le vernaculaire, la géographie, les méthode quantitativistes

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vallisoletano
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le vernaculaire, la géographie, les méthode quantitativistes

Post by vallisoletano »

salut,

questions aux linguistes, j'espère que ca pourra arriver à un débat et alimenter ma réflexion ...

1) les linguistes (si j'utilise le bon terme ...) utilisent-ils parfois la méthode géographique (cartographie, analyse géographique de toponymes, par exemple) pour démontrer des origines, des fréquences de mots ou d'expressions dans certaines contrées, à de plus ou moins grandes échelles?

2) les linguistes sont-ils comme les autres, c'est-à-dire font-ils de leur science une science obscure étanche aux savoirs vernaculaires? y a-t-il une sociologie de la linguistique et des chercheurs en sciences linguistiques, ceux d'aujourd'hui et ceux du siècle passé?

3) les linguistes, encore, eux, utilisent-ils des méthodes quantitatives, statistiques et autres, dans leurs recherches étymologiques ou sur la diffusion de sons, mots, expressions, etc.?

4) mes questions sont-elles compréhensibles?

merci :hello:

PS: au besoin, vous pouvez citer des ouvrages qui répondant aux questions, si la perspective de vous lancer dans un cours de méthodologie linguistique vous rebute, ce que je comprendrais parfaitement.
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Maïwenn
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Post by Maïwenn »

Je peux repondre a ta question 1

Oui. Nous utilisons ce qui s'appellent des atlas linguistiques. Comment ca se presente ? Tu peux voir une carte du Nouvel Atlas Linguistique de Basse-Bretagne ici : http://www.webzinemaker.com/admi/exec/p ... 2&id=38663

C'est en fait tout betement une carte avec des mots dessus. Tout betement, c'est un peu fort quand meme, ca presuppose un immense travail d'enquete au depart.

On peut utiliser ces cartes pour savoir comment tel mot se dit, ou se prononce a tel ou tel endroit. On peut aussi les utiliser pour comprendre l'evolution de la langue.

Voila deja un petit apercu sur les cartes
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Rónán
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Post by Rónán »

Un mot sur le nouvel atlas linguistique de Basse-Bretagne:
Y a aucun exemple de phrase (ou alors peut-être deux sur plus de 1000 cartes), aucun verbe conjugué, pratiquement que des substantifs.




Rónán
Last edited by Rónán on 21 Nov 2004 17:46, edited 2 times in total.
Teangaí eile a dh’fhoghlaim, saol úr a thoiseacht.
Apprendre une autre langue, c'est comme le commencement d'une autre vie.
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Maïwenn
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Post by Maïwenn »

Je suis pas sure que Miguel voulait des renseignements precis sur le NALBB... Je l'avais juste utilise pour illustrer ma reponse
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vallisoletano
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Post by vallisoletano »

non mais ça m'intéresse de toute façon ;)
merci pour ces infos, je serai curieux de voir un atlas linguistique en entier, l'image je la voyais pas super bien, mais je suis sûr qu'en tant que géographe, j'y trouverais des raisons de haïr les linguistes :lol:

non, plus sérieusement, j'espère que d'autres pourront répondre aux autres questions.

mais c'est déjà très bien tout ça, merci Maïwenn et Pwyll :D
si vous avez d'autres informations, voire des débats à lancer sur le sujet, je suis preneur ;)
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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

:) Questions très intéressantes auxquelles je me ferai une joie de répondre...

:( Mais tu tombes mal ; il est tard, j'ai cinq de train dans les jambes, pour ne pas dire dans les pattes, subséquemment à quoi je suis chez ma mamy (grand-mère, grand-maman, bonne-mamy, mémé, mémère... Non, grany, vraiment je peux pas ;) ) en conséquence de quoi je n'ai pas mes livres.

Je te ferai une belle réponse demain ou lundi. Mais là : :sleep:
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Bébert
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Post by Bébert »

Je n'ai pas de réponses à toutes tes questions.

Mais, comme pour la Bretagne, en Alsace les mots ne sont pas prononcés de la même façon d'un village à l'autre, d'une sous-sous-région à l'autre, et parfois même on n'utilise pas les mêmes mots.

