulièrement !

Comme la floraison de l'agave (tous les sept ans) ou les transits planétaires (un peu plus de deux cents ans...)



*

Utnapishtim wrote:Si on étudie par exemple la loi phonétique suivante (Thurneysen) :
:sun: Je sens qu'on va être potes...
Damiro wrote:Mais que sont donc strid, lat et ant?
Strid, ça doit être "stridente" (une consonne stridente... est caractérisée par lap résence dans son spectre acoustique d'un bruit d'intensité particulièrement élevé et par une répartition particulière de l'intensité" [Dubois]). Par opposition à "mate", syn. de "consonne à bord rugeux"). :sun: Bref, ce sont les consonnes qui font du bruit - cf. "cht !" et "psst !" en français.

lat, je suppose que c'est "latéral" ; en gros : c'est uniquement le [l] ! Quand je dis que ce tableau est idiot.

ant, ça doit être antérieur. Ca veut dire que la langue s'avance du côté des dents (on le dit d'ailleurs plus souvent des voyelles).
Damiro wrote: Autre petite question importante, quelle est la différence entre la notation [ ] et / / [ ] = phonétique et / / = phonème donc [ig ben] = /ik ben/
ou en allemand, [ra:t] = /ra:d/ ??
:D Ah ça, c'est la différence entre phonétique est phonologie ! C'est à la linguistique ce que le credo est à la foi chrétienne... Aymeric parlait d'incantations....

Les [crochets] notent une transcription phonétique, c'est-à-dire qu'ils notent les sons, de la façon la plus précise possible.

Les /barres/ notent une transcription phonologique, c'est-à-dire qu'elles notent les phonèmes, en tant qu'ils s'opposent entre eux, qu'ils constituent une unité identifiée par les locuteurs de la langue donnée.

Exemples :

Suivant qu'on soit francophone de Paris, de Bourgogne rurale*, de certains coins de France ou des Antilles, le son noté par la lettre "r" n'est pas le même : respectivement "/R/ uvulaire fricatif" (noté en API par un "R majuscule à l'envers avec le pédoncule à droite"), "/R/ roulé" (noté [r] en bon API), "r uvulaire roulé" (dit grassayé, noté [R], ou "/R/ latéral alvéolaire" (noté "r minuscule à l'envers avec le pédoncule à gauche" en API).

Mais pour un locuteur ou un auditeur, ça reste toutefois le même phonème ; car dans la langue française, je ne peux pas trouver un seul mot où la différence entre un [R] ou un [r] ou un ['R à l'envers'] induise une différence de sens.

*Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, l'existe du "r roulé bourguignon" est à mon avis de moins en moins réelle et vire de plus en plus au mythe de linguistes. Mais bon, on m'a assuré sur ce forum même qu'il y avait encore des Bourguignons qui roulaient les /R/, donc...

Donc, phonétiquement, ils y a des francophones qui disent [roz], d'autres [Roz] etc. Mais ce n'est qu'une variante du même mot "rose", que j'écrirai donc, phonologiquement parlant /roz/.

Deuxième exemple, dans lequel je vais par commodité utilisé le signe [§] pour transcrire le son "ch" faute de pouvoir écrire en API ici.

En français, il y a des mots où on a le son [§] tout seul (chapeau), et d'autres, certes d'origine étrangère mais bien implantés, où l'on a la combinaison [t§] (patch). On peut d'ailleurs les opposer : [ma§] et [mat§] sont bien deux mots différents : mâche (de mâcher, ou alors la salade du même nom) et match. On dira donc que phonologiquement :
- la séquence /t§/ est bien formée de deux phonèmes différents successifs. Car je peux enlever un des deux sons et obtenir un autre sens : /mat§/ ~ /ma§/ ; je peux aussi remplacer un des deux sons par un autre : /mat§/ ~ /maR§/ ("marche").
- Le son [§] constitue bien un phonème en français, noté /§/.

Alors qu'en espagnol, [§] n'existe jamais tout seul ; on a toujours [t§] ("mucho" [mut§o]). Donc [§] existe certes comme son, mais pas comme phonème. Le seul phonème qu'on ait en espagnol, c'est bien /t§/, qu'on peut d'ailleurs représenter, comme dans ton tableau, accolés l'un à l'autre, où, plus scientifiquement, accompagné d'un petit ^ entre les deux lettres.

Dernière exemple, qui répond à ta question : en allemand, la dernière consonne d'un mot est forcément sourde. Un allemand est physiologiquement incapable de prononcer une sonore à la finale ; même s'il croit le faire !

Ainsi, si tu demandes à un allemand de te prononcer le mot "Rad", phonétiquement, il prononcera bel et bien [ra:t], saus aucune différence avec le mot "Rat". Dès lors, il y a deux manières d'expliquer la même réalité linguistique :
- On peut dire que "l'opposition /d/ ~ /t/, valable ailleurs ("fetter" (gras, au Nom. Masc. fort) et "Feder" (plume), par exemple), est neutralisée à la finale en allemand". Et que par conséquent "en position finale, il n'y a qu'un seul phonème dental /D/)".
- Ou bien que "Le phonème /d/ correctement identifié par les locuteurs germanophones se réalise sous la forme du son [t] à la finale". Je pense que c'est le sens de ce que tu as noté : "der Rad" [ra:t] mais /ra:d/ puisque l'Allemand "pense" à un [d] quand il le prononce, et "la preuve c'est qu'ils font la différence à l'écrit"...
... Mais je préfère la première analyse : en linguistique, il vaut mieux partir de ce que les gens disent plutôt que de ce qu'ils croient dire, c'est toujours plus objectif.

