Récemment, je posais la question - et je me la pose sans cesse - de comment continuerait le monde, comment il finirait, quand, où, pourquoi. Ce matin, je regardais les informations que ce petit appareil noir, sagement rangé comme attraction essentielle de chez mes parents, voulait bien me distiller.
Ce matin, j'ai vu des cortèges, j'ai vu un match de football, en Pologne, interrompu et subitement remplacé par les prières collectives de tout un stade, public, joueurs, dirigeants compris; j'ai vu une jeune femme, polonaise je crois, pleurer devant un policier qui ne voulait pas la laisser passer. Bien que n'étant pas et n'ayant jamais été un grand fan du Pape, qu'il s'agisse de Jean Paul II, ou de ses prédécesseurs, et que j'ai passé plus de temps à me moquer, à m'irriter, à critiquer, qu'à bénir ses paroles et ses prises de position, je n'ai pu que respecter toute cette prodigieuse marée humaine - sous couvert d'une médiatisation globale, l'ère de la communication, de la mobilité virtuelle, du "tous sens", signe de notre temps, bonne ou mauvaise, là n'est pas la question - cette prodigieuse marée humaine, que dis-je cet engouement, un engouement populaire - on croirait presque un bonheur mondial, oui, bonheur, aussi étrange que cela puisse paraître. Le bonheur du communautaire, du ensemble, émergeant du malheur tout aussi collectif.
Ce matin, je me suis pris à imaginer cette ferveur sous un jour plus durable. J'ai senti un sanglot monter en moi, très intérieur, presque contrôlé. Pas pour le Pape, malgré tout mon respect. Non. Pour cette humanité que j'ai condamnée. J'ai senti résonner en moi une phrase étrange: "Dieu, que l'humanité est belle !" Oui, que l'humanité est belle, quand elle se donne, quand elle pleure, quand elle palpite. Dieu, si Vous existez, confirmez-moi ! Hein dites, que l'humanité est belle ! Comme elle donne envie de vivre et de la boire ! Et j'ai étreint mon propre esprit, un câlin intérieur, une envie d'embrasser le monde dans sa globalité. Peste soit de la faiblesse humaine. Peste soit de mes sentiments trop passagers, trop naïfs.
Peu après, j'ai aperçu, au milieu des pèlerins, des drapeaux. Polonais, bien sûr. J'avoue m'être demandé ce que la fierté nationale venait faire dans tout cela. J'ai mis de côté ma poutre, comme dirait Quelqu'un, pour regarder la paille dans l'oeil des voisins. Drapeaux. On ne les oublie donc pas en pèlerinage. J'ai commencé à douter de mes sentiments précédents.
Et puis j'ai lu le petit bandeau de la RTP, au bas de l'écran: les prophéties de São Malaquias, dont j'ignore la traduction en français. J'ai fait une recherche rapide sur la toile. Jean Paul II est censé être l'anté-pénultième pape de l'histoire du monde chrétien. Le prochain, placé sous le signe de l'olivier, durera peu et exercera dans la paix pseudo-mondiale. Le suivant, venu du grand Nord, verra sa Rome écrasée sous le feu et le sang. Y croire ou ne pas y croire, peu importe. Je tiens pour impossible seulement ce qui n'est pas arrivé dans le passé. Tout avenir est plausible.
L'humanité est-elle belle ? Je n'ai pas répondu à la question. Ai-je d'autres questions à poser ? Je ne sais pas lesquelles, mais oui, sans aucun doute. Je ne perçois même pas moi-même le pourquoi de ce que j'écris. L'émotion et la pensée positive sur l'humanité a cédé la place, en quelques minutes, à l'émotion du propre pessimisme sur ce monde. Loin de vouloir décourager les personnes qui auront été au bout de mes réflexions quelque peu confuses et approximatives, je souhaite soulever des interrogations sur le devenir de notre planète.
Vous ne lirez pas la suite de mes élucubrations. Celles-ci surgiront pour s'endormir aussitôt, dans une mouvance perpétuelle, dans ma paisible solitude.
