
D'abord, avant de se demander si les profs français ont raison ou tort d'adopter telle méthode, je rappelle qu'ils n'ont théoriquement pas le choix. Il existe
un programme, mis au point et précisé dans des documents d'ordres juridiques et législatifs,
une pédagogie établie avec obscurité et circonlocution dans ces mêmes documents (les "accompagnements" des programmes, eux-mêmes rédigés en chinois) et proclamée par les IUFM, un corps d'inspection pour veiller à leur application, et surtout surtout surtout,
un manuel scolaire (par établissement, plus ou moins une dizaine homologués sur le marché suivant les langues), comme par hasard rédigés par des inspecteurs et des iufmards en goguette...
... Les libertés méthodologiques, en classe, tiennent du braconnage.
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Cette mise au point et ces sarcasmes accomplis, je réponds immédiatement à ta question par une autre question : à qui ?
A qui enseigner les langues, d'une façon générale (est-il raisonnable de penser que
tout une population scolaire a pour but, entre cent mille occupations intellectuelles possibles, d'apprendre des langues étrangères ?
Et plus précisément, qui est concernée par ta question ?
Apprendre les langues à des fils de bourge ambitieux de S d'Henri IV, c'est facile : a. tu leur rappelle que l'anglais est nécessaire pour les carrières à plus de 5 K€ (oui, car la question concerne l'anglais, les autres langues on s'en tape), b. tu leur demandes d'apprendre par coeur le Collins de "A" à "Zythum" avec interro au bout ; ils le feront.
... D'ailleurs c'est inutile, ils le savent déjà. Ils sont allé dans une maternelle bilingue comme celles qui font en ce moment leur pub dans les cinémas de Lyon

P*** de salop***erie de m*** (pour moi, faire de la
publicité pour une école, c'est de la pornographie

).
Apprendre l'anglais à des gamins de ZEP en "grandes difficultés" comme euphémiserait l'autre, là, c'est autre chose.
Apprendre l'anglais à celui dont la chérie d'amour colombe en sucre etc. est australienne et qui brûle de la rejoindre.
Apprendre l'anglais au pauvre collégien certainement très intéressé par les chéris d'amour colombes en sucre, mais qui ne sont malheureusement pas anglophones (bien qu'en quartier pauvre, elle se prénomme Jennifer, Branda ou Kevina) : collégien dont l'intérêt pour l'exercice 12 page 32 n'est malheureusement pas aussi marqué.
Apprendre l'anglais dans un pays riche, jouissant d'une forte couverture sociale, d'une faible amplitude sociologique et d'un système scolaire remontant à la Réforme et enraciné dans les familles.
Apprendre l'anglais dans un pays appauvri, précarisé, passé par trente ans de crise, de tradition catholique et donc analphabète il y a un siècle, et où l'école a dû se battre pour exister.
Et puis surtout : apprendre l'anglais à 30 élèves différents malgré toutes les uniformisations possibles (même sociales), c'est-à-dire 30 individualités, 30 êtres, 30 histoires personnelles, 30 parcours scolaires.
Toi, tu as un avantage de poids :
Pour l'instant je donne des cours en anglais à des collégiens, et c'est vrai que j'aimerai le faire d'une façon un peu divertissante, mais au final j'en reviens toujours à rester sur la grammaire.
Et pourquoi serait-ce mal que d'enseigner la grammaire ? On peut retourner le problème par tous les bouts, une langue est quand même un tricot de grammaire et de vocabulaires, avec quelques ourlets en idiotismes.
... Les méthodes actuelles qui ont cours dans nos établissements secondaires prétendent favoriser l'aspect communicatif, au détriment de la grammaire. Partant du constat qu'on ne peut plus enseigner la grammaire de façon "massive", lourde, uniforme, comme on le faisait autrefois, puisque les enfants n'ont plus forcément la culture nécessaire à ces fins (autrement dit : un gamin de 5e ne sait pas forcément ce qu'est un pronom ; donc faire un cours magistral sur "le régime des pronoms anglais" comme on le ferait à la fac est impossible). Soit.
Sauf que plusieurs années sur freelang et en particulier en latin, sans compter ma propre expérience, me font penser qu'on en est venu à tuer complètement la grammaire. Surtout en anglais ! Du fait de sa relative "transparence" (à faible niveau du moins) et de sa quasi-absence de morphologie, on zappe toute la grammaire et on arrive au bac sans rien savoir des verbes de mode, de la syntaxe de "when" ou des verbes irréguliers.
... Un prof particulier a l'extrême joie de pouvoir faire ce qu'un prof normal (=devant 30 élèves) ne peut pas faire : combler
personnellement les trous. Donc, si ton élève n'a jamais entendu parler des pronoms anglais ou de which et who, c'est précisément à toi de le faire ! Ton élève t'en saura bien plus gré que d'essayer de prolonger à la maison la "communication" qu'il subit (à mon avis, sans bien souvent trop y croire) en classe.
La bonne méthode, c'est celle qui marche. C'est tout.
Et l'éducation n'a pas pour
finalité d'être divertissante. Je ne dis pas qu'un bon prof est forcément un prof rasoir, mais le ludique et le récréatif ne sont que des moyens, je dirais même des ruses, pour capter l'attention de quelqu'un...
... Le besoin de "capter", tu l'as beaucoup moins étant face à une personne que face à trente.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)