Latin: niciencis pinxit

Bienvenue sur le forum Freelang.com !

Moderators: kokoyaya, Beaumont, Sisyphe

Post Reply
cm
Guest

Latin: niciencis pinxit

Post by cm »

Bonjour,

Je souhaiterais savoir ce que signifie

niciencis pinxit

formule que l'on retrouve sur certains tableaux.

Merci! :)
User avatar
Sisyphe
Freelang co-moderator
Posts: 10953
Joined: 08 Jan 2004 19:14
Location: Au premier paquet de copies à gauche après le gros dico

Re: Latin: niciencis pinxit

Post by Sisyphe »

C'est une formule de signature : "Le Niçois a peint <ce tableau>". Reste à savoir qui est ce Niçois, Internet donne diverses pistes, mais je n'ai pas de compétence.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
Guest
Guest

Re: Latin: niciencis pinxit

Post by Guest »

C'est sur les tableaux de Mossa.

Merci beaucoup pour la rapidité de la réponse, et votre érudition qui m'est très utile.

Bonne soirée! :)
User avatar
Sisyphe
Freelang co-moderator
Posts: 10953
Joined: 08 Jan 2004 19:14
Location: Au premier paquet de copies à gauche après le gros dico

Re: Latin: niciencis pinxit

Post by Sisyphe »

C'est ce que me disait internet, mais pour tout dire, j'ignorais jusqu'à l'existence de Mossa ; je dois l'avouer, je suis nul en arts plastiques, surtout à partir de la modernité.

Au passage, il faudrait d'ailleurs plutôt écrire "niciensis", mais c'est un détail.

Ce genre de formulation était très courante dans la peinture du Moyen Âge au XVIIe siècle : "Machinchose, de la ville de Truc, a peint". Pour la bonne raison que les noms de famille sont inexistants ou encore très mal stabilisés. Ou ignore généralement que "Rembrandt", c'est un prénom ! Quant à l'appellation "Rembrandt Harmenszoon van Rijn", ce n'est pas vraiment encore un nom de famille : Rembrandt, fils d'Harmen, de <la région> du Rhin. Lui-même signait "Rembrandt pinxit", peut-être parce que le prénom n'est pas très courant.

Quant au fait de signer une oeuvre d'art en mettant un verbe ("fecit, pinxit, scripsit") ça remonte à la plus haute Antiquité ! Le premier texte latin de l'histoire est une fibule : manios me fhefheked numasioi (en bon latin : Manius me fecit Numerio) : Manius m'a faite pour Numérius.

En revanche, chez Mossa, c'est de toute évidence une forme de posture : pour revendiquer son identité niçoise, on s'inscrire dans la continuité des peintres du XVIe, allez savoir.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
User avatar
Fuokusu
Membre / Member
Posts: 2608
Joined: 26 Jul 2005 17:55

Re: Latin: niciencis pinxit

Post by Fuokusu »

Sisyphe wrote:Le premier texte latin de l'histoire est une fibule : manios me fhefheked numasioi (en bon latin : Manius me fecit Numerio) : Manius m'a faite pour Numérius.
Je me permets de rebondir sur ce détail.
J'ai lu un magazine (une sorte de hors-série) portant sur l'origine des langues. Un des chapitres porte sur le latin et contient justement une image de la fibule en question. J'y ai lu : manios med fhe fhaked numasioi.
Un Kitsune d'une galaxie lointaine... Oui,c'est moi...
Olivier
Membre / Member
Posts: 3176
Joined: 14 Jun 2002 02:00
Location: Toulouse

Re: Latin: niciencis pinxit

Post by Olivier »

Fuokusu wrote:manios med fhe fhaked numasioi.
C'est ce que lit Wikipédia qui donne aussi une image:
Image
-- Olivier
Se nem kicsi, se nem nagy: Ni trop petit(e), ni trop grand(e):
Éppen hozzám való vagy! Tu es juste fait(e) pour moi!
User avatar
Sisyphe
Freelang co-moderator
Posts: 10953
Joined: 08 Jan 2004 19:14
Location: Au premier paquet de copies à gauche après le gros dico

Re: Latin: niciencis pinxit

Post by Sisyphe »

Oui, pardon, j'ai cité de mémoire.

Manios = manius, les o deviennent des u ultérieurement

med = me, l'origine de ce -d n'est pas très clair et n'est pas étymologique, c'est peut-être pour ça que je l'ai oublié.

fhefhaked = parfait à redoublement (comme dedit), ce qui est bizarre car "fecit" en latin classique atteste une autre forme, plus étymologique (d'où ma confusion). C'est soit une innovation qui finalement n'a pas "pris" (de même qu'en moyen français, il y a eu une certaine tendance à faire tous les passés simples en -i : je mangis, je voulsis, je chantis, ce qui aurait simplifié les choses et peut-être sauvé ce temps), soit un trait dialectal. La graphie "fh" vient du fait que le F en grec (digamma) notait un autre son (w), et que les Latins se sont débrouillés comme ils pouvaient, en l'occurence avec un digramme (comme notre ch).

Numasioi = le rhôtacisme n'a pas encore eu lieu (les S deviennent des R en latin, cf. en français le doublet chaise/chaire). La diphongue ôi du datif (cf. en le grec) se simplifie ensuite.

;) Mais ça ne change pas le fond de la question.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
Post Reply