:drink:
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
User avatar
kokoyaya
Admin
Posts: 31645
Joined: 10 Oct 2002 14:12
Location: Moissac (82)
Contact:

Post by kokoyaya »

Sisyphe wrote:
Claudine wrote: l'IUFM (pour une fois que je les cite en bien!!!)...
:) Mais si, mais si, ça arrive ! et même régulièrement !
Comme la floraison de l'agave (tous les sept ans) ou les transits planétaires (un peu plus de deux cents ans...)
Le problème, c'est qu'on n'est en formation qu'un an :loljump:
aymeric
Membre / Member
Posts: 1146
Joined: 03 Dec 2006 21:07

Post by aymeric »

*Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, l'existe du "r roulé bourguignon" est à mon avis de moins en moins réelle et vire de plus en plus au mythe de linguistes. Mais bon, on m'a assuré sur ce forum même qu'il y avait encore des Bourguignons qui roulaient les /R/, donc...
Je confirme ! Ma voisine roule les R, et mon plombier aussi. Un jour il nous demandait si on n'avait pas vu les clous, jusqu'à ce qu'il retrouve enfin son écrou.
Suivant qu'on soit francophone de Paris, de Bourgogne rurale*, de certains coins de France ou des Antilles, le son noté par la lettre "r" n'est pas le même : respectivement "/R/ uvulaire fricatif" (noté en API par un "R majuscule à l'envers avec le pédoncule à droite"), "/R/ roulé" (noté [r] en bon API), "r uvulaire roulé" (dit grassayé, noté [R], ou "/R/ latéral alvéolaire" (noté "r minuscule à l'envers avec le pédoncule à gauche" en API).
Intéressant ! Je viens moi-même de Martinique, et je me suis toujours demandé comment les "phonéticiens" décrivaient notre R !
Olivier
Membre / Member
Posts: 3176
Joined: 14 Jun 2002 02:00
Location: Toulouse

Post by Olivier »

Sisyphe wrote:*Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, l'existe du "r roulé bourguignon" est à mon avis de moins en moins réelle et vire de plus en plus au mythe de linguistes. Mais bon, on m'a assuré sur ce forum même qu'il y avait encore des Bourguignons qui roulaient les /R/, donc...
Rien de spécial à la Bourgogne, ici je vois bien que dans des villages à quelques dizaines de km de Toulouse parmi les gens d'un certain âge il y en a beaucoup qui parlent français avec un r roulé (comme en occitan)
-- Olivier
Se nem kicsi, se nem nagy: Ni trop petit(e), ni trop grand(e):
Éppen hozzám való vagy! Tu es juste fait(e) pour moi!
User avatar
damiro
Membre / Member
Posts: 1442
Joined: 10 Aug 2004 23:50
Location: Liège/Belgium

Post by damiro »

Salut tout le monde!

Je tiens encore à vous remercier pour votre aide si précieuse qui m'a permis de réussir cet examen!

J'aurais cependant encore quelques petite questions de philosophie linguistique, si je puis ainsi qualifier mon cours.

Il s'agit normalement d'un cours de linguistique, mais il se veut plus ouvert et explore la problématique des outils tels que les dictionnaires, qui sont parfois plus considérés comme des évangiles linguistiques que comme des outils, et ne sont pas souvent critiqués ou remis en question par le commun des mortels, et la plupart des usager de la langue.

Quelques problématiques me posant problème:

1. la définition proustienne du mot vs Pierce.

Proust dit, dans A la Recherche du Temps Perdu que "Les mots nous présentent des choses une petite image claire et usuelle comme celles que l’on suspend aux murs des écoles pour donner aux enfants l’exemple de ce qu’est un établi, un oiseau, une fourmilière, choses conçues comme pareilles à toutes celles de même sorte.".

J'ai mis en gras les passages problématiques dans le cadre du processus définitoire, tel qu'il est appliqué en lexicographie.

Pour Pierce, il ne s'agit en aucun cas d'une image, mais bien d'un exemple particulier, d'un symbole de la chose en question, qui ne représente en aucun cas un archétype de la chose. De plus, Proust ne considère pas les actions ou les notion complexes telle que la haine ou le plaisir, puisqu'ils sont non-présentables.

Peut-on dire alors qu'une définition se doit être la représentation par la langage d'un paradigme; ou qu'elle doit permettre l'intégration, chez le lecteur d'un paradigme qu'il ne connaitrait pas, par croisement d'autres paradigmes établis de par l'expérience du monde (comme dans le modèle de Kant, ou la reconnaissance du monde se faisait par le croisement de "modèles généraux" [un chien est reconnu comme tel parce qu'il partage un ensemble des caractéristiques correspondant à la notion de chien, et un tas d'autres déterminant sa race particulière parmi les chiens]).

2. Y a-t-il un sens que l'on peut qualifier de "littéral" et correspondant à un mot hors contexte.

Personnellement, l'opinion du professeur arguant que le sens des mots est construit, grâce au contexte et qu'il n'existe de sens que par l'application... ouvrir une boîte et ouvrir une lettre fait référence à une action présentant des similarités, mais répondant cependant à un processus tout à fait différent, qui n'est pas explicité dans le dictionnaire.

3. Quels sont les critères distinctifs de la lexie et de l'expression idiomatique (multi word unit en anglais)?

J'avouerais que dans ce cas, je n'ai aucune argumentation à avancer...

Tout commentaire sera le bienvenu: confirmation, nuances, contradictions, explicitation...

Merci d'avance pour votre aide :hello:
Η γνώση σας δίνει πίσω την ελευθερία
Post Reply