Français et "anglais commercial", seules langues...
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- Toirdhealbhách
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Français et "anglais commercial", seules langues..
Subject: « Patois du pays », prévention de la délinquance et contrôle social - lamentable!
« Patois du pays », prévention de la délinquance et contrôle social
Réaction de Jean-Pierre Cavaillé, enseignant à l'École des Hautes Études en
Sciences Sociales
Pourquoi les hommes politiques actuellement au pouvoir
sont-ils à ce point hostiles à tout autre langue que le français sacralisé,
muséifié, artificiellement (et vainement) protégé de tout contact avec les
autres idiomes du vaste monde ?
Pourquoi l'anglais commercial, et lui seul, échappe-t-il à l'ostracisme
général ? Pourquoi, en particulier, ce pouvoir pourchasse-t-il de plus en
plus ouvertement les langues de l'immigration et les langues dites
régionales ? La légitimité de ces questions peut-être montrée et une
esquisse de réponse apportée par la lecture croisée de deux documents
publics qui, apparemment, n'ont rien de commun : le rapport préliminaire de
la commission parlementaire sur la prévention de la délinquance daté
d'octobre 2004 et le texte du débat parlementaire du 26 janvier dernier sur
les amendements qu'il serait souhaitable d'apporter à l'article 2 de la
constitution.
Le rapport de la « commission prévention du groupe d'études parlementaire
sur la sécurité intérieure » présidée par J.-A. Bénisti, député du
Val-de-Marne, composée de 20 parlementaires (dont 16 UMP, 2 UDF, 2 PS),
rédigé dans un épouvantable charabia, bourré de fautes d'orthographe et de
syntaxe, ne semble concerner en rien les questions de langue. Et pourtant.
A travers une analyse absolument caricaturale, résolument étrangère à
toutes les études sérieuses sur le sujet, «les difficultés de la langue »
liées à la pratique non exclusive du français, sont proprement placées à
l'origine du parcours type du délinquant. Le rapport propose en effet,
graphique à l'appui, une sidérante « courbe évolutive d'un jeune qui au fur
et à mesure des années s'écarte du "droit chemin" pour s'enfoncer dans la
délinquance ».
Tout commence, entre 4 et 6 ans, par une mauvaise maîtrise de la langue
française, associée à une précoce indiscipline scolaire, qui se poursuit au
long d'une terrible courbe s'éloignant de façon exponentielle du "parcours
normal", par la "marginalisation scolaire" (7-9 ans), la « violence à
l'école » et le « début des petits larcins » (10-12 ans), relayés par la
« consommation des drogues douces » (13-15 ans), puis dures (16-18 ans),
jusqu'à sa fatale issue qu'est l' "entrée dans la grande délinquance" (dès
19 ans). Ainsi le premier acte, qui signe une sorte d'entrée dans la
déviance vient des parents, dont il n'est même pas précisé - car c'est une
chose qui va de soi - qu'ils sont "d'origine étrangère", est une acte de
délinquance linguistique : le futur délinquant maîtrise mal le français,
parce qu'on ne le parle pas exclusivement à la maison. C'est pourquoi il
faut agir à la racine du mal : les " mères " (puisque c'est manifestement à
elles seules qu'incombe la tâche d'apprentissage linguistique) "devront
s'obliger à parler le Français dans leur foyer pour habituer les enfants à
n'avoir que cette langue pour s'exprimer".
