aymeric wrote:Merci !
Je reste quand même surpris. J'aurais moi aussi naturellement tendance à penser que très peu de gens maîtrisent le latin au niveau requis pour faire de la littérature, non pas parce que c'est une langue morte, mais tout simplement parce que c'est une langue apprise...
Nabokov a écrit une partie de ses oeuvres en anglais, alors qu'il était russe ; Elias Canetti n'a appris l'allemand qu'à l'adolescence ; Lucien était un syriacophone et Saint Augustin un berbérophone, qui s'est plaint souvent de ses propres incapacités en latin... Et moi je fais des blagues graveleuses en anglais avec Anuanua...
Faire de la littérature dans une langue apprise n'est pas insurmontable ; ce qui l'est en revanche, c'est de ne pas pouvoir
sentir l'effet qu'une phrase ferait sur des locuteurs naturels.
On lit les Astérix ou les Harry Potter en latin parce que : a) on est un étudiant latiniste et le prof a voulu sortir des sentiers battus ou b) on est un prof de latin et l'on veut voir comment ce cher Carolus Rubricastellanus s'est débrouillé pour traduire les jeux de mots (fichument pas mal, des fois, je dois l'avouer !). Mais qui lit
réellement Astérix, Harry Potter ou Jane Austen directement en latin ? Même moi, j'ai déjà du mal à lire directement Sénèque ou Plaute dans sa langue...
Par ailleurs, je comprends bien qu'il soit difficile de parler en latin de la vie d'un djeunz actuel, mais le roman historique offre des possibilités illimitées ! Le cadre et l'époque de la Rome antique me paraissent tout à fait adaptés à de bons petits polars comme on les aime, par exemple... Et puis je suis sûr que beaucoup préféreraient lire un polar en classe de latin plutôt qu'un traité d'agriculture !
En tant que prof, je réponds : pas sûr... Les élèves, en général, ne cherchent pas l'identique et le semblable, et c'est d'autant plus vrai que la classe est difficile. Un texte journalistiqueux traitant du racisme contemporain dans les banlieue les emmerde, alors qu'on peut scotcher des quasi-délinquants avec du Racine ou
la Princesse de Clève si on s'y prend bien. La littérature, c'est l'absent ; apprendre, c'est se dépayser.
Je suis toujours fasciné par la passion que soulève par exemple la mythologie en classe de latin (alors que personnellement, elle m'emmerde !). Alors que les chapitres supposés "les aider pour le cours de fançais" les rasent ; j'en souffre, mais je n'arive guère à faire passer l'étymologie, par exemple. Ou alors il faut que ce soit un accident.
J'ai des souvenirs de stagiaire très rigolos sur des traités d'agriculture, et ma meilleure inspection s'est passée sur un texte hyper-technique.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)