En effet, si tous les dialectes alsaciens sont des parlers germaniques, nous héritons surtout des Alamans qui nous ont laissé les bas-alémaniques du nord et du sud (plus grande partie de l'Alsace) et le haut-alémanique (sud du Haut-Rhin, proche de la Suisse) et des Francs qui nous ont laissé le francique rhénan lorrain (Moselle dialectophone et nord-ouest du Bas-Rhin, l'Alsace bossue ou tortue) et le francique rhénan méridional (nord-est du Bas-Rhin, au nord de la forêt de Haguenau, l'Outre-forêt).

Les cartes répertorient tous ces phénomènes (de façon plus professionnelle qu'en Bretagne, d'après ce que disent les Bretons; entre autres par des profs de dialectologie de la Fac de Lettres, qui sont capables selon la prononciation de tel ou tel mot de dire de quel village ou endroit vous venez).
Vous en trouverez sur les sites suivants :
- un peu de théorie :

http://perso.wanadoo.fr/culture.alsace/ ... stique.htm

- une carte :

http://perso.wanadoo.fr/culture.alsace/carteling.htm

- théorie et cartes :

http://perso.wanadoo.fr/alain.lorange/a ... /lang4.htm

Une différence notable entre le francique et l'alémanique est l'inexistence du "f" après "p" en francique : ainsi la livre, Pfunt/Pfund en alémanique devient Punt/Pund en francique, petite monnaie, Pfennig/Pfenni devient Pennig/Penni et la pipe, Pfeiff/Pfiff devient Peiff...
Cette petite digression me permet de signaler que les Angles et les Saxons qui ont envahi ce qui est devenu l'Angleterre, parlaient le francique et ont apporté les mots pound, penny et pipe (entre autres...) à la langue qui est devenue l'anglais.

C'est à peu près tout ce que je peux dire, n'étant ni sociologue des linguistes, ni historien des géographes de la linguistique...
I know you believe you understand what you think I said but I am not sure you realise that what you heard is not what I meant
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Maïwenn
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Post by Maïwenn »

de façon plus professionnelle qu'en Bretagne, d'après ce que disent les Bretons; entre autres par des profs de dialectologie de la Fac de Lettres, qui sont capables selon la prononciation de tel ou tel mot de dire de quel village ou endroit vous venez
On a des profs comme ca aussi... Moi aussi je suis capable de localiser a peu pres une personne a son accent en breton, et je suis pas prof ;)
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vallisoletano
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Post by vallisoletano »

nous à paris, c'est différent, tu reconnais l'arrondissement aux chaussures du gars, et la cité à sa façon de relever le bas de son pantalon et ses chaussettes. :lol:

plus sérieusement, je regarderai les liens tout à l'heure, quand j'aurai plus de temps, merci bcp ;)
vallisoletano
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Post by vallisoletano »

euh ... je remonte ce sujet ... sisyphe m'avait promis une réponse. je me rappelle à son bon souvenir, tout en ayant bien conscience qu'il n'a pas que cela à faire. ;)
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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

Miguel wrote:euh ... je remonte ce sujet ... sisyphe m'avait promis une réponse. je me rappelle à son bon souvenir, tout en ayant bien conscience qu'il n'a pas que cela à faire. ;)
:hello: J'arrive, j'arrive !

:-? Le pire, c'est que j'avais déjà commencé à rédiger la réponse depuis longtemps, au moins pour deux questions. Puis je voulais aller chercher dans un ouvrage pour répondre à la troisième, puis le temps a passé, puis j'ai carrément perdu mon fichier .txt dans abysses de mon ordinateurs. Noilà, noilà...

Alors, nous disions... Attention, c'est un tout petit peu long

* [Et zou, magie du copier-coller]

Si tu permets, je vais y répondre dans un ordre un peu différent.
2) les linguistes sont-ils comme les autres, c'est-à-dire font-ils de leur science une science obscure étanche aux savoirs vernaculaires ?
Tout d'abord, il faut bien comprendre que la linguistique est essentiellement faite par des universitaire, et qu'un bon universitaire considère que tout ce qui dépasse le cadre de sa thèse et la porte de son bureau est absolument sans intérêt, surtout le p'tit con du bureau d'à côté - pardon le "cher collège dont j'admire les travaux même si je ne saurais en partager les conclusions" (on appelle ça le compliment universitaire : une petite aménité suivie d'une grosse vacherie, le tout entouré de beaucoup de componction).

