J'ai voté 2 meme si ce "à peu près comme dans la vie normale" me faisait réfléchir : la vie normale c'est le boulot non?!?!
C'est le privilège des gens qui font un métier qu'ils aiment que de pouvoir considérer que "la vie normale" c'est le travail et inversement, et de considérer que leur habit "non marqué", comme on dirait en linguistique, est celui de leur activité professionnelle. Je prie pour pouvoir le dire un jour... ou continuer à le dire.
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Blague des potaches dépressifs et futurs profs que je fréquente : c'est quoi la différence entre un prof du secondaire et un prof du supérieur ? Les deux sont mal fringués, mais le second chèrement. Le pire, c'est que c'est souvent vrai : j'ai souvenir d'un maître de conf dont la vêture ressemblait à celle d'un vieux pépé (vous savez : gris-violines-bordeau-beigeasse-orangés). Sauf qu'un jour nous nous sommes aperçu qu'elle était griffée Pierre Cardin.
Un jour je me suis rendu compte que je confondais les tailleurs de mes prof"e"s (on va être québécois, tiens). De toute façon c'est toujours le même, avec l'éternelle chaîne en or qu'elles ont l'air de
subir, un peu comme si on me faisait porter un képi.

Je me moque, mais le pire c'est que moi-même je me sens mal à l'aise quand un ou une prof arrive habillé
non je ne mettrais pas de petit (e) "cool" à la fac ; d'une certaine façon ça m'énerverait presque : j'ai l'impression qu'il manque de respect à l'Université, donc à moi. Et puis surtout qu'il essaie d'établir un prétendu climat de "convivialité" que je trouve tout à fait déplacé. Un peu comme les profs qui me tutoient. Je trouve ça hypocrite : s'il me note c'est qu'il m'est supérieur, donc autant que ça soit clair.

Dans le fond, je regrette l'usage des toges moutardes et groseilles. Je trouve dommage qu'elles ne soient plus utilisées que par les profs réacs.
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Quant à moi ? C'est quoi mon "travail" ? De toutes façons, j'ai une vision technique des habits, ils servent : 1. à me protéger des intempéries, 2. à protéger mon excessive pudeur (je fais partie de ceux qui se sont toujours déshabillés sous quatres draps dans les coins les plus obscurs des vestiaires pour garçons), 3. éventuellement, à me situer socialement.
Donc globalement je ne fais pas attention : j'ai quatre hauts et trois bas par saison, combinés au hasard.
Par contre, curieusement, les premiers jours de la rentrée, j'aime bien mettre mon unique costume.

Pour montrer à la vieille Université que je l'aime bien,
malgré tout.
Quant à mon éventuelle future activité professionnelle, là c'est simple : l'uniforme. Car les profs ont un uniforme... tacite, au sens propre du mot uniforme. Pour deux bonnes raisons :
1. La craie, les vélédas, l'encre rouge et la cantine. C'est un métier salissant (TOUS les profs de non-sciences envient les profs de sciences qui peuvent venir en blouse sans avoir l'air bête

).
2. Un prof doit se faire oublier en tant qu'être humain, imiter la muraille, sous peine d'accrocher l'attention des élèves sur autre chose que le cours(qui n'a jamais pouffé avec son voisin en apercevant les chaussettes ridicules d'un prof ? Or élève qui pouffe = classe en danger).

Le pire c'est pour les femmes, surtout si elles ont le malheur d'être jolies. Ayant pour public une assemblée d'adolescents potentiellement obsédés sexuels (pas tous, mais certains graves quand même

J'ai connu des soirées entières sur le thème "les remarques graveuleuses que j'ai fait semblant de ne pas entendre" - oui, les profs sont souvent selectivement sourds), il faut savoir pratiquer l'esthétique "victorienne" : pas un cm² de peau ou un cm3 de forme visibles entre le cou et les orteils ; compris, les orteils.
Un point très important : pas de cravate. La cravate est un signe de fonction, d'appartenance aux corps d'encadrement : proviseur, inspecteur, intendant. Revêtir une cravate, c'est comme de porter une légion d'honneur qu'on n'a pas reçue : c'est un délit

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Tout ça pour dire que si les profs sont mal fringués, c'est pas uniquement un manque total d'esthétique (c'est le cas aussi, faut le dire), c'est une nécessité.

La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)