Le rapport se montre confiant sur la coopération des mères, naturellement
douces et obéissantes, mais elle est menacée par les "pères, qui exigent
souvent le parler patois du pays à la maison", et il "faut alors engager
des actions en direction du père pour l'inciter dans cette direction". Oui,
vous avez bien lu : les immigrants ne parlent pas même des langues, mais
des "patois du pays". L'arabe, le berbère, le turc, le kurde, le woloff,
les chinois (mandarin, cantonais...), le portugais, etc., tout cela n'est que
"patois de pays", culturellement débilitant et socialement criminogène. Qui
a dit que le discours raciste, colonialiste et discriminatoire n'était plus
en France qu'un mauvais souvenir ? C'est pourtant celui que tiennent
aujourd'hui des élus dans leurs rapports sur la sécurité intérieure. Il
s'agira donc, dans les cités, comme autrefois, dans les provinces,
d'éradiquer "les patois du pays", conçus non plus seulement comme les
foyers de l'ignorance et de la misère, mais aussi, et d'abord, comme la
source première de la délinquance. L' "institutrice" (le féminin dans le
rapport est de rigueur pour la classe maternelle !), aujourd'hui comme aux
temps héroïques des "hussards noirs de la République", devra intervenir
auprès des parents pour "qu'au domicile, la seule langue parlée soit le
français". Si "cela persiste, l'institutrice devra alors passer le relais à
un orthophoniste pour que l'enfant récupère immédiatement les moyens
d'_expression et de langage indispensables à son évolution scolaire et
sociale". L'orthophonie doit donc servir à lutter contre le bilinguisme,
considéré comme un trouble du langage socialement pathogène, et assurer
l'apprentissage défaillant du français dans les familles patoisantes
d'origine étrangère. Les orthophonistes apprécieront. Le point est
d'importance : les professions médicales sont en effet clairement
mobilisées, en même temps que les personnels scolaires, tout au long du
rapport, dans une perspective non seulement préventive mais aussi, et même
d'abord, répressive. Soit la phrase suivante, sur laquelle il y aurait tant
à dire : "un contact direct avec le jeune [délinquant potentiel, et donc
justiciable, «l'enfant» devient «le jeune»] devra être instauré de gré ou
par la contrainte avec une personne formée à cet effet pour le soigner ou
lui faire choisir un autre chemin que celui qu'il est en train de prendre".
Du reste, le rapport ne cesse d'insister sur l'urgence de créer une chaîne
de la délation et du contrôle, mobilisant tous les acteurs sociaux : les
instituteurs, médecins, services administratifs, etc. "Il faut, y est-il
dit noir sur blanc, redéfinir le secret professionnel et créer une culture
du secret partagé". La formule dit bien ce qu'elle veut dire : développer
"une culture du secret partagé" entre des protagonistes (éducateurs,
médecins, juges et policiers) désormais promus au statut de professionnels
du contrôle social, en étroite collaboration avec la police et la justice.
Le fait que la langue parlée dans la sphère privée soit spontanément
considérée comme un objet légitime et nécessaire d'un tel contrôle fait
évidemment frémir.
Sur le plan pédagogique, ce discours répressif rencontre tout de même une
objection, car chacun sait, et depuis longtemps, que "le bilinguisme est un
avantage pour un enfant", ce que le rapport admet, mais pour préciser
aussitôt : "sauf lorsqu'il a des difficultés car alors ça devient une
complication supplémentaire". D'abord on ne peut pas ne pas relever que, en
matière de difficultés linguistiques, les auteurs du rapport parlent par
expérience.
Furent-ils eux aussi victimes en leur jeune âge d'un bilinguisme inadapté ?
Sont-ils des délinquants blanchis par les urnes ? Plus sérieusement, il
importe d'affirmer que toutes les données de la psycholinguistique
contredisent cette assertion, qui hélas ne passe que trop souvent chez nous
pour une évidence. Mais les grossières implications idéologiques de ce
texte sont ici rendues visibles. Il y a un bilinguisme noble et bénéfique,
qui consiste à enseigner l'anglais commercial en immersion aux enfants de
la bourgeoisie dans les collèges privés. Quant à ceux qui, par leur statut
de migrants, bénéficient de fait d'un bilinguisme, ils sont au contraire
stigmatisés pour leur bilinguisme même : un mauvais patois, que des parents
irresponsables s'obstinent à parler à la maison, fait obstacle à
l'apprentissage du français. Alors que ce bilinguisme et parfois
plurilinguisme, n'en déplaise à nos rapporteurs qui ont tant de mal à
maîtriser l'_expression écrite de leur langue unique, est et reste une
richesse culturelle et sociale dont le français d'ailleurs profite tous les
jours. Sur le propre terrain du rapport, on pourrait naïvement penser que
le respect et la valorisation pédagogiques des différences linguistiques
pourraient être considérés sinon comme une prévention de la délinquance, en
tout cas comme une mesure efficace contre l'échec scolaire. Or la politique
ministérielle en matière d'éducation va exactement dans un sens opposé.