Bon, j'exagère peut-être un peu mais pas tant que ça. En réalité, s'il est évident que l'habitude de la "spécialisation" faire courrir le risque de passer à côté des données ou des outils des sciences voisines (voire des autres branches d'une même science), il n'y a plus de linguiste aujourd'hui pour faire de la linguistiques historique sans prendre en compte des données sociologique ou géographiques, ou sans raisonner parfois selon les règles de la synchronie ou de la linguistique générale. On peut en revanche continuer de regretter la coupure (voir le mépris) qui existe parfois entre recherche "professionnelle" et recherhe "bénévole" (sociétés d'émulation, etc. J'aurais aimé que Michel K. participât encore à ce forum, il aurait pu t'en parler). J'ignore ce qu'en pense Ronan, mais il me semble que dans un domaine comme la dialectologie française (au sens géographique), elles ont un rôle primordial.

Mais pour bien envisager la question, il faut peut-être se demander "qu'est-ce que la linguistique". Et je trouve intéressant que ce soit toi qui l'amène, parce que j'ai toujours dit que la linguistique était un peu dans le même cas que la géographie. Peut-être as-tu subi un jour ce mépris des historiens (et plus encore des autres étudiants des facs de lettres) pour les géographes, considérés comme de scientifiques, d'ailleurs ratés, et donc traîtres à la cause. Certains aspect de la géographie, en effet, relèvent totalement des sciences exactes : géologie, géomorphologie en générale, météorologie, etc. D'autres semblent marcher sur les plates-bandes de sciences humaines constituées (comme l'économie) et "sérieuses", puisque reposant sur la statistique et des lois enregistrées. D'autres aspect, comme la géopolitique ou les études urbaines, sont beaucoup plus floues, sans parler des purs théoriciens genre schéma de Christhaller (orthographe pas sûre). Au total, entre le géomorphologue et son calcaire dolomitique et le spécialiste des émeutes urbaines, il n'y a pas grand-chose en commun, et pourtant aucun ne doute qu'il est géographe.

Tout pareil pour la linguistique. La linguistique dite générale étudie la théorie de la langue, d'une manière parfois si conceptuelle qu'elle termine totalement dans les mathématiques, la synchronie (en ce royaume-là, notre Altesse Ann est impératrice et t'en parlera mieux que moi) étudie les langues pour-elles même, dans un système clos, et quand elles en compare deux, elle le fait de manière contrastive, en notant ce qu'elles ont de différent, et ce qui est productif chacune (le premier groupe des verbes français est productif : je peux inventer et conjuguer le verbe "freelanguiser", le troisième, les verbes irréguliers, est non-productif : on n'y trouve aucun verbe nouveau). Tandis qu'un diachroniste dans mon genre étudie les variations dans le temps (mais aussi dans l'espace) d'une langue. De là des spécialisations au final très diverses (entre le linguiste général et le dialectologue), renforcées par des sous-spécialisation (langues classiques, études celtiques, études slaves, études romanes), chacun ayant tendance à passer à côté, voire à mépriser les résultats de l'autre.

Mais la linguistique ne se contente pas de ses outils propres : elle utilise ceux d'autres domaines. De même que la géographie intègre des données historiques, économiques, sociologiques, voire culturelles... et linguistiques. On a ainsi une sociolinguistique, une géolinguistique, une psycholinguistique, voire une neurolinguistique (l'étude des pathologies du langage fait aussi partie de la linguistique), pour le détail voir ci-dessous. Il ne s'agit pas - comme le considèrent certains - de marcher sur les plates-bandes des autres, il s'agit d'utiliser leurs outils conceptuels pour l'analyse d'un fait qui nous est propre. Comme toutes les sciences humaines, la linguistique se caractérise au moins autant par son objet que par le regard qu'on y pose.

