Bonsoir à tous!
Je cherche l'origine de l'expression "trouver copie" utilisée sans article.
Pourquoi et dans quelles situations on dit "trouver copie" et "pas trouver une/la copie"?
Toutes les hypothèses sont les bienvenues!
Merci d'avance!
français
Moderators: kokoyaya, Beaumont, Sisyphe
- Sisyphe
- Freelang co-moderator
- Posts: 10959
- Joined: 08 Jan 2004 19:14
- Location: Au premier paquet de copies à gauche après le gros dico
Re: français


*
Bon, pour faire simple :
1. En diachronie (du point de vue de l'histoire de la langue), il s'agit principalement d'expressionn figées, datant d'une époque où l'emploi de l'article était bien plus optionnel, donc bien plus significatif: faire route, prendre note, prendre acte, demander pardon...
En français classique, c'est encore très net, surtout chez Corneille : avoir impatience, avoir guerre, prendre parole...
2. En synchronie (du point de vue "interne" de la langue telle qu'elle est aujourd'hui), parce qu'on ne catégorise pas. Si je dis "perdre patience", il ne s'agit pas de ma patience à moi que j'aurais perdue, mais une situation générale. Si je dis "j'ai raison", je ne possède pas une raison particulière mais la totalité de toutes les raisons qui peuvent exister. L'exemple type qu'on donne toujours c'est "rendre justice" : le roi rend justice, c'est son métier. Mais je constate que tel juge n'a pas rendu la justice (dans ce cas précis, ce qu'il a rendu précisément est une injustice).
D'ailleurs, on constate :
a) Que les verbes qui accompagnent le nom sont en nombre réduit : avoir, donner, faire, dire, rendre, tenir. On les appelle des "verbes supports".
b) Que souvent, l'expression entière peut se traduire par un seul verbe dans une autre langue voire en français : avoir peur = paveo en latin ; prendre patience = sich gedulden en allemand. Prendre note = noter.
"Veuillez trouver copie" = je ne me réfère pas à la copie en particulier, mais au fait que mon message a pour but de signaler le fait d'avoir fait des copies, en tant qu'acte officiel (donc qui a une valeur ou une portée générale).
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
-
- Guest
Re: français
Merci beaucoup, Sisyphe, de m’avoir clarifié les choses.
Mais si j’envoie les copies de différents documents (une de chaque), que dois-je écrire dans ce cas? Ex. : Vous trouverez ci-joint copie (ou copies- ?) de l’acte X et (ou ainsi que- ?) du jugement Y.
Mais si j’envoie les copies de différents documents (une de chaque), que dois-je écrire dans ce cas? Ex. : Vous trouverez ci-joint copie (ou copies- ?) de l’acte X et (ou ainsi que- ?) du jugement Y.
-
- Membre / Member
- Posts: 5068
- Joined: 08 Jun 2005 00:20
- Location: Lörrach
Re: français
Sisyphe, est-ce que le français classique et le Français qui le maitrisait, ressentait un certain sens démonstratif à l'article défini à l'époque?
Il est rare que l'article défini ne soit pas une forme de démonstratif qui se fige dans l'usage au point de devenir indispensable, mais le sentiment de "démonstratif" ne disparait pas d'un coup, je suppose. C'est une réflexion de germaniste, je l'avoue...
Il est rare que l'article défini ne soit pas une forme de démonstratif qui se fige dans l'usage au point de devenir indispensable, mais le sentiment de "démonstratif" ne disparait pas d'un coup, je suppose. C'est une réflexion de germaniste, je l'avoue...
- Sisyphe
- Freelang co-moderator
- Posts: 10959
- Joined: 08 Jan 2004 19:14
- Location: Au premier paquet de copies à gauche après le gros dico
Re: français
Disons que la chronologie n'est pas tout-à-fait la même, à quelques siècles près.ElieDeLeuze wrote:Sisyphe, est-ce que le français classique et le Français qui le maitrisait, ressentait un certain sens démonstratif à l'article défini à l'époque?