Cela, hélas, n'est pas nouveau. De toute manière, il ne s'agit plus
désormais de prévenir quoi que se soit, mais de réprimer à titre préventif,
en intervenant directement sur les identités linguistiques considérées en
elles-mêmes comme des sources de désordre social et de délinquance.
Or il est très intéressant de faire le lien avec le débat qui s'est tenu à
l'assemblé nationale le 26 janvier dernier. Il s'agissait, à l'initiative
de députés de l'UDF, du Parti Socialiste et du Parti Communiste, d'apporter
des amendements visant à la modification de l'article II de la constitution
suivant lequel le Français est la seule langue de la République en
introduisant une mention sur le respect "des langues régionales". Celle-ci
permettrait notamment à la France de ratifier enfin la Charte européenne
des langues minoritaires. Hé bien, cela n'est pas pour demain, s'il est
vrai qu'aucun des amendements soumis au vote ne put passer. Une fois de
plus, et tout particulièrement dans les rangs de l'UMP, ont résonné les
mêmes propos condescendants, méprisants et surtout impitoyables vis-à-vis
des langues régionales dégradées en "patois". Contre tout amendement, le
rapporteur Pascal Clément (UMP) a réitéré "l'argument éculé" (le mot est de
François Bayrou), selon lequel l'impératif est de "préserver une victoire
de la République qui a été longue à obtenir" : la victoire du français par
l'écrasement de toutes les différences linguistiques sur le territoire
national. La charte proclame en effet comme un droit imprescriptible la
pratique des langues régionales ou minoritaires, "non seulement dans la vie
privée, mais encore dans la vie publique". L'usage public, en effet, est
absolument vital pour une langue : une langue confinée à la sphère privée
est une langue vouée à la mort à plus ou moins brève échéance. C'est du
reste bien en faveur de la reconnaissance et du soutien à une _expression
publique des langues minoritaires que s'est prononcé plus d'une fois notre
Président au sujet des langues amérindiennes, mais certes pas au sujet des
langues de France, que l'on travaille actuellement à rayer purement et
simplement de la carte scolaire (suppressions d'option, réduction drastique
des postes, etc.).
La diversité culturelle, bonne au dehors (surtout quand il s'agit de
promouvoir le français) est mauvaise à l'intérieur. Mieux, elle est
inconstitutionnelle. Le droit d'_expression publique, reconnu par la charte,
est considéré par le Conseil constitutionnel, fut-il rappelé lors du débat
parlementaire, comme contraire "aux principes d'indivisibilité de la
République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français". Il
nous est donc dit que la reconnaissance publique du bilinguisme et du
plurilinguisme (car c'est bien de cela qu'il s'agit et non pas du tout de
jouer le breton ou l'occitan contre le français) porte atteinte aux
principes républicains de la nation française.
Cela est faux, nécessairement, car le système républicain, chez nous,
prétend à la démocratie. Or le monopole exclusif de l'espace public par une
langue et une culture excluant toute différence et toute pluralité ne
saurait être démocratique. Avec le rapport sur la prévention des
délinquances, un pas de plus est accompli, puisqu'il s'agit cette fois de
lutter contre la pratique, même privée, des "patois du pays", considérée
comme un péché contre la langue unique et le ferment de tous les désordres
sociaux. Ce pas est celui qui conduit du jacobinisme autoritaire au
totalitarisme sécuritaire.
