Je déterre, car je viens d'acquérir par hasard un Astérix en latin,
Odyssea Asterigis, traduction de
L'Odyssée d'Astérix), à mon avis d'ailleurs un des meilleurs de toute la série.
Ces publications en latin (qui viennent d'Allemagne) peuvent sembler étranges, mais je dois tirer mon chapeau au traducteur.
Toute la première séquence, par exemple, où deux malheureux sangliers se font courser par nos Gaulois essaie de transposer les jeux de mots ; n'ayant pas l'original sous le main, je ne me souviens plus de tous, mais par exemple "je sens ma dernière hure arriver" (la hure étant la gueule d'un sanglier) deviens "ne brevi ultimum grunnitum dederim timeo" (j'ai peur de rendre bientôt mon dernier grognement", avec un jeu de mot sur spiritum ("souffle, soupir", mais aussi bruit de la respiration / grunnitum "grognement").
De même "tu agis comme un jeune marcassin qui aurait encore sa dent de laie" (lait/laie = femelle du sanglier), qui deviens "ne porcellam praebueris" ("ne fais pas ta jeune truie"), au lieu de "ne puellam praebueris" ("ne fais pas ta jeune fille/femmelette").
Une case plus loin, le sanglier dit "desine timere ! Ius verrinus non erit" ; j'avoue que j'ai oublié ce que comportait l'original, mais en latin en tout cas, c'est une allusion à un célèbre jeu de mots de Cicéron dans les
Verrines, "jus verrinus" pouvant se traduire aussi bien par "justice de Verrès" (le méchant et corrompu procurateur de Sicile) que par "jus de porc" ("N'aie plus peur, tu ne finiras pas en jus de porc").
Arrivés en Palestine, Astérix se fait aider par un marchant juif dont la physique est digne d'une caricature antisémite. Et quand Astérix s'étonne que son nom ait une consonnance romaine, celui-ci répond que c'est pour les affaires, et qu'il s'appelle en réalité "Rosenblumentalovitch" ! (Humour au huitième degré, puisque Goscinny était juif).
Dans la version latine, il devient Simon Barcochba, c'est-à-dire Simon Bar Koseba, chef de l'insurrection juive de 132 contre les Romains.
Dans le même ordre d'idée : Obélix s'étonne de ne pouvoir trouver de sanglier, et un juif qui le guide explique qu'ils ne mangent de la nourriture que si elle est cachère, et Obélix reprend "Pas chère ? Vous ne seriez pas un peu avare chez vous ?".
Dans la version latine, ça donne "si immunda est" (si elle est impure") - " si non emenda est ?!" [ce qui se prononce rapidement " si n'emendast"] ? ("s'il n'y a pas besoin de l'acheter ?!").
Ailleurs, Panoramix, soûlé par "un brevage venu de Calédonie, qui serait sans doute très bon avec des glaçons" donné à titre de médicamment, entonne "Boire un petit coup c'est agréable / boire un petit coup c'est doux / mais il ne faut pas rouler desssous le dolmen...").
Ce qu'ils ont remplacé par "In taberna quando sumus / non curamus quid sit humus", très célèbre chanson à boire du Moyen Âge faisant partie des carmina burana, encore connue des corpo d'étudiants.
Et caetera, et caetera...

Et je n'ai pas de latinistes cette année, quel dommage...
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)