
Rhaa ! Pourquoi vous entamez des débats super-intéressants juste au moment où je pars fêter les nonante ans de ma grand-mère, dans un endroit désolé tout en haut des neiges comtoises, lieu désert et sauvage, sans internet, ni eau ni électricité et où l'on accède qu'à dos de mulet - nan, j'exagère un peu.
... Ca fait trois jours que j'essaie de suivre ce débat, et chaque fois que je veux ajouter un élément de réponse, y'en a un autre qui recommence...
Bon, quelques points sur lequel j'irai vite :
- moipersonnellementjepensequ'àmonavisselonmoi j'ai le droit de dire que je pense que je crois et je crois que je le pense et lui il a le droit de dire qu'il ne le pense pas mais s'il n'est pas d'accord il peut le dire mais il ne faut pas dire qu'on ne peut pas le dire, et inversement, parce que les droits de l'homme, la liberté d'opinion et le chou à la crème. Moi aussi il m'arrive de dire des bêtises sur ce forum, mais je ne persévère pas...

HEIN ? QUI A DIT "SI !" ?
- Faut-il être matheux pour aimer les langues ? Y a-t-il des "littéraires" et des "scientifiques" ? L'aptitude pour les langues, les lettres, les sciences ou l'omelette norvégienne est-elle innée, ou acquise ? Qui vint en premier, l'oeuf ou la poule ? Etc. Tout cela me paraît un peu spécieux (eh spécieux d'imbécile, allez-vous me répondre ! C'est nul

).
@Ann : je suis le premier à dire que la linguistique est une science - encore que je me méfie, épistémologiquement parlant, du modèle mathématique (et des purs universaux de la linguistique générale, mais c'est un autre débat). Mais la langue n'est pas la linguistique, et "pratiquer une langue" pour le linguistique, le traducteur littéraire ou technique, le cadre supérieur dynamique opérationel et branché, l'amoureux d'une femme étrangère, le poète déraciné ou l'immigré maghrébin, se sont autant d'expériences différentes. Quant à savoir si l'on est "scientifique" ou "littéraires", attention : avoir fait un bac S ne veut pas dire qu'on est "scientifique" (finît-on agrégé de math et normalien, j'en connais). Ca peut tout simplement vouloir dire qu'on était bon élève et qu'on a été orienté (ou qu'on s'est laissé orienté) vers ce qui est vu à tort ou à raison comme la classe d'élite.
Sur ce, revenons à l'allemand. Eléments de réponses en vrac, mes excuses si j'ai oublié une intervention entre-temps, ou si les propos ultérieurs expliquent les propos que je cite et que je déforme peut-être.
mais j'avoue que ca m'a assez saoulee qu'on me demande : tu apprends quoi comme langue a l'ecole (la question deja souvent amenee comme celles de Jacques Martin dans l'Ecole des Fans... ), puis, comme la reponse contenait l'allemand, qu'on fasse une sale tete et que l'on dise : c'est moche, tu voudrais pas prendre une autre langue ? Genre pauvre petite. Souvent des gens qui n'ont pas fait d'allemand, d'ailleurs.
Caroline wrote: Pour en revenir à l'allemand, dans les collèges et lycées français, la langue allemande est souvent synonyme de "prestige" et d'élèves doués.. En général les classes allemand-latin ce sont les classes des bons... Quand on n'avait pas de notes assez élevées en 5eme les profs avaient tendance à proposer espagnol comme 2nde langue...
Hélas, Caroline, cela n'est plus... L'allemand a perdu son "prestige social" dans (on peut regretter que le choix des options - ou des établissements - se fasse uniquement selon une logique de "stratégie de réussite" pour beaucoup de familles, et je le regrette aussi ; mais enfin c'est un fait, et cet état de chose ancien avait l'avantage de maintenir l'allemand. Aujourd'hui l'allemand est en chute libre, surtout comme LV1 ; en témoigne la baisse permanente des postes au concours, alors que l'offre en anglais est pléthorique (ce qui ne garantit pas forcément un bon niveau de recrutement, passons). Les dernières [barré]conneries[/barré] propositions de notre bien-aimé ministre de l'éducation dont j'ai encore oublié le nom sur "l'anglais de la bourse" comme partie prenante des "savoirs fondamentaux" (ô le joli fourre-tout) le confirment.