Jean-Pierre Cavaillé
Enseignant à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales
« Patois du pays », prévention de la délinquance et contrôle social
Réaction de Jean-Pierre Cavaillé, enseignant à l'École des Hautes Études en
Sciences Sociales
Pourquoi les hommes politiques actuellement au pouvoir
sont-ils à ce point hostiles à tout autre langue que le français sacralisé,
muséifié, artificiellement (et vainement) protégé de tout contact avec les
autres idiomes du vaste monde ?
Pourquoi l'anglais commercial, et lui seul, échappe-t-il à l'ostracisme
général ? Pourquoi, en particulier, ce pouvoir pourchasse-t-il de plus en
plus ouvertement les langues de l'immigration et les langues dites
régionales ? La légitimité de ces questions peut-être montrée et une
esquisse de réponse apportée par la lecture croisée de deux documents
publics qui, apparemment, n'ont rien de commun : le rapport préliminaire de
la commission parlementaire sur la prévention de la délinquance daté
d'octobre 2004 et le texte du débat parlementaire du 26 janvier dernier sur
les amendements qu'il serait souhaitable d'apporter à l'article 2 de la
constitution.
Le rapport de la « commission prévention du groupe d'études parlementaire
sur la sécurité intérieure » présidée par J.-A. Bénisti, député du
Val-de-Marne, composée de 20 parlementaires (dont 16 UMP, 2 UDF, 2 PS),
rédigé dans un épouvantable charabia, bourré de fautes d'orthographe et de
syntaxe, ne semble concerner en rien les questions de langue. Et pourtant.
A travers une analyse absolument caricaturale, résolument étrangère à
toutes les études sérieuses sur le sujet, «les difficultés de la langue »
liées à la pratique non exclusive du français, sont proprement placées à
l'origine du parcours type du délinquant. Le rapport propose en effet,
graphique à l'appui, une sidérante « courbe évolutive d'un jeune qui au fur
et à mesure des années s'écarte du "droit chemin" pour s'enfoncer dans la
délinquance ».
Tout commence, entre 4 et 6 ans, par une mauvaise maîtrise de la langue
française, associée à une précoce indiscipline scolaire, qui se poursuit au
long d'une terrible courbe s'éloignant de façon exponentielle du "parcours
normal", par la "marginalisation scolaire" (7-9 ans), la « violence à
l'école » et le « début des petits larcins » (10-12 ans), relayés par la
« consommation des drogues douces » (13-15 ans), puis dures (16-18 ans),
jusqu'à sa fatale issue qu'est l' "entrée dans la grande délinquance" (dès
19 ans). Ainsi le premier acte, qui signe une sorte d'entrée dans la
déviance vient des parents, dont il n'est même pas précisé - car c'est une
chose qui va de soi - qu'ils sont "d'origine étrangère", est une acte de
délinquance linguistique : le futur délinquant maîtrise mal le français,
parce qu'on ne le parle pas exclusivement à la maison. C'est pourquoi il
faut agir à la racine du mal : les " mères " (puisque c'est manifestement à
elles seules qu'incombe la tâche d'apprentissage linguistique) "devront
s'obliger à parler le Français dans leur foyer pour habituer les enfants à
n'avoir que cette langue pour s'exprimer".
