Maïwenn wrote:Pim wrote:je suis entièrement d'accord avec ta méthode, il me semble un peu étrange quand on aime les langues de ne pas passer un peu de temps dans les pays dont on utilise la langue...
Il n'y a pas que les traducteurs qui ne bougent pas... Les profs c'est pareil ! Mes collegues, profs de francais donc, ne sont pas allees en France depuis leurs etudes, ca fait presque 25 ans. Et ca n'a pas l'air de leur manquer !

Ce qui est amusant, c'est qu'il m'est arrivé de discuter avec un prof d'anglais (du secondaire) qui m'avait dit avoir choisi l'enseignement plutôt que tout le reste pour pouvoir continuer de voyager, même si ça devait être avec 40 ados plus occupés par le contact avec les filles qu'avec une civilisation étrangère (ou à l'extrême limite les filles d'une civilisation étrangère - ou garçons selon les préférences).
Mais en sens inverse, je suis un professeur de lettres, et quoique j'aime beaucoup travailler le théâtre avec mes élèves, je n'y vais absolument jamais

. Non plus que je ne me rue sur les conférences sur la littérature, ni ne lis vraiment d'ouvrages critiques - ou alors parce que mes acquis universitaires sont pris en défaut ("zut, c'est quoi déjà la différence entre l'épanalepse, l'épanastrophe et l'épanadiplose ?"

) ; et je fuis littéralement toutes les expos trop municipales et les films trop magnifiquement scolaires (du type "biographie d'Alexandre Dumas"), et toute forme de "pièges à profs de français". Et je ne suis pas un prof très "sorteur de classes", je l'avoue.
À 23 heures : des copies, oui, des élèves, non !
Je crois qu'il est humain de vouloir poser des limites entre sa vie privée et sa vie professionnelle. Certes, dans les salles des profs, j'ai toujours trouvé peu intéressants voire peu sympathiques les collègues que leur matière n'intéressait plus (alors que je m'entends sans difficulté avec ceux dont les opinions politico-syndicalo-pédagogiques sont totalement différentes des miennes), et constaté que les profs qui "tenaient" encore en fin de carrière étaient souvent ceux dont les acquis purement scientifiques étaient les plus solides et qui continuaient à parler à leurs collègues des guerres médiques, de la factorisation des nombres premiers ou de la jurisprudence de la cour de cassation avec des étoiles dans les yeux (je pense qu'Elie va me rejoindre sur ce point).
Pour autant, il est difficile de mettre sur 40 ans de carrière répétitive et routinière (tout métier l'est un jour - devant les élèves, j'ai parfois l'impression d'être un magnétophone, d'ailleurs la cassette commence déjà à s'user) l'énergie passionnelle qu'on avait pu mettre dans ses études... Ce dont on ne se rend pas toujours compte, quand on est jeune, et précisément encore dans ses études.
Ou alors, il faut avoir d'autres motivations, en plus. Si les profs de langue partent si facilement un mois et demi dans le fond du Sussex, c'est qu'ils le ressentent comme un privilège (leur métier leur fait avoir des contacts avec des profs dans le Sussex, et donc ils peuvent loger gratuitement, et se vanter de vacances aussi longues et exotiques devant leurs collègues qui n'en ont pas les moyens). Tout comme notre Svernoux me semble (me trompé-je ?) très heureuse de l'indépendance procurée par son nouveau statut et à voulu en profiter en tant que telle, tout en pensant peut-être aussi que son séjour permettrait d'améliorer voire d'étendre les activités de son entreprise, et c'est une quête tout-à-fait légitime. J'avoue bien volontiers que si je me jette sur toutes les formations pédagogiques de latin (que je n'enseigne même pas pour l'instant), c'est par amour pour le latin certes, mais aussi parce que je ne ferme pas la porte à la possibilité de demander un jour une classe préparatoire à s'il vous plaît monsieur l'inspecteur général que je respecte infiniment très beaucoup, sans en faire aucunement (mais alors aucunement) une obsession, et qu'il me faudra le cas échéant avoir des arguments.
Bref, message d'un vieillard plein de sagesse de pas encore trente ans : la passion, c'est comme un bain chaud, ça finit toujours par refroidir. Ou alors, il faut rajouter de l'eau de temps en temps.
PS : Svernoux, on te laisse le temps d'aterrir, mais après, c'est resto obligatoire ! J'ai bien dit obligatoire, ou alors il me faut un mot des parents et un certificat médical et vous verrez cela avec le CPE.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)