Il est rare que l'article défini ne soit pas une forme de démonstratif qui se fige dans l'usage au point de devenir indispensable, mais le sentiment de "démonstratif" ne disparait pas d'un coup, je suppose. C'est une réflexion de germaniste, je l'avoue...
En vieux haut-allemand, l'article est encore presque intégralement du côté du démonstratif, il ne s'affadit qu'avec le m.h.a., comme je le sais grâce à ma science germanistique vaste et profonde (ou en ouvrant le Mossé p.174). De ce fait, il a au moins en v.h.a. encore une valeur de déixis (les gros mots seront expliqués après), et même en m.h.a des emplois ambigus entre les deux classes.
Alors qu'en français, les deux classes se sont clairement reconstituées dès l'état roman... À vrai dire, on a même des traces de "ille" articloïde dès le latin, mais les latinistes ne veulent pas l'avouer (pour les latinistes, le latin est pur jusqu'à la chute de Rome, pour les romanistes, tout est déjà salopé et fragmenté au premier siècle avant. Z'ont jamais été foutu de se mettre d'accord sur les dates). La preuve aussi, c'est qu'il y a un système de démonstratifs proprement dits très riche en ancien français (quatre formes de bases : cil/icil/cest/icest, plus un neutre hors-système, "ço").
En ancien français, même dans la Chanson de Roland, l'article n'est jamais un démonstratif au sens où il n'a jamais, même de loin, une valeur déictique. En revanche, il est dans toute la période beaucoup plus étroitement liés à ses fonctions de :
- Phorique (celui dont j'ai déjà parlé, dont je vais vous parler ou que tout le monde connaît)
- Catégorisateur / spécificateur (celui-là et pas un autre)
La preuve est qu'il est beaucoup plus régulièrement absent de certaines tournures :
- L'attribut : ben i pert que vos estes fame "on voit bien là que vous êtes (une) femme" = vous appartenez à la catégorie des femmes en général.
- La comparaison : si s'escrïe forment huie / ausint com veneor qui chace "aors il pousse des cris et des huées, comme un chasseur qui chasse" (comme le ferait n'importe quel chasseur qui chasserait, et non pas un chasseur précisément que j'ai sous les yeux).
- Les noms de matière : desus le chief me mistrent sel, vin et oille, farine et cendre "sur la tête, ils me mirent du sel, du vin, de l'ail, de la farine et de la cendre.
En fait, d'une certaine manière, l'emploi de l'article en ancien français est super-simple et super-logique. C'est après que ça a merdé...
*
Petite mise au point pour les entités originaires d'une planète située en-deçà de la ceinture de Kuiper :
- Déixis : ensemble des moyens linguistiques permettant de montrer un objet dans le monde réel.
- Phore (ou phorie) : ensemble des moyens linguistiques qui permettent (en général pour les pronoms) de faire référence à un autre élément linguistique :
1. Dans la phrase (endophore)
1.1 Rappel d'un élément anterieur, anaphore (le chat de Martine, je l'ai vu).
1.2 Annonce d'un élément à venir, cataphore (tu l'as vu, la chat de Martine ?).
2. Hors de la phrase (exophore) : (après dix minutes de recherche) "bon alors, tu l'as trouvé ?" (l' = le chat, mais tout le monde sait de quoi on parle).
Par nature, les démonstratifs sont à la fois déictiques et phoriques.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
-
- Membre / Member
- Posts: 5068
- Joined: 08 Jun 2005 00:20
- Location: Lörrach
Re: français
C'est limpide, merci !
Ca fait quand même un décallage de quelques siècles, cette histoire, surtout si on compte le déterminé secret que les latinistes n'avouent pas même sous la torture. L'article défini allemand n'est même pas encore parfaitement fixe aujourd'hui.

Ca fait quand même un décallage de quelques siècles, cette histoire, surtout si on compte le déterminé secret que les latinistes n'avouent pas même sous la torture. L'article défini allemand n'est même pas encore parfaitement fixe aujourd'hui.