Le rapport se montre confiant sur la coopération des mères, naturellement
douces et obéissantes, mais elle est menacée par les "pères, qui exigent
souvent le parler patois du pays à la maison", et il "faut alors engager
des actions en direction du père pour l'inciter dans cette direction". Oui,
vous avez bien lu : les immigrants ne parlent pas même des langues, mais
des "patois du pays". L'arabe, le berbère, le turc, le kurde, le woloff,
les chinois (mandarin, cantonais...), le portugais, etc., tout cela n'est que
"patois de pays", culturellement débilitant et socialement criminogène. Qui
a dit que le discours raciste, colonialiste et discriminatoire n'était plus
en France qu'un mauvais souvenir ? C'est pourtant celui que tiennent
aujourd'hui des élus dans leurs rapports sur la sécurité intérieure. Il
s'agira donc, dans les cités, comme autrefois, dans les provinces,
d'éradiquer "les patois du pays", conçus non plus seulement comme les
foyers de l'ignorance et de la misère, mais aussi, et d'abord, comme la
source première de la délinquance. L' "institutrice" (le féminin dans le
rapport est de rigueur pour la classe maternelle !), aujourd'hui comme aux
temps héroïques des "hussards noirs de la République", devra intervenir
auprès des parents pour "qu'au domicile, la seule langue parlée soit le
français". Si "cela persiste, l'institutrice devra alors passer le relais à
un orthophoniste pour que l'enfant récupère immédiatement les moyens
d'_expression et de langage indispensables à son évolution scolaire et
sociale". L'orthophonie doit donc servir à lutter contre le bilinguisme,
considéré comme un trouble du langage socialement pathogène, et assurer
l'apprentissage défaillant du français dans les familles patoisantes
d'origine étrangère. Les orthophonistes apprécieront. Le point est
d'importance : les professions médicales sont en effet clairement
mobilisées, en même temps que les personnels scolaires, tout au long du
rapport, dans une perspective non seulement préventive mais aussi, et même
d'abord, répressive. Soit la phrase suivante, sur laquelle il y aurait tant
à dire : "un contact direct avec le jeune [délinquant potentiel, et donc
justiciable, «l'enfant» devient «le jeune»] devra être instauré de gré ou
par la contrainte avec une personne formée à cet effet pour le soigner ou
lui faire choisir un autre chemin que celui qu'il est en train de prendre".
Du reste, le rapport ne cesse d'insister sur l'urgence de créer une chaîne
de la délation et du contrôle, mobilisant tous les acteurs sociaux : les
instituteurs, médecins, services administratifs, etc. "Il faut, y est-il
dit noir sur blanc, redéfinir le secret professionnel et créer une culture
du secret partagé". La formule dit bien ce qu'elle veut dire : développer
"une culture du secret partagé" entre des protagonistes (éducateurs,
médecins, juges et policiers) désormais promus au statut de professionnels
du contrôle social, en étroite collaboration avec la police et la justice.
Le fait que la langue parlée dans la sphère privée soit spontanément
considérée comme un objet légitime et nécessaire d'un tel contrôle fait
évidemment frémir.
Sur le plan pédagogique, ce discours répressif rencontre tout de même une
objection, car chacun sait, et depuis longtemps, que "le bilinguisme est un
avantage pour un enfant", ce que le rapport admet, mais pour préciser
aussitôt : "sauf lorsqu'il a des difficultés car alors ça devient une
complication supplémentaire". D'abord on ne peut pas ne pas relever que, en
matière de difficultés linguistiques, les auteurs du rapport parlent par
expérience.
Furent-ils eux aussi victimes en leur jeune âge d'un bilinguisme inadapté ?
Sont-ils des délinquants blanchis par les urnes ? Plus sérieusement, il
importe d'affirmer que toutes les données de la psycholinguistique
contredisent cette assertion, qui hélas ne passe que trop souvent chez nous
pour une évidence. Mais les grossières implications idéologiques de ce
texte sont ici rendues visibles. Il y a un bilinguisme noble et bénéfique,
qui consiste à enseigner l'anglais commercial en immersion aux enfants de
la bourgeoisie dans les collèges privés. Quant à ceux qui, par leur statut
de migrants, bénéficient de fait d'un bilinguisme, ils sont au contraire
stigmatisés pour leur bilinguisme même : un mauvais patois, que des parents
irresponsables s'obstinent à parler à la maison, fait obstacle à
l'apprentissage du français. Alors que ce bilinguisme et parfois
plurilinguisme, n'en déplaise à nos rapporteurs qui ont tant de mal à
maîtriser l'_expression écrite de leur langue unique, est et reste une
richesse culturelle et sociale dont le français d'ailleurs profite tous les
jours. Sur le propre terrain du rapport, on pourrait naïvement penser que
le respect et la valorisation pédagogiques des différences linguistiques
pourraient être considérés sinon comme une prévention de la délinquance, en
tout cas comme une mesure efficace contre l'échec scolaire. Or la politique
ministérielle en matière d'éducation va exactement dans un sens opposé.