Pour résumer, mon prof de géo de khâgne nous avait dit un jour "la géo, c'est pas seulement la terre, c'est la terre ET ce qu'on en fait - comment les hommes gère et organise (ou pas) une donnée de base (la géophysique) et comment à son tour cette gestion et organisation réagissent sur la première donnée". Pareil pour la linguistique : c'est la langue ET ce que les hommes en font.

[je coupe pour ne pas faire des messages trop longs]
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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

1) les linguistes (si j'utilise le bon terme ...) utilisent-ils parfois la méthode géographique (cartographie, analyse géographique de toponymes, par exemple) pour démontrer des origines, des fréquences de mots ou d'expressions dans certaines contrées, à de plus ou moins grandes échelles ?
Oui. La géolinguistique est un des domaines majeurs de la linguistique "vivante" (= pas la linguistique générale). Et cela se décline de multiples façons.

Parlons d'abord de la toponymie, car c'est une science essentielle. C'est à peu près la seule qui permette de reconstituer l'histoire des langues avant qu'elles ne développent une écriture ; les noms de lieux étant ce qu'il y a de plus conservateur ; un nombre considérable de lieu en France, par exemple, ont un nom antérieur aux langues celtiques ; en terre américaine, des noms aussi importants que Massachusetts, Kansas, Ottawa ou Mexico doivent leur noms à des peuples qui n'ont peut-être plus un seul locuteur vivant. On s'appuie beacoup sur les toponymes, par exemple, pour reconstituer l'histoire des migrations indo-européennes.

Cela étant, c'est une science à pièges. L'évolution de ces termes, qui par définition n'ont pas de "sens", est encore plus radicale que les autres (pas grand-chose de commun entre Lugdunus et Lyon), l'adaptation du nom d'un lieu déjà existant par des populations nouvelles est parfois très approximative (cf Moskva, Moskau, Moscou, Moscow, ou pire : Dantzig/Gdansk. Ronan pourait nous parler des "francisation" de noms bretons). Enfin, une danger assez courant consiste dans la réinterprétation des noms d'une langue antérieure dans la langue postérieure. Les latins ont tranformé *Lutikia, qui doit bien signifier qqchose en celtique, en Lutecia à cause de "Luteus", argile. Sans aller très loin : il y a un petit village du Doubs qui s'appellait Pierrefontaine-lèz-Varan, où "lèz" est une préposition de l'ancien français, issu de *lata (cf. latéral) et qui voulait dire "du côté de", mais n'étant plus comprises, elle a été prise pour un article, et du coup on a écrit "Pierrefontaine-les-Varans". De même Montbéliard (le Mont de M. Béliard) prononcée à l'allemande [montpeliart] est devenu en allemand Mömpelgart (du temps où elle dépendait des ducs de Wurtemberg), avec un élément -gart, qui veut dire "jardin" (all. mod. Garten) et qu'on retrouve dans Stuttgart, etc.

J'en viens maintenant à la géolinguistique proprement dite. On peut la considérer d'abord de manière "passive" : un simple enregistrement cartographique de données linguistiques d'une région - ce que Ronan a signalé pour le breton. En réalité, le premier atlas dialectal de la France remonte au XIXe (à l'époque où on rangeait à peu tout sous le nom de "patois"). C'est précisément dans ce domaine que les sociétés d'études locales sont utiles.

Mais quand je dis "simple", ça ne veut pas dire qu'on puisse le faire "bêtement et sans réfléchir". On peut, à l'échelle du monde, dresser des cartes assez claires des langues parlées (ce qui est fait par exemple dans L'atlas des langues du monde, j'ai plus le nom de l'auteur, édité chez Autrement, que tu peux d'ailleurs acheter car il est bien fait, petit (trentaine de pages, format "carnet de note de prof"), et pas très cher). Par contre, si l'on entre dans le détail des variations d'une langue, et à fortiori dans une zone dialectale sans norme fixée, il y a autant de variations que de villages.

