Bonjour,
Je lisais un texte du Baron d'Holbach qui écrit : "Non, je ne rougirai pas d'être une machine de ce genre , et mon coeur tressaillerait de joie, s'il pouvait pressentir qu'un jour les fruits de mes réflexions seront utiles et consolants pour mes semblables."
J'attendais tressaillirait, ce que me confirme la dernière édition du dico de l'Académie, mais pas l'édition de 1798, qui donne bien tressaillerait.
Et ça m'a fait penser à cueillir, accueillir, assaillir . Pourquoi cueillerait/accueillerait, mais assaillirait/tressaillirait ? Et pourquoi ce changement au fil du temps ?
Pour compliquer la chose, c'était déjà assaillirait avec un i en 1798 et non assaillerait, bizarrement.
Merci.
Conjugaison de tressaillir
Moderators: kokoyaya, Beaumont, Sisyphe
- Andergassen
- Membre / Member
- Posts: 35952
- Joined: 12 Nov 2009 15:20
- Location: Plein sud/Pôle nord, selon la langue
Re: Conjugaison de tressaillir
Je pense que c'est à cause de la prononciation plus facile avec "e", "je tressaillirais", "je cueillirais" distendent ma bouche (et l'ai besoin de mes lèvres pour baiser ma mie à mon aise). Avec "e", ça coule comme de source, et on économise une syllabe. Il est possible que l'usage de la prononciation plus facile ait fini par l'emporter dans la langue écrite.
Par de bons mots foudroyons la sottise, craignons le sang ; ne versons que le vin.
-
- Membre / Member
- Posts: 5068
- Joined: 08 Jun 2005 00:20
- Location: Lörrach
Re: Conjugaison de tressaillir
Je comprends effectivement que la prononciation réelle est plutôt un /e/ mais la seule conjugaison correcte actuellement exige un /i/. C'est étrange de voir ce /e/ dans un texte imprimé. Je suppose que cela fait partie des petits changements d'hypercorrection du XIXe siècle puisque la forme en /e/ a été acceptée à un moment au siècle d'avant.
Re: Conjugaison de tressaillir
Merci (tardivement, pardon) pour vos réponses !
Par contre je ne m’explique toujours pas morphologiquement pourquoi de nos jours on a cueillerais (donc pas d’hypercorrection) mais tressaillirais.
Je n’étais pas au courant de cette tendance, effectivement cela expliquerait le retour au i.ElieDeLeuze wrote: ↑13 Jun 2021 20:19 Je suppose que cela fait partie des petits changements d'hypercorrection du XIXe siècle puisque la forme en /e/ a été acceptée à un moment au siècle d'avant.
Par contre je ne m’explique toujours pas morphologiquement pourquoi de nos jours on a cueillerais (donc pas d’hypercorrection) mais tressaillirais.
-
- Membre / Member
- Posts: 5068
- Joined: 08 Jun 2005 00:20
- Location: Lörrach
Re: Conjugaison de tressaillir
Bonne question... une possibilité est le principle de rareté : Plus une forme est rare, plus les irrégularités sont corrigées selon la règles avec le temps ; et donc plus une forme est courante, plus les irrégularités sont conservées.
- Sisyphe
- Freelang co-moderator
- Posts: 10916
- Joined: 08 Jan 2004 19:14
- Location: Au premier paquet de copies à gauche après le gros dico
Re: Conjugaison de tressaillir

íóá
cueillir < coillir << cueudre < *cóligire
AF présent :
cóligo > je cueil
cóligis > tu cueus
colígimus > *cóligmus > nous coillons
AF futur :
*cóligere habeo > je coildrai puis plusieurs réfections : je cueudrai (sur l'infinitif étymologique cueudre et je cueillirai au XIV siècle, à partir de l'infinitif secondairement refait sur le présent.
saillir < salíre
AF présent :
sálio > je sail
sális > tu saus
sálimus > nous salons
AF futur :
salíre habeo > je saudrai. La seule forme secondaire attestée en AF est je saillerai, la forme (tres)saillirai est plus tardive, ce qui peut déjà expliquer que cette forme en /e/ ait "duré" plus longtemps. Je vois deux explications au fait que la forme en /i/ ait mis plus de temps à s'imposer que pour cueillir :
1) Il y a "plus de /i/" dans la conjugaison de cueillir, à commencer par celui du radical (P4 nous cueillons, à côté de nous salons); en AF, le participe est déjà cueilli, alors que le participe de saillir était saillu. Et si les composés se sont tous rangés du côté du modèle de partir, les pédants distingueront encore la poutre saille hors du toit et le cheval saillit la jument.
2) Les futurs en -audrai ont plus de soutiens en AF et MF dans d'autres paradigmes, et notamment celui, très courant, de faloir : en français moderne, on a séparé falloir -> il faudra de failllir -> il faillira, mais Littré (en vieux ronchon) regrettait encore que l'on ait fait passer la conjugaison du second au deuxième groupe ; un dicton encore cité au XXe siècle disait "l'abbaye ne faut pas par la faute d'un moine".
En plus de cela, voici exactement ce qu'écrit Christiane Marchello-Nizia dans La Langue française aux XIVe et XVe siècles :
Or, d'Holbach est certes d'origine allemande, mais il était "possessionné" dans le Nord (seigneur de Heeze, Leende et Zesgehuchten dans le Brabant), et a fait ses études à Leyde : s'il a croisé des francophones dans sa jeunesse, ils étaient artésiens ou wallons.
Bref, c'est à la fois diachronique et diatopique.
You do not have the required permissions to view the files attached to this post.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)