Cela, hélas, n'est pas nouveau. De toute manière, il ne s'agit plus
désormais de prévenir quoi que se soit, mais de réprimer à titre préventif,
en intervenant directement sur les identités linguistiques considérées en
elles-mêmes comme des sources de désordre social et de délinquance.
Or il est très intéressant de faire le lien avec le débat qui s'est tenu à
l'assemblé nationale le 26 janvier dernier. Il s'agissait, à l'initiative
de députés de l'UDF, du Parti Socialiste et du Parti Communiste, d'apporter
des amendements visant à la modification de l'article II de la constitution
suivant lequel le Français est la seule langue de la République en
introduisant une mention sur le respect "des langues régionales". Celle-ci
permettrait notamment à la France de ratifier enfin la Charte européenne
des langues minoritaires. Hé bien, cela n'est pas pour demain, s'il est
vrai qu'aucun des amendements soumis au vote ne put passer. Une fois de
plus, et tout particulièrement dans les rangs de l'UMP, ont résonné les
mêmes propos condescendants, méprisants et surtout impitoyables vis-à-vis
des langues régionales dégradées en "patois". Contre tout amendement, le
rapporteur Pascal Clément (UMP) a réitéré "l'argument éculé" (le mot est de
François Bayrou), selon lequel l'impératif est de "préserver une victoire
de la République qui a été longue à obtenir" : la victoire du français par
l'écrasement de toutes les différences linguistiques sur le territoire
national. La charte proclame en effet comme un droit imprescriptible la
pratique des langues régionales ou minoritaires, "non seulement dans la vie
privée, mais encore dans la vie publique". L'usage public, en effet, est
absolument vital pour une langue : une langue confinée à la sphère privée
est une langue vouée à la mort à plus ou moins brève échéance. C'est du
reste bien en faveur de la reconnaissance et du soutien à une _expression
publique des langues minoritaires que s'est prononcé plus d'une fois notre
Président au sujet des langues amérindiennes, mais certes pas au sujet des
langues de France, que l'on travaille actuellement à rayer purement et
simplement de la carte scolaire (suppressions d'option, réduction drastique
des postes, etc.).
La diversité culturelle, bonne au dehors (surtout quand il s'agit de
promouvoir le français) est mauvaise à l'intérieur. Mieux, elle est
inconstitutionnelle. Le droit d'_expression publique, reconnu par la charte,
est considéré par le Conseil constitutionnel, fut-il rappelé lors du débat
parlementaire, comme contraire "aux principes d'indivisibilité de la
République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français". Il
nous est donc dit que la reconnaissance publique du bilinguisme et du
plurilinguisme (car c'est bien de cela qu'il s'agit et non pas du tout de
jouer le breton ou l'occitan contre le français) porte atteinte aux
principes républicains de la nation française.
Cela est faux, nécessairement, car le système républicain, chez nous,
prétend à la démocratie. Or le monopole exclusif de l'espace public par une
langue et une culture excluant toute différence et toute pluralité ne
saurait être démocratique. Avec le rapport sur la prévention des
délinquances, un pas de plus est accompli, puisqu'il s'agit cette fois de
lutter contre la pratique, même privée, des "patois du pays", considérée
comme un péché contre la langue unique et le ferment de tous les désordres
sociaux. Ce pas est celui qui conduit du jacobinisme autoritaire au
totalitarisme sécuritaire.