Pourquoi, allez-vous me demander ? (en fait, vous n'alliez peut-être pas me le demander, mais j'ai besoin de cette question rhétorique). D'abord parce que les "stratégies d'orientation" sont aujourd'hui totalement intégrées par les nouveaux "consommateurs" de l'école, c'est comme ça. Aujourd'hui, on change son gosse de collège, on le balance dans le privée, on lui adjoint des cours privés type Acadomia etc. sans la pudeur dont, me semble-t-il, nos parents se revêtaient du temps déjà lointain (eh oui) où Caroline et moi faisions notre secondaire. Donc "l'intérêt stratégique" à moyen terme de l'allemand ne vient plus contre-balancer le "poids" supposé (à tort) de travail exigé à court terme par cette langue et "l'inutilité" supposée à long terme (à tort également) de l'allemand par rapport à l'anglais.
Car l'allemand, en lui-même et dans l'opinion publique, n'a aucune valeur ajoutée. Seules des couches un peu "culturées" (voir ce que je dis ci-dessous) de nos lycéens et étudiants sont à même de considérer les pas-tout-à-fait 100 millions de germanophones, leur pouvoir d'achat supérieur, la technologie germanique ou la bourse de Francfort, etc.

La culture, les lettres, l'art et la pensée, j'en parle même pas.
Ronan wrote: J'aime pas l'orthographe de l'allemand non plus, je sais pas pourquoi, c'est allergique, je la trouve repoussante, si on changeait les conventions orthographiques ca irait mieux
HEIN ??! Mais elle est formidablement simple !? Elle est presque phonétique ! Tu veux changer quoi ? ...
... D'ailleurs je n'ai toujours pas compris pourquoi les Allemands sont allé s'embêter avec leur récente réforme de l'orthographe, qui d'ailleurs est aussi mal passée que chez nous ça fait plaisir. Je ne vois vraiment pas ce qu'il y avait à changer.
C'est l'occasion de rappeler une chose : l'anglais soit-disant facile est une torture pour les élèves débutants. Evidemment, "nous" avons l'habitude de l'anglais, "nous" membres culturés de ce forum, nous qui regardons le journal de vingt heures (et pas forcément celui de TF1), nous qui écoutons France Inter, nous qui lisons Libé, le Figaro ou le Monde de temps à autres, nous, oui, nous avons l'habitude de voir de l'anglais. Mais un élève de 6e de banlieue telle que je les ai connus, devant "break" il lit [break] et "the" [te]. L'anglais nous parait si "évident" à la lecture (pour rejoindre un autre post en cours) parce que nous avons l'habitude, parce que nous sommes gavés d'anglais pour peu que nous sortions un tout petit peu de notre univers immédiat (sauf que tout le monde n'en sort pas). N'était le Ich-Laut et le Ach-Laut, l'allemand, c'est onze mois de gagné sur l'anglais pour la prononciation minimum.
Pour les enfants un peu dyslexiques qui se haussent jusqu'à la sixième grâce aux maths (16/20) et malgré le français (3/20), l'anglais, généralement, c'est le coup de grâce, le début de la chute absolu. Et comme bien sûr "si on est mauvais en anglais on est handicapé dans la vie" (mon boulanger, la secrétaire de mon percepteur et la bibliothécaire de la section "enfant" de mon quartier sont très, très handicapés par le fait de ne pas être bilingues), et comme il est devenu impensable de prendre allemand en LV1, ils finissent en steak haché.
Ronan wrote:Ce que moi je trouve dur en allemand, c'est l'ordre des mots dans les subordonnées. Verbe à la fin, mais dans nombre de phrases que j'ai à écrire en allemand à des amis, je me retrouve avec un verbe en trois parties plus je sais pas combien de compléments, et j'ai vraiment la sensation que mon résultat est trop lourd pour être correct...
