
Bon, comme je suis très poli et que je ne veux choquer personne et surtout pas notre maître à tous

, je ne dirai pas que je déteste le chocolat belge, que de toute façon je n'aime pas la bière, que j'ai
absolument horreur des frites sous toutes leurs formes et je vous parle pas des moules (pour moi c'est un plat-à-cheveux-gras), que l'incompréhensible système politique belge choque mes préjugés névrotiques de petit prof français républicain centraliste, que les nationalistes flamands sont encore plus dégoûtants que le FN français et que j'ai un très mauvais souvenir de Bruxelles, encore pire qu'Amsterdam.
Donc, je ne le dirai pas.

Clichés, bien sûr. A tout dire je connais très mal la Belgique - j'y ai passé six jours, enfant, du temps où j'accompagnais ma mère en voyage, et mon souvenir en est assez mauvais, mais quand on est enfant, on s'attache parfois à des détails. J'ai en particulier le souvenir :
- Des serveurs flamands, à Bruxelles, qui parlaient flamand, anglais mais pas français bien que la carte fût en français - et qui se sont trompés dans nos commandes.
- De l'inexistence totale du sirop en Belgique (vous savez, le sirop de fruit, genre Tesseire, qu'on donne aux enfants ?). Chaque fois que j'ai commandé un sirop à un café, on m'a apporté un soda, dont j'avais horreur.
- Du boui-boui immonde ou mes mère et tante ont absolument voulu faire l'expérience d'un repas belge typique...
... Et d'ailleurs, chaque fois que je suis retourné dans un "restaurant belge", j'ai mal mangé. Désolé mais la cuisine patate-bière-légumes de terre, j'ai du mal.
- De l'absence d'un placard
fermé dans les hôtels. Exposer ses vêtements à l'air libre, ça choquait ma pudeur d'enfant !
- Et d'une manière générale, de la laideur de la ville de Bruxelle sorti de la grand-place. Vous allez me dire que c'est partout pareil. Oui et non : Paris reste hausmanien au moins dans le premier cercle des arrondissements (bon, les portes c'est autres chose). Athènes, c'est pas pareil : de toute façon c'est moche partout. Mais je sais pas pourquoi, j'aime bien la mochitude d'Athènes.
*

Donc, disais-je, je connais mal la Belgique. Mes souvenirs déjà lointains ont l'approximation de tous les souvenirs. Je pourrais vous parler de la Suisse longuement, mais la Belgique, je n'en connais, au fond, rien.
Sinon, vu de France, qu'est-ce que j'aime malgré tout de la Belgique ?
Cliché mais pas faux : la BD belge. Quand on voit la médiocrité de la BD française pour la jeunesse dans les années 60 (inconsistante sur la forme, limite pétainiste sur le fond), on se dit que quand même : Tintin, Spirou, Gaston, Les Schtroumpfs, c'était du sublime.
Leurs maisons d'édition universitaires qui ont encore le courage d'éditer des ouvrages de fond dans mon domaine, et d'une manière générale dans les sciences humaines. En particulier Peeters.

Les Bulletins de la Société de Linguistique de Paris (un pôle d'excellence mondial pourtant) sont édités désormais par une maison belge. Sans être nationaliste, c'est rageant quand même.
Les scores minables de l'extrême-droite wallonne (

à défaut de l'autre).
Quelques grands cinéastes belges. Bon, la belgitude-sociale-kenloachoïde façon Dardenne, j'en suis un peu lassé. Mais Gérard Corbiau reste un maître.
J'en trouverai d'autres...
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)