Mon opinion sur le sport est liée, comme pour beaucoup, au véritable traumatisme qu'ont constitué pour moi les cours d'EPS.
Au collège, ce n'était pas très grave. Le sport était juste une matière que je détestais - et même celle que je détestais le plus ; mais dans l'ensemble je supportais avec stoïcisme. Et puis la nullité en sport faisait partie de mon "intelloïté" : je me devais presque par obligation d'être nul en sport, ça allait avec les bonnes notes, les lunettes rondes et les longues conférences incompréhensibles même pour les profs dont j'avais à l'époque l'habitude - mais j'ai changé, n'est-ce-pas ?
Le cauchemar fut au lycée. Ce que j'ai proprement haï dans l'EPS alors, c'était la grasse ambiance virile des vestiaires des garçons dont le système génito-hormonal avait provisoirement (on l'espère... J'en doute

) pris la place du système cérébral. Je garde notamment le souvenir d'une bande de gus qu'on appelait les 2b3 (pour ceux qui se souviennent des "boys bands") : grands, beaux, forts, virils et cons. De cette époque - et même de celle qui a précédé - je garde du sport l'image de la lutte, de l'affrontement, de la violence la plus néandertalienne qui soit. Il faut avoir manqué de se faire casser la g*** pour une histoire de balle qu'on aurait dû retenir (j'ai marqué deux buts dans ma vie, c'était contre mon camp) pour comprendre mes propos.
Comment souvent, j'ai survécu grâce à mes profs. A une seule exception près - et encore c'était un remplaçant - ils avaient l'intelligence de comprendre ma situation, que je partageais d'ailleurs avec un ou deux autres. Ils ne nous en voulaient pas de faire de la résistance morale au testostéronisme qui régnait en entonnant alternativement le Requiem de Mozart,
Greensleeve (chant traditionnel anglais du 16e s.) en voix de haute-contre (je me défends en voix de tête...), quand c'était pas carrément Dalida (oui gé veux mourrrrirrr surrrr scèèèneuuu, dévant les projécteurrr...) - mes copains étaient des musiciens.
Aujourd'hui que personne ne m'oblige à faire du sport, j'ai du mal à savoir quelle est mon opinion sur lui. J'essaie d'éviter les jugements hâtifs d'intello méprisant, mais j'ai quand même du mal à me reconnaître dans les valeurs du sport. L'exploit, la performance, le dépassement, ça ne me plaît pas trop. Les meutes hurlantes de supporteurs grimés comme des Apaches sur le sentier de la guerre, les sportifs arbredenoëlisés de grandes marques sponsorantes et exploiteuses d'enfants, et ces corps qui se détruisent à petit feu, parfois même légalement, sous le prétexte de la performance...
Non, vraiment, par tous ses bouts, le sport, j'ai du mal. Je me force à penser que les supporteurs de foute ne sont pas tous des beaufs (mon prof d'histoire de khâgne, sommité intellectuelle, était littéralement passioné par le foute, à peu près autant que par la déesse Potnia Therôn de Mycènes), qu'il y a de l'artistique et de la beauté dans l'action sportive. Mais j'ai du mal à faire abstraction de tout ce qui me donne envie de vomir ; d'ailleurs en EPS, il m'arrivait parfois de demander la permission d'aller vomir.
Sisyphe