La technique habituelle consiste à prendre UN élément, (par exemple le passage de *ti à *si dans les dialectes grecs) et de relier par une ligne tous les points où cet élément se produit ; lignes que l'on appelle isoglosses. Je te ferai remarquer que ces "isoglosses" sont totalement identiques dans leur principe aux isomètres, isobares et autre isohyètes de ta géographie. On constate en général qu'un nombre importants lignes se superposent à peu près, auquel cas on dit qu'il y a là UNE variante dialectale. Le groupe dialectal éolien, en Grèce, a par exemple quatre isoglosses totalement communes.

Ceci amène à une autre vision de la géolinguistique, plus "active", qui consiste à se demander comment la langue d'une communauté s'étend sur un territoire. Quand un groupe arrive en effet dans une zone déjà peuplée, il arrive qu'il impose sa langue à ceux déjà présents, soit en massacrant tout le monde (cf. Amériques), soit de manière plus pacifique (encore que), en en imposant par sa culture et sa centralisation administrative (cf. la latin sur le gaulois) ; et parfois c'est le contraire, les arrivants prennent la langues des conquis (le germanique sur le latin en France). On parle alors selon les cas de susbstrat (reste d'une langue disparue dans une zone linguistique : le gaulois dans le français), ou au contraire de superstrat (une langue arrivée et disparue qui a laissé quelques traces : le germanique sur le français). On parle même d'adstrat pour rendre compte de certains phénomènes de frontières, comme "attendre sur qqun" (=attendre qqun) en franc-comtois = all. warten auf.

Enfin, une version plus conceptuelle de la géolinguistique amène à envisager ces faits de manière plus structurelle et à plus petite échelle (au sens géographique !!!, plus "grande" si tu préfères : à l'échelle d'un groupe de langue) ; ce qu'on nomme parfois linguistique aréale. Exemple classique et simple : la théorie des ondes. Si l'on regarde par exemple les langues romanes, on se rend compte qu'une modification s'est produite dans presque la totalité d'entre elles : le o long non entravé ( = qui finit la syllabe, e.g. nô-vus) se diphtongue : nuovo en italien, nuevo en espagnol, nuef en ancien français, etc. Partout, sauf que les extrêmité du monde latin : en roumain et (je ne te ferai pas l'injure de te l'expliquer !) en portugais (nôvo ?), ainsi que dans les zones isolées par une mer peu franchie, comme en Sarde. Telle une onde dans l'eau partie d'un centre (en gros l'Italie et Rome) et qui va en diminuant vers l'extérieur, et qu'arrête parfois un gros caillou. Cf. en français où les archaïsmes se retrouvent souvent dans le midi, en Belgique et en Franche-Comté, c'est à dire sur les bords.
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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

:D, Voilà, il me reste encore deux questions (sociologie de la linguistique et méthodes quantativistes) ; là je n'ai que des brouillons, mais PROMIS je pense à toi TRES vite (dès que j'en ai marre de mon boulot scolaire, ça devrait arriver asser vite).

Par contre je peux quand même répondre à la quatrième :
4) mes questions sont-elles compréhensibles ?
:sun: Oui.... :-? Mes réponses le sont-elles ?
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ann
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Re: le vernaculaire, la géographie, les méthode quantitativi

Post by ann »