Là encore je m'étonne : c'est vraiment super-ordonné. Je suis béat d'admiration devant le système hyper-logique de l'ordre mot et surtout des phrases (place zéro, deux et finale, tmèse du préverbe en place finale, etc.). On fait des thèses sur l'ordre des mots en latin - et je ne parle même pas du français (la place de l'adjectif en français, une des colles préféres à l'agreg de grammaire).
Ce qui est vrai par contre, c'est que les Allemands ont une fichue tendance à faire sauter les subordonnées. Donc, après huit an passés à apprendre que "ich glaube, dass er morgen kommen wird", on se retrouve avec un grand blond qui vous balance des "ich glaube er will morgen kommen" - que d'ailleurs il n'écrirait pas. Je t'accorde également que dans 3 % des textes (essentiellement littéraires, ou parfois journalistiques) les particules se baladent un peu loin. Mais pour le reste, la régularité germanique n'est pas un vain mot.
Rena wrote:Ce que je reproche à certains médias – et la France ne s’en lasse pas – c’est de toujours rabâcher les histoires des Nazis ! Les films sont toujours caricaturaux, les allemands sont des méchants et des cons
Ronan wrote:
Je me souviens d'un gars qui m'a dis très naturellement au lycée, "pourquoi tu aimes l'allemand? tous les Allemands sont des nazis", en 2001, un jeune de 15 ans qui sort ca, ca fait bizarre...
S'il le dit à cet âge-là, c'est qu'il a entendu ses parents le dire à la maison. Car rien ne justifie cette affirmation: il a bien dû voir aux infos que Gerhard Schröder est pas exactement ce qu'on peut appeler un nazi... A mon avis, c la faute des parents, car les média véhiculent même pas cette image, loin de là (à part les films qui se passent pdt la guerre,
mais le gamin a dû se rendre compte que c'était une autre époque etq ue bcp de choses avaient changé!).
C'est un peu comme les enfants qui ont des réactions et des attitudes racistes dans les petites classes: ca peut pas être spontané, donc ca ne peut venir que des parents... hélas
Je crains que cela soit un peu trop optimiste. Bien sûr "s'il voit Schröder aux infos"... Sauf que notre jeunesse ne regarde pas les infos, et surtout pas Schröder aux infos. Quel est le dernier sujet sur l'allemagne passé au vingt heures de TF1 ? La fête de la bière à Munich ? Où l'on n'aura manqué de montrer des grosses Allemandes mamelues en costume bavarois transportant des chopes de bières gargantuesques et saucisses suggestives puant le graillon jusqu'à travers le poste de télévision ? Combien de fois par an repasse-t-on
La grande vadrouille ? Une fois sur TF1, une sur M6, douze fois sur le cable et le satellite ? Je hais ce film.
Ma mère a maintenant des élèves qui ne savent pas qu'il y a eu un mur à Berlin et qu'il est tombé - bin oui mdame : on était pas né (tel est le flot médiatique aujourd'hui : toute information de plus de quelques jours est morte, caduque, sans valeur). Il ne faut pas non plus s'illusionner sur l'efficacité d'un programme d'histoire de troisième. Pour les élèves "normaux", il sera oublié juste après l'interro. Pour les mauvais, il n'aura jamais été intégré. L'Allemagne, c'est beaucoup plus loin que les Etats-Unis. Donc les Allemands sont et restent des nazis, vociférants, expectorants et cons.