Jean-Pierre Cavaillé
Enseignant à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales
- Bloodbrother
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- Toirdhealbhách
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Re: Français et "anglais commercial", seules langu
[rapport de la « commission prévention du groupe d'études parlementaire sur la sécurité intérieure » présidée par J.-A. Bénisti]
Rien de surprenant, la France apporte aux provinces attardées du monde entier les Lumières de la liberté et la langue de la République formée par l'unique nation et peuple français...
-- Olivier
Toirdhealbhách wrote:Tout commence, entre 4 et 6 ans, par une mauvaise maîtrise de la langue française, [...] C'est pourquoi il faut agir à la racine du mal : les " mères " (puisque c'est manifestement à elles seules qu'incombe la tâche d'apprentissage linguistique) "devront s'obliger à parler le Français dans leur foyer pour habituer les enfants à n'avoir que cette langue pour s'exprimer".
Le rapport se montre confiant sur la coopération des mères, naturellement douces et obéissantes, mais elle est menacée par les "pères, qui exigent souvent le parler patois du pays à la maison"

Il y a bien dans l'un des tout premiers articles la mention, parmi les valeurs de l'UE, du "respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités", mais il n'est pas mentionné de droits collectifs tels que linguistiques, et surtout juridiquement la mention "y compris" ne sert pas à grand-chose puisque les droits des personnes sont à respecter de toute façon, qu'elles appartiennent ou non à des minorités (cf ce fil d'un forum franco-hongrois puisque c'est la Hongrie qui a insisté pour qu'il soit fait mention des minorités)Toirdhealbhách wrote:J'espère que la Constitution Européenne pourra changer les choses.
-- Olivier
Se nem kicsi, se nem nagy: Ni trop petit(e), ni trop grand(e):
Éppen hozzám való vagy! Tu es juste fait(e) pour moi!
Éppen hozzám való vagy! Tu es juste fait(e) pour moi!
-
- Guest
Que dire ..... je sais pas ou la personne qui a ecrit cela a a pris ses infos, mais cela se rapproche a du tf1 pur et simple ( cad bourrage de crane debile mais efficace ).Toirdhealbhách wrote:Tout commence, entre 4 et 6 ans, par une mauvaise maîtrise de la langue française, associée à une précoce indiscipline scolaire, qui se poursuit au long d'une terrible courbe s'éloignant de façon exponentielle du "parcours normal", par la "marginalisation scolaire" (7-9 ans), la « violence à l'école » et le « début des petits larcins » (10-12 ans), relayés par la « consommation des drogues douces » (13-15 ans), puis dures (16-18 ans), jusqu'à sa fatale issue qu'est l' "entrée dans la grande délinquance" (dès 19 ans).
Donc si on resume bien : si entre 4 et 6 ans on parle pas bien le francais = plus de chances d'etre delinquant ???.
Je suis écoeurée par ce qui est rapporté de ce rapport : on se croirait sous Vichy !Le rapport de la « commission prévention du groupe d'études parlementaire sur la sécurité intérieure » présidée par J.-A. Bénisti

L'article soulève aussi plusieurs questions qui mériteraient chacune un débat, des connaissances, que dis-je des années de recherches scientifiques...

¤ une langue n'est -elle qu'un apprentissage scolaire : b+a = ba ?
¤ le bilinguisme est-il une part de l'intelligence ?
¤ Pourquoi devient-on délinquant ?
Et d'autres du même genre auxquelles personne n'a encore trouvé la "vrai" réponse et que les politiques eux ont "résolues" grâce à des jugements plein d'apriori et de philosophie de comptoirs* .
Alors je pose aussi une question sans réponse : A quoi ça sert que Ducros se décarcasse ? Il y a des universitaires, des scientifiques, des statisticiens et que sais-je encore qui travaillent sur ces questions, qui sont pointus dans leurs domaines mais pourquoi les politiques ne les consultent jamais dans leur décisions ?