Miguel wrote:1) les linguistes (si j'utilise le bon terme ...) utilisent-ils parfois la méthode géographique (cartographie, analyse géographique de toponymes, par exemple) pour démontrer des origines, des fréquences de mots ou d'expressions dans certaines contrées, à de plus ou moins grandes échelles?.
pour la méthode géographique pour déterminer l’origine... On est dans la diachronie, et Sisyphe t’a déjà amplement répondu mais
Miguel wrote: 4) mes questions sont-elles compréhensibles?
je réponds oui mais qu’elles sont orientés vers un certain type de réponses...
La géolinguistique, la dialectologie s’intéressent à la géographie et utilisent des données géographiques, historiques... Ces études ne sont pourtant pas obligatoirement diachroniques. On peut étudier la variation lexicale sans pour autant chercher les racines d’un mot et leur origine. Le mode de travail est souvent sociolinguistique, on fait des enquêtes sur le terrain (qui laissent parfois à désirer pour les atlas qui ont marqué une grande époque où l’on découvrait enfin qu’il y avait des variations dans la manière de parler français selon l’origine géographique et sociale.
Miguel wrote: 2) les linguistes sont-ils comme les autres, c'est-à-dire font-ils de leur science une science obscure étanche aux savoirs vernaculaires? y a-t-il une sociologie de la linguistique et des chercheurs en sciences linguistiques, ceux d'aujourd'hui et ceux du siècle passé?
Qu’appelles-tu les savoirs vernaculaires ? qu’entends-tu par cette question. La linguistique, ça c’est mon opinion et je n’oserais pas le dire dans une conférence devant des linguistes mais j’en ai souffert pendant une grande partie de mes études tant que je n’ai pas décidé de sortir des chemins déjà dessinés et d’une école particulière donc la linguistique est née comme science humaine, et nos premiers grands linguistes comme Saussure, Martinet, Benveniste sont de grands penseurs, ils se rapprochent de la philosophie du langage et sont parfaitement compréhensibles. Je ne saurais dater le moment où le linguiste a voulu que son savoir obtienne le sérieux d’une science exacte et a eu peur d’être littéraire ou multi-disciplinaire pour être scientifique et lu et compris seulement par un petit nombre d’initiés (Sisyphe t’en bave aussi hein !?!). Je n’ai eu de cesse d’essayer depuis plusieurs années de démontrer qu’on ne pouvait travailler dans un domaine de la linguistique sans faire appel aux autres domaines et autres sciences humaines. Mais bon je sors du sujet. Je travaille en ce moment sur la définition lexicographique et m’énerve avec les lexicographes qui nient que le fait de rédiger une définition d’un dictionnaire ait à voir avec la définition telle que la cherchent les philosophes (définir l’essence d’une chose) ou des logiciens ou des mathématiciens mais ne parviennent pas par ce biais à définir les règles qu’ils suivent pour ce faire.
Miguel wrote: 3) les linguistes, encore, eux, utilisent-ils des méthodes quantitatives, statistiques et autres, dans leurs recherches étymologiques ou sur la diffusion de sons, mots, expressions, etc.?
Là aussi c’est un sujet vaste et qui touche à la fois les diachronistes et synchronistes. Les premiers je ne saurais te dire comment ils font. Sisyphe l’a expliqué. Les lexicographes et lexicologues utilisent beaucoup aujourd’hui la statistique pour des travaux sur la « fréquence lexicale ». On découvre les ressources informatiques pour calculer la fréquence de certains mots chez certains auteurs, dans certaines sources orales, etc. et on découvre plein de choses qui malheureusement n’ont souvent pas grand intérêt pour la description des mots : comme dans d’autres sciences la statistique peut être perverse si l’on ne contrôle pas bien les variables et j’ai écouté moultes conférences très sérieuses en apparence dont les conclusions étaient totalement erronées à mon avis. Je m’explique : pour la lexicographie on utilise beaucoup la statistique en ce moment pour analyser les phénomènes de la « collocation » ou la constitution d’associations figées dans l’usage : certains noms apparaîtront quasi systématiquement accompagnés du même adjectif, etc. On en déduit que le dictionnaire doit rendre compte de l’association « nécessaire » de ces deux mots dans notre langue. Cependant certains chercheurs baseront leur étude de la collocation sur une recherche statistique sur deux années du journal Le Monde par exemple et fausseront sans s’en rendre compte les résultats puisqu’ils rendront compte 1) du français journalistique 2) du français d’un nombre restreint de journalistes 3) d’une langue centrée sur les thèmes qui ont marqués notre histoire des deux dernières années. On ne pourra absolument pas tirer des conclusions qu’on puisse généraliser à toute la langue française à partir d’un tel corpus.... Je m’allonge, je ne sais pas si j’ai répondu suffisamment à toutes tes questions, tu peux en poser d’autres sur ce que nous avons dit, ça éclaircira peut-être nos différents propos...

:hello:
Pile ou face?
vallisoletano
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Post by vallisoletano »

je vais digérer vos réponses avant d'aller plus loin. :lol:
(pas le temps de réfléchir ce matin, et il faut bcp de temps pour continuer ce débat)

merci déjà ...
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