Enzo wrote: En revanche, j'ai horreur de l'anglais académique (the queen's English)...les sonorités et surtout cette façon de monter et descendre la voix qui me parait exagéré. Mais il me semble qu'on retrouve moins cela dans les accents populaires anglais ou dans l'anglais-américain
Moi c'est exactement l'inverse. J'ai haï l'anglais "communicationnel", l'anglais (ou le yaourt) de la chanson, l'anglais marketing, l'anglais pub. Bref : j'ai haï l'anglais au collège et au lycée. Mais du Shakespeare, du John Donne ou même la BBC en fond sonore

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Svernoux wrote: La plupart des langues (à ma connaissance), plus on les apprend, plus elles sont difficiles. C'est le cas de l'anglais et, à ce qu'on m'a dit, de l'espagnol. L'allemand, plus tu l'apprends, plus c'est facile. C'est une peu difficile au début car il faut apprendre beaucoup de choses par coeur, mais une fois que tu sais ces choses par coeur, tout roule tout seul
Totalement d'accord avec toi ! Je ne suis pas le seul d'ailleurs avoir connnu ce moment de "déblocage" soudain (vers décembre de ma deuxième khâgne) où tout à coup l'allemand vous paraît comme "révélé"...
... Plus sérieusement, les structures de l'allemand sont claires et bornées, et le système de dérivation/composition très organisé. Au contraire, l'anglais, à partir d'un certain niveau, devient très très idiomatique. Je n'ai jamais rien compris aux verbes modaux anglais et leurs 36000 équivalents, alors que leurs équivalents allemands sont très organisés.
Kokoyaya wrote: Comme je l'ai dit deux fois (mais personne n'a l'air d'avoir vu), on parle de l'allemand depuis le début alors qu'il y en a bien plusieurs, suivant les accents, les variantes (Autriche), etc. Ce serait peut-être constructif de séparer un peu si on veut quitter les généralités, non ?
Ce point peut d'ailleurs être mis en relation avec la prétendue "dureté" "rugosité" etc. de la langue allemande. Je ne vois vraiment pas ce que l'allemand hambourgeois (la norme, en théorie) a de dure. Je passe sur le Ach, ont a assez dit qu'on le retrouvait en espagnol, grec, breton, russe, persan, etc. Quand au Ich, c'est précisément le contraire d'un son dur ! On pourrait déjà plus légitimement parler des consonnes aspirées (die T(h)ür, ro(th)), ou de la tendance naturelle à assourdir toutes les consonnes implosives (Feld, Absonderung, etc.). Mais en fait, quand on dit que l'allemand normé (hambourgeois) est dur, c'est n'est pas à cause de l'allemand lui-même, c'est à cause de la manière dont les Allemands parlent le français s'ils tentent de parler français (en appuyant démesurément certaines articulations, là où précisément il ne le faudrait pas !).
Quant aux variétés de l'allemand, je peux parler du Schwyzertütsch. Là, je suis obligé de concéder que la rugosité n'est pas un vain mot. Carla ne m'en voudra pas, mais je n'ai jamais trouvé le tütsch très joli. Bon, il faut pas exagérer non plus, l'auteuse de l'Assimil-Poche a raison de rappeler que le fameux "Chuchichäschtli vom Chiuchechor" (TOUS les "ch" se prononcent [x] en alémanique, quelle que soit leur position) est un exemple stupide ("le buffet de cuisine du choeur d'église"). N'empêche "Bringe Si s Zmoorge au uff s Zimmer ?" (peut-on prendre le petit déjeuner dans la chambre), ça fait quand même [bringe si s tsmoooorge auuffstsimmer], donc beaucoup de voyelles démesurément longues suivies de beaucoup de consonnes.
En tout cas, une chose est sûre : ceux qui prétendent que l'allemand est guttural, dur, crachotant ou ce qu'on voudra n'ont jamais entendu les Sept dernières paroles du Christ de Haydn, un Lied de Schubert, les chansons de Marlène Dietrich ou le monologue de Faust...
... Car c'est bien le malheur. Tout le monde connaît "to be or not to be" (ne serait-ce
que cela), tout le monde peut chantonner un truc ou un machin espagnol ou italien. Mais l'Allemagne reste totalement inconnue. A part peut-être Nina Hagen, mais là, effectivement, c'est un peu crachotant.
Sur ce, lass uns schlaffen, on verra les Sprachfehler demain, parce que là je suis complètement ausser Bertrieb.