*Contre laquelle je n'ai rien si elle reste au comptoir

مع السلامة
J'ai pris le temps de lire le rapport mis en lien par Olivier (merci) c'est encore pire que transmis par l'article. J'ai pas pu dépasser la page 9 sur 60 !
Et la courbe de la délinquance ? Vous avez vu la courbe ?
Faut-il en rire ou en pleurer ?
J'y retrouve toutes les niaiseries et lieux communs entendue aux commissions jeunesses de la mairie (de gauche) lorsque je travaillais au centre social.
Le directeur a même osé y dire que la délinquance augmentait dans le quartier pour preuve : il avait croisé la veille trois voyous sous un porche qui l'ont insulté !
Les décisions politiques sont prise à partir de ce genre de vexation personnelle, j'enrage !


Faut-il en rire ou en pleurer ?
J'y retrouve toutes les niaiseries et lieux communs entendue aux commissions jeunesses de la mairie (de gauche) lorsque je travaillais au centre social.
Le directeur a même osé y dire que la délinquance augmentait dans le quartier pour preuve : il avait croisé la veille trois voyous sous un porche qui l'ont insulté !
Les décisions politiques sont prise à partir de ce genre de vexation personnelle, j'enrage !

مع السلامة
- Toirdhealbhách
- Membre / Member
- Posts: 820
- Joined: 10 Dec 2004 03:32
Pour dévoiler totalement leurs idées nauséabondes, ils auraient pu carrément dire que les langues d'Afrique Noire et d'Afrique du Nord sont plus propices à transformer les jeunes en délinquants. Il y a qq années ils auraient écrit que c le portugais, ou le polonais (Didine, Miguel on sait tous que vous piquez les sacs à main des petites vieilles, vous êtes démasqués!
), etc. Bientôt ils diront que c'est le fait d'être musulman qui pose problème, sans doute. Le pb en France à mon sens, c'est que l'on recherche pas à intégrer les immigrés, mais à les assimiler: à en faire des francais, monolingues, vaguement catholiques et aux opinions formées par l'école républicaine et par la télé. Si on sort du moule, ça pose problème.
Grrrrrrrrr

Grrrrrrrrr

-
- Guest
Mhh jamais vu trop "l'integration" sous cet aspectToirdhealbhách wrote:Le pb en France à mon sens, c'est que l'on recherche pas à intégrer les immigrés, mais à les assimiler: à en faire des francais, monolingues, vaguement catholiques et aux opinions formées par l'école républicaine et par la télé.

Bon il est vrai que certaines personnes, pour differents motifs peuvent ressembler a cette caricature, mais je pense que le fait d'avoir deja une double culture et etre bilingue ne peut etre qu'un plus.
Qu'on laisse les personnes avec des oeilleres a leur place.
Le monde continuera d'evoluer sans elles

- Toirdhealbhách
- Membre / Member
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- Joined: 10 Dec 2004 03:32
-
- Guest
ç'est une sombre connerie!!! ç'est tout simplement scandaleux !!!
ils feraient mieux d'encourager les écoles bilingues langue régionale / français, et pour les immigrés une partie de l'enseignement ds la langue maternelle, çe serait une preuve de respect et d'ouverture .
et quand on voit l'enseignement des langues à l'école
...(et faut pas croire qu'en Belgique ç'est parfait ...
Sinon à ce sujet là j'ai un lien à vous proposer je sais pas si vous connaissez http://www.cahiers-pedagogiques.com/art ... rticle=850



ils feraient mieux d'encourager les écoles bilingues langue régionale / français, et pour les immigrés une partie de l'enseignement ds la langue maternelle, çe serait une preuve de respect et d'ouverture .
et quand on voit l'enseignement des langues à l'école

Sinon à ce sujet là j'ai un lien à vous proposer je sais pas si vous connaissez http://www.cahiers-pedagogiques.com/art ... rticle=850