evidence / proof

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aymeric
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evidence / proof

Post by aymeric »

Bonjour,

Dans le milieu médical, on parle souvent de "evidence-based approach/practice/care" etc.
A l'OMS, les traducteurs comme les interprètes s'échinent à dire/écrire "démarche/pratique/prise en charge fondée sur des données factuelles", en estimant qu'evidence en anglais est moins qu'une preuve, mais plutôt un "élément" de preuve.
Quant au corps médical français, il utilise carrément "fondé sur des preuves" sans se casser la tête.

Qu'en pensez-vous ?

Même en français la définition de "preuve" me semble ambiguë, car on a deux versions (d'après le cnrtl):
A.−
1. Fait, témoignage, raisonnement susceptible d'établir de manière irréfutable la vérité ou la réalité de (quelque chose)
a) DR. CIVIL, COMM. ET PÉNAL. ,,Moyen tendant à établir la réalité d'un acte ou d'un fait juridique`` (Lemeunier 1969).

Donc dans un cas la preuve amène a une conclusion catégorique, dans l'autre elle ne semble qu'être un indice plus ou moins probant (à moins que j'interprète mal cette deuxième définition).
Donc une preuve ça prouve dans le langage courant, mais ça peut ne faire que suggérer dans le langage juridique ?

Merci d'avance.
ElieDeLeuze
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Re: evidence / proof

Post by ElieDeLeuze »

evidence = preuve
proof = démonstration

Pour le reste, je dirais que chaque domaine scientifique ou d'étude décide un peu au gré des anglicismes et de la mode du moment. D'autant plus qu'en français, on parle aussi d'élément de preuve.
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Sisyphe
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Re: evidence / proof

Post by Sisyphe »

En fait, nous sommes face à deux problèmes linguistiques qui se perturbent mutuellement :

1) Un traditionnel doublet "mot latin/mot germanique" en anglais.
2) Les pratiques traductologiques, si l'on peut être aussi pédant ,) , du monde scientifique, qui comme l'indique Elie, sont rarement cohérentes ni rigoureuses, et nous nous en étions déjà moqué.

Quant à l'incohérence de la définition du CNTRL, c'est un problème de philosophie du droit : il n'existe pas de preuve absolue en justice. Comme l'avait rappelé magistralement maître Laborit au procès de Zola : rien ne peut être une preuve qui n'ait d'abord été contradictoirement examiné par les deux parties et fait l'objet d'une procédure ; il ne suffit pas de dire "nous avons la preuve que Dreyfus est coupable, elle est enfermée dans un coffre du ministère de la guerre et vous ne la verrez pas". Aucune preuve de ce fait ne s'impose d'elle-même, et c'est la raison pour laquelle le code n'a longtemps demandé aux jurés que leur intime conviction, non les moyens de leur conviction. Même une vidéo de moi en train de tuer l'amant de ma femme peut faire l'objet d'une interprétation (est-ce bien moi, est-ce bien lui, la vidéo est-elle truquée, savais-je que l'arme était chargée, agis-je sous la contrainte, etc.).

Donc, techniquement, le greffier classe matériellement dans la liste des "preuves", en tant qu'objets matériels, autrement rédige une étiquette sur une boîte avec ce mot pour désigner ce que le juge et les jurés vont regarder conceptuellement comme des éléments de preuve.

Revenons à la langue. Je ne suis pas assez angliciste pour savoir si la dichotomie avancée par Elie est à ce point radicale, mais je constate deux choses :
1) Quant il existe un doublet latino-germanique en anglais, le mot germanique est toujours plus réduit, matériel, simple, banal, et le doublet latin plus conceptuel, philosophique, théorique, ouvert ("freedom of speech" : c'est binaire, ou je peux parler ou bien on tente de me tuer à la kalachnikov ; mais la constitution garantit "life, liberty and pursuit of happiness".
2) Les doubleurs des séries policières US sont toujours gênées quant un héros dit "evidence", parce que le mouvement des lèvres ne correspond pas à "preuve" en français. Parfois, ils laissent "évidences", et parfois même, ça passe... Parce que l'évidence est étymologiquement ce que je suis en mesure de voir, ce qui se manifeste à naturellement à moi et m'amène à une conviction.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
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